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Documenti Diplomatici Svizzeri, vol. 4, doc. 20
volume linkBern 1994
Dettagli… |▼▶Collocazione
Archivio | Archivio federale svizzero, Berna | |
▼ ▶ Segnatura | CH-BAR#E2300#1000/716#729* | |
Vecchia segnatura | CH-BAR E 2300(-)1000/716 334 | |
Titolo dossier | Paris, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 43 (1890–1890) |
dodis.ch/42430
Le passage à Paris du Prince de Galles revenant de Berlin pour se rendre à Cannes, les conversations qu’il a eues ici et d’autres renseignements me permettent de Vous adresser le rapport suivant sur les impressions que les derniers événements de Berlin paraissaient avoir produites dans les cercles gouvernementaux britanniques; je ne donne pas ces impressions pour la vérité vraie, sachant à quel point les questions de personnes ont pu contribuer à les modifier, mais je crois qu’il est bon de les noter:
Et d’abord, qui a poussé l’Empereur Guillaume II à se séparer du Prince Bismarck? Indépendamment d’une foule de motifs personnels à l’Empereur et que M. Roth Vous a signalés dans ses rapports, il paraît que le parti militaire a surtout travaillé à la chute du Chancelier; il comptait en retirer les principaux profits et tous les hobereaux prussiens, dont beaucoup ont les dents longues, comptaient sur la curée. Mais l’Empereur ne voulait pas plus de la tutelle du parti militaire qu’il n’était disposé à subir plus longtemps celle du solitaire de Friedrichsruhe. Le parti militaire est donc de mauvaise humeur, car M. de Caprivi n’est pas son homme; il est un instrument dans la main de l’Empereur.
Deuxième point: GuillaumeII, une fois la démission donnée par M.de Bismarck ou sur le point de l’être, a dit à son ami le Cte Waldersee: «Eh bien, c’est à peu près fait; vous allez être Chancelier de l’Empire.» L’Empereur croyait que cela allait de soi et n’avait pas sondé le terrain de ce côté. Il a donc été extrêmement surpris du refus catégorique du chef de l’Etat-major général, qui lui a déclaré: «Je suis soldat et ne connais rien à la politique; laissez-moi à mon métier.» GuillaumeII a fait alors appel au Général de Caprivi, qui a également refusé, mais le jeune Souverain, fort peu satisfait, a donné à M. de Caprivi l’ordre formel d’accepter, et M. de Caprivi aurait alors déclaré qu’ayant toujours obéi comme soldat, il se soumettait à un ordre.
Quant au poste de Ministre des Affaires étrangères, Guillaume II était convaincu que le Comte Herbert resterait malgré le départ de son père; il aurait donc été fort surpris, décontenancé même de la déclaration du Comte qu’habitué à aller prendre chez son père ses instructions lorsqu’il n’était pas certain d’avance d’agir en communauté d’idées avec lui, il ne pouvait lui convenir d’aller en chercher chez d’autres après avoir eu un tel maître. De très grands efforts auraient été faits par l’Empereur auprès d’Herbertde Bismarck, et cela très sincèrement pour l’amener à conserver ses fonctions.
Quant à M. de Marschall, il est représenté comme un viveur et un faiseur de dettes, sans connaissances et sans portée d’esprit.2 C’est, paraît-il, avec stupéfaction qu’on a appris sa nomination au Foreign-Office. Le poste aurait d’ailleurs été offert à plusieurs personnes, et M. de Münster a dit ici à un tiers (qui me l’a rapporté) l’avoir refusé en invoquant son âge.
En ce qui concerne l’état d’esprit de l’ancien Chancelier, le Prince de Galles a confirmé de tous points ce que M. Roth Vous écrit, à savoir qu’il est furieux et que ses amis se donnent beaucoup de mal pour l’empêcher de donner une expression publique à ses sentiments. Le Prince de Galles a raconté et confirmé notamment que le Prince Bismarck a dit à l’Empereur: «Votre Majesté me fait Maréchal alors que je ne puis pas commander trois hommes; M. de Caprivi fera très bien; il peut commander trois hommes.»
L’impression d’ensemble rapportée de Berlin serait que les socialistes ne sont nullement apaisés, que les patrons sont inquiets, et que le monde politique se demande ce qu’on fera le 6 mai devant le Reichstag, pour obtenir le vote d’importants crédits militaires alors qu’on n’a pas de majorité.
En ce qui concerne la politique extérieure, on n’a à Londres aucune inquiétude immédiate, mais on éprouve de l’inquiétude pour l’avenir en ce sens que M. de Bismarck savait, avec une habileté consommée, «maintenir l’assiette en équilibre sur le bout de son doigt, en le déplaçant légèrement du côté de la Bulgarie lorsqu’il le fallait, ou du côté de la Serbie lorsque l’assiette penchait trop à l’Est». On se dit que l’Empereur, secondé comme il pourra l’être par M. de Marschall, sera amené trop tôt à prononcer des paroles plus ou moins irrévocables et n’a pas autour de lui des gens capables de faire le triage entre ce qui est important et ce qui ne l’est pas. Que Guillaume II désire la paix, personne n’en doute à Londres, mais qu’il soit moins bien outillé qu’auparavant pour en assurer le maintien, on n’en doute pas non plus [...]3
Il y a quelques jours j’ai eu la visite de mon ami M. Paul Laboulaye, qui vient de regagner son poste à Pétersbourg, après un triste congé passé à Paris au lit de mort de sa femme. M. et Madame de Laboulaye ont été la première famille française qui m’ait accueilli à mon arrivée ici il y a plus de vingt ans et je leur en ai toujours gardé une grande reconnaissance. M. de Laboulaye considère Alexandre III comme un homme d’une portée d’esprit considérable, bien que cet esprit se contente d’un certain nombre d’idées très simples. Il a le sentiment très élevé de sa mission et se considère comme l’arbitre de la paix. Il a su vaincre jusqu’à son amour-propre dans l’affaire de Bulgarie et M. de Laboulaye a la conviction que ce souverain jouera avec persévérance et esprit de suite son rôle de pondérateur et de modérateur. L’ambassadeur de France a ajouté que, dans son opinion personnelle, la création d’une Légation de Suisse à Pétersbourg serait favorablement accueillie par le Czar, qui, l’an dernier, «a certainement rendu et voulu rendre un service à la Suisse».4 Selon M. Laboulaye, tout Etat qui n’a pas un ministre connu du Czar, que le souverain peut voir en chair et en os, est un pays à peu près non- existant5; il est convaincu que si la Suisse et sa neutralité devaient jamais être l’objet d’une conversation européenne, le fait d’avoir à Pétersbourg un ministre connu du Czar aurait une portée considérable; M. Laboulaye a dîné une fois chez le Consul de France avec notre Consul général M. Dupont, qui est fort estimé dans le monde des affaires, mais qui serait totalement ignoré du monde de la Cour qui fait la politique. Quant à la dépense, M. Laboulaye l’évalue à 60000 fr. pour mettre un ministre de Suisse sur le pied des Ministres de Suède, des Pays-Bas ou de Belgique; le Ministre de Portugal n’a que 40000 fr.
Encore une fois, je ne puis accepter de responsabilité quant à l’exactitude des informations de source anglaise relatées plus haut; je les reproduis fidèlement parce qu’elles peuvent avoir leur portée comme indice de la manière dont le cabinet britannique a accueilli les changements survenus à Berlin, ou tout au moins de la manière dont on pense autour de la souveraine anglaise.
- 1
- Rapport politique: E 2300 Paris 43.↩
- 2
- Roth réagit vivement à ce portrait négatif dans son rapport du 12 avril 1890: [...] Ich habe so lange Freiherr von Marschall hier in Berlin bekannt, auch nicht eine einzige Stimme gehört, welche derselben auch nur annähernd in dem Lichte eines Lebemannes erscheinen lassen könnte.[...] Cf. E 2300Berlin 10. Et Lardy revient sur la question le 24 avril: [...] On me représente le Baron de Marschall comme un fonctionnaire bien au courant de la pratique de sa chancellerie pour les affaires intérieures allemandes, mais comme n’ayant pas montré du tout qu’il eût des aptitudes ou des connaissances dans le domaine de la politique universelle. [...] Cf. E 2300Paris 43.↩
- 4
- Cf. DDS vol. 3, no 408, dodis.ch/42387.↩
- 5
- Cf. ibid., no 63.↩
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