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Le Chef du Département politique, M. Petitpierre, au Président du Comité international de la Croix-Rouge, L. Boissier1

J’ai bien reçu votre lettre du 19 novembre2, ainsi qu’une copie de la convention conclue le 17 novembre entre le Gouvernement hongrois, la Croix-Rouge hongroise et le Comité international de la Croix-Rouge. Je vous remercie de m’avoir communiqué ce document.

Le Conseil fédéral a pris ce matin la décision de renoncer pour le moment, soit à un appel, soit à une démarche diplomatique auprès du Gouvernement soviétique dans la question des déportés. Sa décision est fondée sur les trois raisons suivantes:

1. Le peuple suisse a observé ce matin trois minutes de silence après une sonnerie de cloches. De cette manière, il a manifesté sa compassion et sa solidarité à l’égard des déportés hongrois et protesté contre la brutalité avec laquelle le peuple hongrois a été traité par l’URSS au cours de ces dernières semaines. Une intervention du Conseil fédéral ne pourrait qu’affaiblir l’effet de la manifestation de ce matin, et cela d’autant plus qu’une démarche diplomatique n’a guère de chance de succès.

2. L’Assemblée générale des Nations Unies discute actuellement le problème des déportés hongrois. Elle est saisie d’une résolution du Gouvernement cubain dont les objectifs sont exactement les mêmes que ceux que pourrait poursuivre une démarche diplomatique faite par notre pays.

3. Une intervention du Conseil fédéral pourrait rendre plus difficile l’accomplissement par le Comité international de la Croix-Rouge des tâches qu’il a déjà assumées et qu’il assumera peut-être encore en Hongrie.

Par ailleurs, hier après-midi j’ai pu avoir un entretien téléphonique avec M. le Ministre Feisst, qui se trouvait à Vienne. J’ai pu me mettre d’accord avec lui au sujet de la répartition des compétences. Il va se rendre à Budapest pour s’occuper uniquement des intérêts suisses, en particulier de l’aide à apporter à la colonie suisse en Hongrie. M. Feisst reviendra ensuite en Suisse. Il pourra faire part de ses impressions3. Il me semble utile qu’il puisse avoir à ce moment-là un contact avec le Comité international de la Croix-Rouge. Il est très conscient de la nécessité qu’il y a d’éviter toute équivoque entre les personnalités et les institutions qui s’occupent de l’aide à la Hongrie4. Comme je connais M. Feisst, je ne doute pas que les malentendus qui ont pu se produire ne puissent aisément être dissipés.