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Télégramme de l’Ambassadeur de Suisse à Tripoli, A. Hurni, au Département politique1

L’entretien avec Président Gadafi après la présentation des lettres de créance2 s’est déroulé dans l’ensemble dans une atmosphère amicale, mais il a été marqué par moments de tension et même d’animosité à l’égard de notre pays. Après m’avoir poliment déclaré que la Libye souhaitait entretenir avec la Suisse des relations cordiales et collaborer avec elle en vue du développement économique du pays, il m’a déclaré que malheureusement l’attitude suisse pro-Israël assombrissait les relations entre nos deux pays. «La Suisse souffre actuellement des conséquences des restrictions arabes en matière fourniture de pétrole, mais elle pourra souffrir encore davantage à l’avenir» m’a-t-il déclaré textuellement. Invité à préciser les motifs de ses reproches, il a abordé:

1. Affaire «Héliswiss»3. Il m’a déclaré qu’interdiction suisse était preuve tangible de l’attitude anti-arabe de notre pays. Cette interdiction empêchait en effet – selon ses dires – la formation de jeunes pilotes libyens qui auraient pu prêter leurs services dans des œuvres humanitaires.

2. Les entraves qu’autorités suisses opposeraient à dirigeants arabes pour exposer leur point de vue à la radio et à la télévision.

3. Fait que la Suisse sauvegarde les intérêts israéliens dans des pays qui ont rompu les relations avec Tel Aviv, ce qui sabote isolement Israël4.

Ai répondu ad primo en m’inspirant d’instructions et documentation que vous m’aviez fait parvenir et qui m’ont été des plus utiles5.

Ad secundo que son affirmation était inexacte.

Ad tertio que la Suisse a sauvegardé pendant le dernier conflit mondial les intérêts d’une quarantaine de nations parfois en même temps dans des pays réciproquement ennemis6. Qu’actuellement plus de 20 pays lui avaient confié leurs intérêts7. Enfin, que la Suisse n’acceptait le mandat qu’après avoir sollicité et obtenu l’accord par les pays auprès desquels elle était appelée à sauvegarder les intérêts.

À la fin de notre entretien, Gadafi s’est visiblement radouci et la conversation est devenue cordiale. Ai retiré de mon entretien avec lui et avec d’autres hauts fonctionnaires l’impression que nous devrions faire un sérieux effort de présence en Libye pour mieux faire connaître les réalités de notre pays. Les renseignements que fournit son Gouvernement l’Ambassadeur de Libye à Berne8 me paraissent tendancieux. Je crois qu’il serait utile que vous m’accordiez l’autorisation permanente me rendre à Tripoli, qui n’est qu’à une heure de vol de Tunis, aussi souvent que l’estimerai nécessaire et possible, du moins pendant l’année prochaine9. Il y a tout un courant à remonter.