Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 7-II, doc. 268
volume linkBern 1984
more… |▼▶Repository
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001B#1000/1522#2* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(B)1000/1522 2 | |
Dossier title | Aussenpolitische und militärische Berichte von Bern an schweizerische Vertretungen im Ausland (Auszüge aus politischen Berichten) (1921–1923) | |
File reference archive | D.1 |
dodis.ch/44479 La Division des Affaires étrangères du Département politique aux Légations de Suisse1
Pour faire suite à notre dépêche politique du 26 février2, nous avons l’honneur de vous communiquer les renseignements suivants:
Suisse.
Le Conseil national a voté avant-hier, par 115 voix contre 55, la suppression des «clauses américaines» concernant l’accession de la Suisse à la Société des Nations. Le Conseil des Etats discute encore.3 La grève des cheminots a cessé la nuit du 1er au 2 mars, peu après avoir été proclamée «grève générale». Désapprouvée par la C.G.T. et d’autres grandes organisations ouvrières, réprouvée par l’opinion publique, son échec était certain; mais elle n’en est pas moins pour la France un événement déplorable et lourd de conséquences, surtout en ce moment, en pleine période d’emprunt, de tension des changes, de crise des transports et d’embouteillage des lignes. Elle a cruellement frappé les régions libérées. Il y a un fait inquiétant à retenir: en 1910, Briand avait brisé une première grève des cheminots par leur mobilisation; cette fois, une partie des cheminots, atteints d’un ordre de mobilisation, n’y ont pas donné suite.
Quant aux rapports entre le Gouvernement et la nouvelle Chambre, M. Dunant signale un revirement favorable à M. Steeg, Ministre de l’Intérieur. Ses adversaires ont reconnu que la présence de cet homme rompu aux affaires est indispensable au Ministère Millerand actuel, qui compte tant d’hommes nouveaux.
Il est tout à fait curieux d’observer la rivalité Briand-Barthou, qui se dessine nettement – déjà – en vue de la future crise ministérielle. Le premier fait cercle dans les couloirs et y retient ses adhérents par le charme de sa parole nonchalante; le second, voulant profiter du prestige que lui confère sa situation de Président de la Commission des Affaires extérieures, a déposé une interpellation, mais Briand lui a coupé l’herbe sous le pied en intervenant brillamment dans le débat sur l’incorporation de la classe 1920; et les initiés de sourire de l’astuce qui préside à cette course au maroquin.
Allemagne, Russie, Pologne. [...]4
Il paraît que le Gouvernement de Pétrograde désirerait envoyer en Suisse une «mission commerciale»; aucune ouverture ne nous a encore été faite à ce sujet.
Suivant des renseignements de source militaire allemande, particulièrement qualifiée pour juger la situation sur le front oriental, les Allemands ont évacué complètement les provinces baltiques non par ordre du Gouvernement, mais uniquement parce qu’ils étaient privés de vivres et de munitions, et, au surplus, attaqués dans le dos par les Esthoniens. La grande erreur des Allemands serait d’avoir perdu du temps en négociant et en signant la paix de Brest-Litowsk, au lieu d’anéantir – ce qui aurait été facile à ce moment – les quelques «nids» bolchevistes et de rétablir aussi l’ordre en Russie. La population aurait volontiers accueilli les Allemands comme libérateurs.
Cet officier estime que la «Reichswehr» est actuellement assez forte pour tenir l’armée rouge à distance du territoire allemand, mais il craint fort une débâcle de l’armée polonaise, et prévoit que des combats entre Allemands et Russes aux frontières déclencheraient la révolution en Allemagne. Il estime que, si l’armée rouge le veut, elle peut arriver jusqu’aux confins de l’Allemagne; l’Esthonie se rallierait probablement aux Russes; les Lithuaniens, trop faibles et au surplus menacés par les Esthoniens et les Polonais, seraient écrasés; quant à ces derniers, leurs cadres français, d’ailleurs très capables, ne sauraient les entraîner au combat. Toujours selon le même informateur, les Russes auraient pour but de guerre le rétablissement des frontières de 1914. Ce but atteint, ils ne s’occuperaient plus que de rétablir l’ordre et la vie économique à l’intérieur. On doute toutefois à Berlin que le Gouvernement des Soviets lui-même partage cette idée de son état-major et qu’il se contenterait d’avoir atteint ce but patriotique.
Les représentants de la Pologne à Rome, par contre, ne pensent pas que le Gouvernement des Soviets réclamera les anciens Etats non russes: Pologne, provinces baltiques, Finlande. Lénine et Trotsky, après avoir établi par la force l’unité de l’ancien empire russe d’Arkhangelsk à Odessa, écrasé l’armée de Koltchak, saisi les sommes énormes et le matériel que l’Entente avait mis à la disposition de cet amiral, aspirent à la paix. Mais cette paix ne sera pas sans sacrifices et humiliation pour la Pologne. Le Ministre de Finlande pense, lui aussi, que le Gouvernement bolchevique reconnaîtra l’indépendance de la Finlande. Celle-ci ne serait, toutefois, pas en mesure de résiter à l’armée rouge.
L’opinion publique à Berlin espère que la paix russo-polonaise interviendra à temps pour conjurer le péril d’une invasion de l’Allemagne. Quant aux Polonais, ils ne cèdent qu’abandonnés par leurs alliés; la population est lasse de la guerre, et le pays épuisé.
La situation reste, comme vous le voyez, très incertaine. Même les milieux alliés de Berlin se plaignent d’être mal et insuffisamment renseignés sur ce qui se passe en Russie et en Pologne.
Avant son départ, Radek a conféré avec l’ancien conseiller d’Etat bâlois Hermann Blocher, Karl Moor et le conseiller national Huggler.
L’ancien chancelier Bethmann vient de publier un article dans la «Deutsche Allgemeine Zeitung» dont il résulte, entre autres, qu’en juin 1917 l’Allemagne s’était déclarée prête à faire la paix: 1. en reconnaissant l’entière indépendance de la Belgique, et 2. en offrant certaines concessions territoriales en Alsace-Lorraine.
Le chancelier et l’empereur auraient été d’accord sur cette question. Erzberger aurait empêché la réalisation du projet.Suivant des renseignements de Vienne, la France cherche à attiser en Bavière la haine traditionnelle de ce pays contre les Prussiens, mais sans succès, car il ne lui pardonne pas d’avoir inscrit le prince-héritier Rupprecht sur la «liste des coupables». Les tendances centralisatrices des socialistes de Berlin indisposent bien plus les Bavarois contre la Prusse qu’une propagande française intéressée.
Il paraît que les Wittelsbach travaillent énergiquement à la réunion de la Bavière avec les Alpenländer autrichiens. Seule une combinaison de ce genre pourrait peut-être détacher la Bavière de l’empire allemand.Le Ministre d’Autriche à Berlin déclare que le nombre des ennemis de l’incorporation de ce pays à l’Allemagne est aujourd’hui minime – comme l’a d’ailleurs montré la conférence de Salzbourg. – On estime en Autriche que c’est le seul moyen de tirer le pays des calamités économiques dans lesquelles il se débat. M. Hartmann ajoute qu’une révision éventuelle des Traités de Versailles et de St-Germain porterait en premier lieu sur cette question. C’est à l’occasion de cette révision que la question du Vorarlberg reviendra certainement à l’ordre du jour.
M. Bourcart apprend, de source diplomatique italienne, que la France aurait travaillé d’abord à la restauration des Habsbourg, puis à la Confédération danubienne et, se rendant compte de l’insuccès de ces démarches, finit par s’intéresser à la combinaison Wittelsbach, dont nous venons de parler. Elle est ainsi revenue à la politique de Richelieu, mais va, suivant notre informateur italien, au-devant d’un nouvel échec.
L’Italie ne songe pas à se dessaisir du Tyrol allemand, qui est une province de haute importance stratégique. Elle ne serait pas absolument opposée à un rapprochement austro-hongrois, mais ne consentirait jamais à l’établissement du «corridor» entre les deux Etats slaves, dont nous avons souvent parlé. C’est probablement pour ce motif que l’Italie suit d’un mauvais œil les intrigues que M. Renner trame avec le cabinet de Prague.
Les représentants italiens et anglais à Vienne sont très préoccupés de la Russie. Ils voient le grand danger d’une paix avec les Soviets, car les wagons de marchandises contiendraient des brochures révolutionnaires, et les commis-voyageurs seraient en réalité des agitateurs bolchevistes.
Il est intéressant de noter que l’ambassadeur de M. Sazonov à Rome désigne Berlin comme le centre actuel de la propagande bolcheviste en Europe, tandis que, selon d’autres, ce serait Vienne. [...]5
P.S. Suivant des renseignements de Bruxelles, la propagande bolcheviste multiplie ses efforts en Hollande, pour essayer de déborder sur les pays voisins. La grève des cheminots, en France, était son œuvre. On est convaincu, en Belgique, que l’Allemagne cherche à prendre en mains la restauration économique de la Russie. L’Entente cherche de son côté à tirer des matières premières de ce pays, pour se libérer de la sujétion économique à l’égard de l’Amérique.
P.S. En ce moment, le Conseil des Etats vient de voter, par 33 voix contre 5, l’accession de la Suisse à la Société des Nations.
- 1
- Rapport politique (Copie): E 2001 (D) c 1 /1920-1923. Paraphe: AJ.↩
- 2
- Non reproduite.↩
- 3
- Voici le texte de l’arrêté fédéral approuvé par les Chambres: Arrêté fédéral confirmant et modifiant l’arrêté fédéral du 21 novembre 1919 concernant l’accession de la Suisse à la Société des Nations, du 5 mars 1920. L’Assemblée fédérale de la Confédération Suisse après avoir pris connaissance du Message complémentaire du Conseil fédéral en date du 17 février 1920: décrète I. L’arrêté fédéral du 21 novembre 1919 concernant l’accession de la Suisse à la Société des Nations est confirmé avec la modification que le chiffre II de l’arrêté ne contiendra plus que la disposition relative au vote du peuple et des cantons sans mention des cinq Grandes Puissances. II. L’arrêté fédéral concernant l’accession de la Suisse à la Société des Nations aura la teneur suivante: L’Assemblée fédérale de la Confédération suisse, Après avoir pris connaissance d’un Message du Conseil fédéral en date du 4 août 1919 et d’un Message complémentaire en date du 17 février 1920; Constatant que la neutralité perpétuelle de la Suisse, reconnue notamment par l’Acte du 20 novembre 1815, est envisagée par l’article 435 du Traité de Paix conclu, le 28 juin 1919, entre les Puissances alliées et associées et l’Allemagne comme un engagement international pour le maintien de la paix et que la neutralité perpétuelle de la Suisse doit, conformément à l’article XXI du Pacte de la Société des Nations, être considérée comme n’étant incompatible avec aucune des dispositions dudit Pacte, ainsi que le Conseil de la Société des Nations l’a solennellement reconnu dans sa déclaration de Londres en date du 13 février 1920; Espérant que la Société des Nations actuelle s’élargira dans un avenir non éloigné de manière à devenir universelle, décrète I. La Suisse accède au Pacte de la Société des Nations du 28 avril/28 juin 1919. Les dispositions de la Constitution fédérale concernant la promulgation des lois fédérales sont applicables à la ratification des amendements apportés audit Pacte et à l’approbation des conventions de tout genre qui sont en rapport avec la Société des Nations. Les décisions relatives à la dénonciation du Pacte ou à la sortie de la Société des Nations doivent être soumises au vote du peuple et des cantons. L’article 121 de la Constitution fédérale concernant l’initiative populaire est aussi applicable aux décisions relatives à la dénonciation du Pacte ou à la sortie de la Société. II. Le présent arrêté fédéral sera soumis au vote du peuple et des cantons. III. Le Conseil fédéral est chargé de l’exécution du présent arrêté. Ainsi arrêté par le Conseil national. Berne, le 3 mars 1920.↩
Tags
France (Politics) German Realm (Politics) Communist movement