Einschätzung des schweizerischen Schutzes fremder Interessen während des Zweiten Weltkrieges. Argumente für die Fortführung der bisherigen Neutralitätspolitik.
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 16, doc. 56
volume linkZürich/Locarno/Genève 1997
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001-02#1000/110#4* | |
Old classification | CH-BAR E 2001-02(-)1000/110 1 | |
Dossier title | Divers rapports de la DIE sur son activité en général (au Chef du Département Politique Fédéral, à la Commission de gestion du Conseil des Etats, etc.) (1939–1948) | |
File reference archive | (1.a).B.24.00-B |
dodis.ch/196
Le Chef-Adjoint de la Division des Intérêts étrangers du Département politique, J. de Saussure, au Chef de la Section des Unions internationales du Département politique, D. Secrétan12
Il est une vérité malheureusement méconnue du grand public à l’étranger et dont seuls quelques cercles gouvernementaux très bien informés se rendent compte, à savoir que la Suisse a rendu aux Alliés un bien plus grand service en restant neutre que si elle avait participé à la guerre à leurs côtés. On peut trouver des preuves très diverses de ce que nous avançons, mais ce n’est pas là notre propos. Nous voudrions seulement, dans les lignes qui vont suivre, attirer l’attention sur le fait que si, dans le domaine des intérêts étrangers, la Suisse a pu être utile aux belligérants durant le conflit qui vient de se terminer dans une mesure plus grande qu’aucun autre pays neutre, c’est uniquement parce que sa neutralité était pour ainsi dire d’une «qualité spéciale»3. En effet, la neutralité suisse n’est pas occasionnelle et dictée par des considérations d’opportunité politique, mais perpétuelle et reconnue par toutes les Puissances depuis plus d’un siècle comme étant «dans les vrais intérêts de l’Europe» et comme un axiome du droit international.
A un moment donné, la Suisse a représenté 35 Etats dans un nombre correspondant de pays et parmi ces nombreux Etats se trouvaient toutes les grandes Puissances, à l’exception de l’URSS qui n’avait pas avec la Suisse de relations diplomatiques. Croit-on que toutes ces Puissances aient choisi notre pays pour lui confier leurs intérêts parce qu’il aurait eu un service diplomatique et consulaire particulièrement bien préparé pour cette tâche et très supérieur à celui d’autres pays neutres? Nullement, car la formation professionnelle des diplomates suisses n’est pas plus complète que celle de leurs collègues suédois par exemple. De plus, le corps consulaire et diplomatique suisse n’est pas nombreux et il est bien des pays où notre représentation est moins bien organisée et moins complète que celle d’autres Etats restés hors du conflit. Si néanmoins, nous avons été choisis de préférence à d’autres neutres, c’est sans doute parce que notre neutralité étant perpétuelle et non occasionnelle, nous offrions des garanties d’objectivité qu’on ne pouvait trouver ailleurs et aussi peut-être parce qu’on se disait que nous risquions moins que d’autres pays non belligérants d’être entraînés dans le conflit, notre neutralité étant garantie par des engagements particulièrement sacrés et anciens qui en avaient fait une des institutions les plus vénérables du droit international. On peut remarquer aussi que dans un grand nombre de cas, la Suisse défendait à la fois les intérêts des deux camps, ainsi les intérêts britanniques en Allemagne4 et allemands dans l’Empire britannique5, ou encore les intérêts allemands aux Etats-Unis d’Amérique6 et les intérêts américains en Allemagne7. Cette situation n’existait sauf erreur pour aucun autre neutre et n’était possible que grâce à ce que nous avons appelé la «qualité spéciale» et même «unique» de la neutralité suisse. Elle était extrêmement avantageuse, car elle permettait de comparer par exemple le traitement accordé par des nations ennemies aux prisonniers de guerre ou aux internés civils qui se trouvaient en leur pouvoir et d’obtenir ainsi des améliorations de leur situation quand il était possible de prouver que les sujets d’un Etat recevaient chez l’ennemi un traitement plus favorable que celui que cet Etat accordait aux personnes qu’il détenait.
Les services rendus par la Suisse, grâce à sa neutralité perpétuelle, sont trop connus pour qu’il soit nécessaire de s’étendre longuement sur ce sujet.
Il suffira de rappeler les innombrables échanges de diplomates et de consuls qui furent négociés par l’entremise de la Division des Intérêts étrangers et dont les plus connus sont:
1) celui qui eut lieu à Lisbonne au printemps 1942 et qui portait sur 1800 personnes8. Il comprenait d’une part les représentants de l’Allemagne et de ses satellites aux Etats-Unis d’Amérique et dans certains pays américains et d’autre part des représentants des trois Amériques se trouvant en Europe;
2) les deux échanges de Lourenço-Marques en été 19429 qui s’effectuèrent l’un entre l’Amérique et le Japon, l’autre entre l’Egypte et l’Empire britannique d’une part, le Japon d’autre part. Ces échanges portaient en tout sur 6600 personnes;
3) l’échange des diplomates de l’hémisphère occidental accrédités à Vichy contre le personnel consulaire allemand capturé à Alger qui eut lieu en mars 194410;
4) l’échange de diplomates germano-argentin de l’été 194411 qui ne fut complété qu’au printemps 1945 au moment de l’échange de personnel diplomatique et consulaire germano-turc12.
Il faut citer aussi les échanges de civils n’ayant pas de prérogatives diplomatiques, dont les plus importants furent celui qui eut lieu en 1942 à Lisbonne entre l’Allemagne et ses alliés d’une part et les Etats de l’hémisphère occidental d’autre part13. Il fut opéré par le moyen du vapeur suédois «Drottningholm» et porta sur 2000 personnes. En 1945, un second échange de civils d’une certaine importance fut organisé, entre les mêmes Puissances, mais cette fois sur territoire suisse14. 850 personnes en bénéficièrent, parmi lesquelles les Juifs libérés de camps de concentration tels que celui de Bergen-Belsen.
Rappelons enfin l’activité considérable déployée par nos inspecteurs de camps de prisonniers de guerre et d’internés civils dans presque tous les pays signataires de la Convention de Genève du 27 juillet 192915 sur le traitement des prisonniers de guerre qu’ils se sont efforcés de faire respecter. Il convient de mentionner à propos de prisonniers de guerre les rapatriements massifs de prisonniers opérés à la suite de négociations conduites par la Division des Intérêts étrangers. Le premier fut mené à bien simultanément à Göteborg, à Barcelone et à Oran en octobre 194316. 11’000 blessés et membres des troupes de santé en bénéficièrent. Dès ce moment, de nouveaux échanges de prisonniers de guerre eurent lieu, certains d’entre eux en liaison avec l’échange de diplomates et de civils, à savoir en mars, mai et septembre 1944 à Lisbonne, Barcelone et Göteborg17. Enfin, à la fin de janvier 1945, un grand échange de blessés et malades comportant 7000 prisonniers et environ 1000 membres des troupes sanitaires eut lieu sur territoire suisse18. Mentionnons aussi les rapatriements de prisonniers de guerre entre la Grande-Bretagne et l’Italie qui furent menés à chef en 1942 et en 1943 à Smyrne19.
Enfin, n’oublions pas parmi les services rendus par la Suisse aux belligérants, qu’il est impossible de mentionner tous, la distribution de secours à nos protégés civils internés ou non internés. Elle fut considérable surtout en ce qui concerne les Anglo-Saxons en Extrême-Orient20. Au total, nos représentants à l’étranger ont délivré des secours pour une somme d’environ 245’000’000 de francs suisses.
Ces quelques faits glanés presque au hasard parmi tous ceux qui se rapportent à l’activité de la Suisse dans le domaine de la défense des intérêts étrangers démontrent bien quels grands services notre pays a pu, grâce à sa neutralité perpétuelle, rendre non seulement à la cause de l’humanité, mais aussi aux Puissances qu’il représentait. C’est ce statut également qui lui permet d’abriter le Comité International de la Croix-Rouge. Le fait que cette institution dont les tâches sont souvent parallèles à celles de la Puissance protectrice se trouve sur notre sol est une raison de plus de confier à la Suisse la sauvegarde d’intérêts étrangers. En effet, la collaboration du Comité International et du Gouvernement suisse s’est révélée très heureuse dans certains domaines, tels que celui par exemple de l’envoi à l’étranger des Commissions Médicales Mixtes21 prévues par l’article 69 du Code des Prisonniers de Guerre pour désigner les prisonniers blessés et malades à rapatrier.
Les expériences faites pendant cette guerre démontrent que le rôle de la Suisse a été non seulement utile, mais indispensable. Il semble donc évident que la neutralité perpétuelle de notre pays, qui fut reconnue il y a plus d’un siècle comme étant «dans les vrais intérêts de l’Europe», est maintenant dans les vrais intérêts du monde entier.
Dans toute organisation internationale qui veut être mondiale, il faudrait qu’il y eût un pays au moins dont on soit certain qu’il ne rompra pas les relations diplomatiques avec l’Etat agresseur et qu’il pourra par conséquent avoir accès dans le territoire de cet Etat et y protéger les intérêts des autres Puissances ou tout au moins s’occuper de leurs prisonniers. La Suisse est plus qu’aucun autre pays désignée par sa tradition et par son rôle dans le dernier conflit pour remplir cette mission.
- 1
- Dans la lettre d’accompagnement, J. de Saussure écrit: Ci-joint, je vous envoie les quelques considérations que vous m’avez demandées concernant les raisons que l’on peut tirer de la sauvegarde des intérêts étrangers par la Suisse pour plaider la cause du maintien de notre neutralité perpétuelle au sein d’une organisation internationale. Ce travail est forcément un peu «bâclé», vu le peu de temps dont je disposais. Suivant vos indications, je l’ai fait très court. J’espère qu’il pourra néanmoins être utile à M. le Conseiller fédéral Petitpierre.↩
- 2
- (Copie): E 2001 (D) 11/1.↩
- 3
- Pour un rapport exhaustif, cf. Rechenschaftsbericht der Abteilung für Fremde Interessen des Eidgenössischen Politischen Departements für die Zeit von September 1939 bis Anfang 1946 rédigé par A. Janner et classifié vertraulich. E 2001 (D) 11/1 et E 2800/1967/ 61/93.↩
- 4
- La Suisse assume la protection en Allemagne des intérêts britanniques. Sur ceux de l’Afriquedu Sud, cf. E 2001 (D) 15/76; sur ceux de l’Australie, cf. E 2001 (D) 15/77; sur ceux du Canada, cf. E 2001 (D) 15/79; sur ceux de la Grande-Bretagne, cf. E 2001 (D) 15/3-37; sur ceux de la Nouvelle Zélande, cf. E 2001 (D) 15/81.↩
- 5
- Cf. E 2001 (D) 17/1-39 et 50-65.↩
- 6
- Cf. E 2001 (D) 17/74-95.↩
- 7
- Cf. E 2001 (D) 14/3-18.↩
- 8
- Cf. e. a. E 2001 (D) 14/4.↩
- 9
- Cf. e. a. E 2001 (D) 14/42.↩
- 10
- Cf. e. a. E 2001 (D) 17/75.↩
- 11
- Cf. e. a. E 2001 (D) 17/46.↩
- 12
- Cf. e. a. DDS, vol. 15, doc. 256, dodis.ch/47860 et E 2001 (D) 12/59-60.↩
- 13
- Cf. e. a. E 2001 (D) 14/6 et 17/76.↩
- 14
- Cf. e. a. DDS, vol. 15, doc. 333, dodis.ch/47937 et E 2800/1967/61/93.↩
- 15
- Cf. RO, 1931, vol. 47, pp. 31-60.↩
- 16
- Cf. e. a. E 2001 (D) 11/63.↩
- 17
- Cf. e. a. E 2001 (D) 11/64-65.↩
- 18
- Cf. e. a. E 2001 (D) 11/65.↩
- 19
- Cf. e. a. E 2001 (D) 12/34.↩
- 20
- Cf. E 2001 (D) 14 et E 2001 (D) 15; pour ce qui concerne les intérêts au Japon, cf. DDS, vol. 16, doc. 33, dodis.ch/25.↩
- 21
- Sur les Commissions médicales mixtes, cf. DDS, vol. 14, doc. 329, dodis.ch/47515, Annexe et No 381; E 2001 (D) 11/6-62 et E 27/12706.↩
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