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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 4, doc. 40
volume linkBern 1994
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2#1000/44#584a* | |
Old classification | CH-BAR E 2(-)1000/44 106 | |
Dossier title | Errichtung eines diplomatischen Postens [Gesandtschaft] und Berufs-Generalkonsulates für Grossbritannien in London und einer Gesandtschaft für Argentinien, Uruguay und Paraguay in Buenos Aires, 1891 (1891–1896) | |
File reference archive | C.220.15 |
dodis.ch/42450
Proposition du Chef du Département des Affaires étrangères (Division politique), N. Droz, au Conseil fédéral1 Nomination aux postes de Buenos-Aires et de Londres
L’Assemblée fédérale ayant accordé l’augmentation de crédit de 100000 fr. que nous lui avons demandée pour la représentation de la Suisse à Buenos-Aires, Londres et Yokohama2, il y a lieu de se préoccuper maintenant de l’organisation des nouveaux postes. Nous laisserons de côté pour le moment celui de Yokohama, au sujet duquel nous sommes encore en correspondance avec le Consul général actuel, M. Dumelin.
S’agissant de Buenos-Aires et de Londres, nous croyons devoir examiner successivement:
1° quelle est la nature de chaque poste, d’après le genre d’affaires qui lui incombent particulièrement et quelles sont les qualités à requérir du titulaire;
2° quels sont les candidats auxquels on peut songer pour chacun d’eux. a. Buenos-Aires. Le premier genre de travail qui s’imposera ici, c’est de liquider la situation certainement très embrouillée du consulat actuel. Pour cela, il faut un homme entendu aux affaires, ayant la main ferme et l’esprit juridique.
Une fois cette liquidation terminée, les affaires qui occuperont principalement le titulaire seront, dans leur ordre d’importance comme besogne matérielle:
1° le soin des multiples rapports entre nos nombreux ressortissants et les autorités argentines ou suisses dans tous les domaines de la vie civile;
2° la protection des émigrants;
3° les informations à fournir au Conseil fédéral sur les colonies existantes ou à créer;
4° le soin de nos intérêts commerciaux et les indications utiles à fournir à notre public industriel et commerçant.
Il a été annoncé par notre message à l’Assemblée fédérale3 que nous songions à donner au titulaire le caractère diplomatique, ce qui permettra de l’accréditer auprès d’autres Etats de l’Amériquedu Sud, et les commissions des Chambres ont admis qu’il devait en être ainsi. Un des objets dont le titulaire devra être spécialement chargé, c’est la négociation de traités d’établissement, de commerce et d’extradition avec ces divers Etats.
Pour remplir cette difficile et complexe mission, il faut un homme qui soit avant tout rompu aux questions diplomatiques et consulaires. Des connaissances spéciales en matière de commerce ou de colonisation seraient sans doute désirables, mais elles ne suffiraient pas à elles seules pour déterminer notre choix. Ce n’est pas un côté seulement de la mission qu’il faut avoir en vue, mais Y ensemble des intérêts qu’elle a pour but de protéger. Un homme possédant les qualités principales qui sont nécessaires acquerra bien plus facilement celles d’ordre plutôt secondaire, qu’un simple spécialiste, à qui il manque les vues générales et l’expérience des affaires diplomatiques et consulaires. Preuve en soit l’activité de nos ministres actuels qui ont fort bien su se mettre au courant, en fort peu de temps, des questions relatives au commerce ou à l’émigration.
b. Londres. Ce poste est difficile à d’autres points de vue. Ce qui domine ici, ce sont les questions juridiques, si complexes à cause de l’obscurité des lois et de la jurisprudence anglaises. Les affaires diplomatiques viennent en seconde ligne comme occupation. Il y a une nombreuse colonie suisse à Londres, qui donne beaucoup à faire. En outre, passablement de relations avec les possessions britanniques, par exemple pour le choix des consuls. En cas de complications européennes, le poste de Londres deviendrait très important à divers points de vue.
Pour tous ces motifs, il nous faut pour ce poste un diplomate doublé d’un bon juriste, ou un juriste qui soit en même temps un bon diplomate. L’Assemblée fédérale, par l’organe de ses commissions, s’est déclarée d’accord avec cette manière de voir, contenue déjà dans notre message à l’appui du budget. A notre avis, les principes qui doivent nous diriger dans le choix des titulaires sont les suivants:
1° La carrière diplomatique et consulaire ne doit pas être fermée. On doit pouvoir prendre en dehors du personnel actuel les candidats qui présenteraient les qualités nécessaires.
2° A égalité de mérite, toutefois, il y a lieu de donner la préférence à un candidat qui a déjà fait ses preuves au service du pays.
3° L’ancienneté de service doit, dans ce dernier cas, être prise en considération. Mais avant tout, il s’agit de choisir le candidat le mieux qualifié, l’intérêt du pays devant passer avant les considérations personnelles.
En application de ces principes, le soussigné doit dire qu’il s’est demandé en premier lieu s’il existait en dehors du personnel actuel diplomatique et consulaire des candidats auxquels on pourrait songer pour ces postes et qui fussent disposés à accepter une nomination. Le soussigné n’en connaît aucun.
Dans le personnel actuel, il y a quatre candidats qui paraissent pouvoir entrer en ligne. Ce sont:
1° M. Rodé. 36 ans. Docteur en droit. Avocat de 1879 à 1883. Est entré à cette dernière date au Département politique. Célibataire. Connaissances linguistiques: le français et l’allemand; passablement l’espagnol, qu’il a eu l’occasion de parler assez souvent; assez bien l’anglais moins la pratique, et quelque peu l’italien.
2° M. Pioda. 40 ans. Docteur en droit. Entré à la légation suisse à Rome comme attaché en 1875; nommé secrétaire en 1876 et conseiller de légation en 1884. Marié à une Française. Sait l’italien, le français et l’allemand, et jusqu’à un certain point l’anglais.
3° M. Burkhardt ou Bourcart. 31 ans. Dr en droit, second secrétaire à la légation suisse à Paris de 1883 à 1885. Premier secrétaire depuis cette dernière date. Conseiller de légation depuis la fin de 1890. Marié à une Bâloise. Sait le français et l’allemand également bien (il a fait son éducation à Bâle et sa mère était Parisienne); passablement l’anglais.
4° M. Carlin. 32 ans. Dr en droit. Attaché pendant quelques mois à la légation suisse à Rome en 1882. S’établit ensuite comme avocat à Saint-Imier jusqu’en 1884, où il entre à Vienne comme secrétaire. Nommé Conseiller de légation en 1887. Marié à une Viennoise. Connaissances linguistiques: le français et l’allemand et un peu l’italien.
A côté de ces 4 candidats, nous devons mentionner aussi M. Corragioni d’Orelli, notre vice-consul à Londres, en faveur duquel le Swiss-Club a envoyé une pétition. M. Corragioni a 28 ans. Il est Dr en droit et sait bien l’allemand, le français et l’anglais. Il a pour lui de connaître les questions juridiques qu’il a eu à traiter depuis 1885 qu’il est au Consulat général. Mais il n’a aucune expérience diplomatique, il est d’ailleurs le plus jeune des candidats, et sa conduite dans la récente affaire concernant son état civil n’est pas de nature à ce que nous puissions le recommander. On pourra au surplus continuer à utiliser ses services, si le Conseil fédéral est d’accord et si lui-même veut bien accepter le poste qui pourrait lui être offert.
Le soussigné a eu l’occasion de sonder les dispositions des 4 candidats prénommés. Trois d’entre eux se sont recommandés pour qu’on ne les oubliât pas dans les combinaisons qui pourraient avoir lieu: MM. Pioda, Bourcart et Carlin. Le soussigné en a aussi parlé à M. Rodé, qu’il paraît juste de ne pas oublier non plus dans cette circonstance.
M. Rodé a répondu que si le Conseil fédéral voulait bien songer à lui pour un poste, il préférait aller à Buenos-Aires plutôt qu’à Londres. M. Pioda a déclaré au contraire que ses circonstances de famille ne lui permettraient pas d’aller à Buenos-Aires. M. Bourcart sera heureux d’avoir un avancement, quel qu’il soit. M. Carlin est aussi dans des circonstances de famille qui lui font désirer de ne pas s’éloigner beaucoup de Vienne.
Si, conformément aux principes indiqués plus haut, nous nous plaçons au point de vue des intérêts du poste qu’il s’agit de desservir, le soussigné n’hésite pas à penser que M. Rodé doit incontestablement avoir la préférence pour Buenos-Aires. Il réunit le mieux les qualités qu’il faut pour ce poste difficile, et il acquerra sans doute facilement celles qui peuvent lui manquer. Ce n’est pas sans regret que le Département se privera de ses services, mais il faut considérer que M. Rodé est à un âge où l’on n’admet généralement pas d’avoir atteint son but définitif, et l’administration serait probablement exposée à le perdre un peu plus tôt ou un peu plus tard si on le laisse dans ses fonctions actuelles. Pour le remplacer, il sera possible d’obtenir, à défaut d’autres candidats, la collaboration de l’un ou de l’autre de nos secrétaires de légation prénommés.
Quant au poste de Londres, si on le confie à l’un des trois autres candidats, on peut être sûr de ne pas faire un mauvais choix. Mais nous donnerions, pour ce qui nous concerne, la préférence à M. Bourcart. Il a sur M. Carlin l’avantage de savoir l’anglais, chose essentielle pour un diplomate dans un pays qui n’admet pas volontiers le français comme langue des affaires, même internationales. Il est certainement plus travailleur que M. Pioda, plus habitué surtout à la tractation des questions juridiques qui occupent grandement la légation de Paris, tandis qu’à Rome il s’en présente beaucoup moins. Dans une lettre personnelle, M. Lardy nous écrit:
«Je pense qu’aucun des autres premiers secrétaires ou conseillers n’est plus qualifié que M. Bourcart pour le poste de chargé d’affaires à Londres... Pour un poste à créer, pour des relations à ouvrir, pour un caractère comme celui de l’Angleterre, la manière d’être de M. Bourcart me paraît justifier pleinement son envoi à Londres.»
M. Bourcart est en effet la correction en personne. Il ne compromettra jamais notre pays par une action intempestive. C’est un homme qui, bien que jeune encore, se possède complètement et fera honneur à notre pays. Il a, déjà actuellement, une fortune qui lui permettra de s’en tirer avec le traitement qui lui sera alloué. Quel que soit le choix auquel le Conseil fédéral [parviendra, il sera possible de donner une compensation aux candidats non élus pour les encourager et leur prouver qu’on ne les oublie pas. Nous nous réservons d’en entretenir le Conseil fédéral.
Quant à la question du traitement et des indemnités à affecter à chacun des nouveaux postes, nous pensons qu’il y a lieu de la discuter d’abord avec les futurs titulaires. Ce que nous pouvons dire dès maintenant, c’est que le crédit voté par les Chambres suffira certainement. Le Département est autorisé à entrer en pourparlers avec M.Rodé pour le poste de Buenos-Aires et avec M. Bourcart pour le poste de Londres. Il fera ensuite rapport sur le résultat de ces démarches et présentera, le cas échéant, des propositions concernant l’organisation et le traitement de chaque poste.4
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