dodis.ch/43096 Der schweizerische Gesandte in
Paris, Ch.
Lardy, an den Bundespräsidenten und Vorsteher des Politischen Departementes,
A. Deucher1
Confidentiel Paris, 3 mars 1909
Habent sua fata libelli. Les alliances, comme les livres, ont leurs destins. Il est vraiment intéressant de constater que l’alliance franco-russe, qui devait peutêtre, dans la pensée du pauvre président Félix Faure et des nationalistes français de 1896, constituer le premier pas fait vers la Revanche, se trouve, en fait, transformée aujourd’hui en un instrument de rapprochement entre Paris et Berlin. - Il est haut comme une tour en ce moment, que les Allemands et les Français, les Français et les Allemands, sont absolument résolus à ne pas s’entreégorger pour les passions de leurs alliés russes et de leurs alliés autrichiens. Ce sont les Français qui travaillent à l’heure actuelle à calmer Petersbourg et les Allemands qui travaillent à calmer Vienne.
D’après ce que M. Pichon m’a dit cet après-midi, la situation est encore assez tendue; après les efforts considérables faits par la France à Petersbourg pour amener la Russie à exercer une pression sur les Serbes pour qu’ils renoncent à toutes compensations territoriales, et alors qu’on peut sérieusement espérer que les Serbes vont enfin accepter ce point de vue, il faudrait maintenant qu’à Vienne, on renonçât à l’idée de ne traiter que directement avec la Serbie; il faudrait que M. d’Aehrenthal acceptât de parler avec les autres grandes puissances des compensations économiques à accorder aux Serbes. Si l’Autriche n’entrait pas dans cet ordre d’idées, elle ne serait suivie ni par la Russie, ni par la France, ni par l’Angleterre, ni par l’Italie. - A Berlin, a continué M. Pichon, on ne paraît pas devoir approuver in petto l’intransigeance de l’Autriche, et, sans peut-être le dire aux tiers, on aiguillera M. d’Aehrenthal vers la conversation avec les Puissances. - Vraiment, après tout ce que la France a fait à Petersbourg dans l’intérêt de la paix, elle ne peut aller plus loin en raison de son alliance et de ses intérêts; il faut espérer qu’on le comprendra à Vienne. - Il n’y aura pas de guerre, parce qu’on peut compter qu’à Vienne, on sentira que l’heure est venue maintenant de converser avec l’Europe sur les avantages économiques à assurer aux Serbes.
D’après ce qu’on me dit de bonne source financière, le geste aimable francoallemand à propos du Maroc, souligné par la remise de la Grand Croix de la Légion d’honneur à l’Ambassadeur d’Allemagne à Paris, sera suivi de participations de la finance allemande dans des affaires financières françaises et viceversa; des pourparlers importants seraient actuellement en cours. - En outre, les finances française et allemande feraient cause commune en ce moment en Turquie contre la finance anglaise, qui a cherché, après la Révolution d’août dernier, à mettre la main sur la Turquie et en particulier à jouer des tours à la Banque ottomane en créant un établissement concurrent. - M. Henry, administrateur de la Banque ottomane, ancien directeur des Affaires Commerciales au Ministère des Affaires Etrangères, Ambassadeur de France en retraitevient d’être désigné provisoirement comme Directeur du service du contrôle de la Dette ottomane pour lutter contre les ambitions anglaises et coopérer avec la Deutsche Bank etc. Dans le monde financier, on craint toujours que l’Angleterre, qui a échoué dans sa tentative d’exciter une guerre franco-allemande, essaie de nouvelles formes d’excitation par la Serbie ou par les comités slaves, Jeunes-Turcs etc. On croit qu’elle échouera cette fois-ci, que la guerre sera évitée cet hiver, mais que l’Angleterre continuera en Orient ses efforts pour exciter les Etats continentaux les uns contre les autres.