Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
16. Italie
16.1. Commerce
16.1.1. Traité de commerce de 1891
Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 4, doc. 38
volume linkBern 1994
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Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E2200.19-01#1000/1701#111* | |
Ancienne cote | CH-BAR E 2200.19-01(-)1000/1701 106 | |
Titre du dossier | 21 (1882–1897) | |
Référence archives | 0 |
dodis.ch/42448
A mesure que s’approche le moment de la dénonciation des traités de commerce, il devient de plus en plus nécessaire de s’orienter aussi exactement que possible sur les dispositions réciproques qui régnent pour leur renouvellement.
Tandis que l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie se préparent à conclure entre elles et à offrir ensuite aux autres Etats du centre de l’Europe de nouveaux traités sur une base relativement libérale, la France suit une voie qui semble devoir la conduire, momentanément du moins, à une situation sans traités.
Pour réagir contre la politique douanière de ce dernier pays, il ne faut s’attendre à des représailles ni de l’Angleterre, ni de la Belgique, ni des Pays-Bas. Ces pays, d’après nos informations, persévéreront en tout état de cause dans leur système économique actuel. L’Allemagne veut éviter d’avoir l’air de prendre des mesures visant la France. L’Italie ne songe sans doute pas à recommencer la guerre de tarif à laquelle elle a renoncé. Quant à l’Autriche, on n’est fixé ni sur ses intentions, ni sur l’intensité des forces qu’elle pourrait mettre en ligne contre le protectionnisme français. Reste la Suisse: on ne nous a pas caché d’un certain côté que l’on comptait à peu près exclusivement sur elle pour obtenir de la France des concessions qui profiteront aux autres Etats.
En vue de nos négociations avec ces divers pays, les autorités fédérales, vous le savez, ont préparé un nouveau tarif des péages. Le Conseil national l’a discuté au mois d’octobre, le Conseil des Etats ces jours derniers. Il a été entendu que les divergences qui existent entre les décisions des deux Chambres ne seraient liquidées que dans une session de printemps, afin de permettre au Conseil fédéral de formuler ses dernières propositions en tenant compte de la situation générale telle qu’elle se présentera alors.2
Il n’y a pas à se dissimuler les difficultés en présence desquelles notre pays va se trouver. Il s’agira, d’une part, de prendre attitude vis-à-vis des Etats de la Triple Alliance qui nous offriront probablement, peut-être à bref délai, des négociations basées à peu près sur le maintien du statu quo: nous aurons à nous demander entre autres s’il nous convient de conclure avec ces Etats sans traiter en même temps avec la France, qui n’aurait plus, au cas contraire, le même intérêt à nous payer des concessions que nous aurions déjà accordées à des tiers. D’autre part, si, ce qui est possible, les négociations avec la France n’aboutissent pas, il s’agira de savoir si nous voulons appliquer à ses produits notre nouveau tarif, tout au moins sur les articles qui ne figureraient pas dans nos traités éventuels avec d’autres pays, et cela au risque de voir frapper nos produits des droits du tarif maximum français.
Mais ce n’est là qu’une partie des difficultés qui se présentent. On peut en définitive attendre, pour arrêter une ligne de conduite à cet égard, que la situation soit mieux dessinée. Il n’en est pas tout à fait de même d’un autre ordre de difficultés qui tiennent à l’achèvement et à l’utilisation de notre nouveau tarif des péages et qui appellent une plus prompte détermination.
Dans la pensée de la majorité des Chambres, le nouveau tarif doit servir à deux fins: permettre de faire des concessions pour la conclusion de nouveaux traités, et en même temps protéger un certain nombre de branches de notre production nationale, industrielle et agricole, sur le marché suisse contre la concurrence étrangère. Par conséquent, tout en étant autorisés à consentir à des réductions sur les nouveaux droits, les négociateurs suisses auront pour mission de ne pas descendre au-dessous de certains taux plus ou moins supérieurs à ceux qui sont actuellement perçus. Ainsi, tandis que nous demanderons à l’étranger des allègements sur la situation actuelle ou tout au moins le maintien du statu quo, nous aurons à lui faire accepter d’assez notables relèvements de droits sur les articles importés en Suisse.
La double question qui se pose maintenant pour nous est de savoir dans quelle mesure nous pouvons attendre que les autres Etats accepteront ces relèvements et dans quelle mesure aussi nos négociateurs pourront faire des concessions sans risquer que les nouveaux traités soient ici repoussés. C’est ce difficile problème que nous devons tâcher sinon de résoudre, du moins d’éclairer de notre mieux avant que notre nouveau tarif soit définitivement adopté par les Chambres.
Il est évident qu’on ne peut demander même officieusement aux autres pays de nous faire connaître à l’avance leurs propositions éventuelles de réductions. Ce serait nous engager dans une sorte de négociation préalable tout à fait prématurée, pour ne pas dire déplacée. Mais il n’est pas absolument impossible de recueillir d’une autre manière des renseignements utiles, propres à nous éclairer sur l’impression produite par les relèvements déjà adoptés et sur les résistances plus ou moins grandes que nous aurons à vaincre pour les faire admettre en totalité ou en partie. Sous ce rapport les manifestations qui se produisent dans les milieux intéressés doivent être notées avec soin. La grande expérience que vous avez, Monsieur le Ministre, en matière de négociations commerciales vous permet d’ailleurs d’apprécier vous-même la situation d’une manière sûre et de nous fournir de précieuses indications sur les perspectives d’entente ou de nonentente avec le gouvernement italien, dans les conditions données.
Pour faciliter votre examen de la question, nous avons fait préparer un tableau3 des principales importations d’Italie en Suisse avec la mention en regard des droits actuellement perçus et de ceux adoptés par le Conseil national et par le Conseil des Etats. Ce tableau vous sera envoyé sous peu.
Quant aux droits d’entrée en Italie, le moment n’est pas encore venu de s’en occuper. Ce sera, à notre avis, assez tôt lorsque nous devrons préparer nos instructions pour les négociateurs. C’est là du reste la partie relativement la plus facile de la tâche qui incombe à notre département. Mais il n’en est pas de même quant à la fixation de la limite extrême des concessions à faire sur notre tarif. Ceux pour qui les nouveaux droits sont une terre promise ne se résigneront pas facilement à les voir réduire et deviendront naturellement les adversaires des traités, dont les négociateurs, quels qu’ils soient, risquent d’être accusés d’avoir manqué de fermeté ou de clairvoyance.4
Comme il est probable que les négociations prochaines n’auront pas lieu à Berne, et que vous aurez ainsi à y prendre part directement, il est d’autant plus nécessaire que vous soyez au courant des difficultés de la situation. A notre avis, votre collaboration à tous ces travaux préparatoires est indispensable si l’on veut marcher sûrement et faire de la bonne besogne. Dans la dernière séance de la commission du Conseil des Etats pour le tarif des péages, nous avons fait un exposé sommaire de la situation et annoncé un nouveau rapport confidentiel pour la session de printemps. Ce rapport déterminera sans doute l’attitude définitive des Chambres: à cette occasion, les commissions pourront se prononcer sur l’importance des concessions qu’il sera possible d’accorder sur notre tarif en vue des futurs traités. C’est à nos yeux le point qu’il est hautement désirable de tirer au clair, si l’on veut éviter pour plus tard des récriminations. Rien ne serait plus fâcheux que de procéder aux négociations sur la base d’une équivoque provenant de ce que les uns considéreraient les relèvements de droits essentiellement comme des moyens de combat destinés à disparaître en bonne partie, tandis que d’autres les envisageraient comme devant leur rester acquis, du moins dans une très grande mesure.
En résumé, nous faisons appel à votre concours:
1° pour nous dire quelles sont, à votre avis, d’après l’expérience des précédentes négociations et d’après les autres renseignements que vous pourrez vous procurer, les perspectives d’entente ou de non entente sur la base des nouveaux droits adoptés par le Conseil national et par le Conseil des Etats.
2° pour nous tenir au courant, comme vous l’avez du reste fait jusqu’ici, de tout ce que vous pourrez apprendre de nouveau sur les dispositions qui régnent en [Italie] et dans les autres pays en matière de renouvellement des traités de commerce.
- 1
- Lettre: E 2200 Rom 1/106. La même lettre fut envoyée à Vienne, cf. lettre de Droz à Aepli du 27 décembre 1890 (E 2200 Wien 1/118) et à Paris. Cf. la réponse de Lardy à Droz du 20 janvier 1891 (E 13 (B)/180).↩
- 2
- Cf. Message du Conseil fédéral sur la révision du tarif des péages du 2 mai 1890 (FF 1890, II, pp. 831–873); PV du Conseil national du 10 octobre 1890 du 2 et 10 avril 1891 (E 1001 (c) d 1/1102 et 104); et PV du Conseil des Etats du 16 décembre et du 8 avril 1891 (E 1001 (D) d 1/97 et 98).↩
- 3
- Non reproduit.↩
- 4
- Cf. DDS vol. 3, no 383, dodis.ch/42362.↩
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