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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 20, doc. 128
volume linkZürich/Locarno/Genève 2004
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2800#1990/106#122* | |
Old classification | CH-BAR E 2800(-)1990/106 20 | |
Dossier title | Etats-Unis d'Amérique : Leland Harrison, John Carter Vincent, Richard Cunningham Patterson, Frances Elizabeth Willis, Henry J. Taylor, Reams (1945–1960) | |
File reference archive | 342.20 |
dodis.ch/11355
Notice du Département politique1
RÉSUMÉ DE L’ENTRETIEN DU 16 AOÛT 1957 ENTRE M. LE CONSEILLER FÉDÉRAL PETITPIERRE ET M. TAYLOR, AMBASSADEUR DES ETAT-UNIS EN SUISSE
1) M. Taylor est heureux d’avoir l’occasion de s’entretenir avec le Chef du Département et désire lui faire un premier rapport sur les pourparlers qu’il a eus avec un groupe de banquiers suisses pour tâcher de trouver une solution aux difficultés ayant surgi ces derniers mois entre nos deux pays, relatives à certaines de nos pratiques bancaires, qui ne semblent ni comprises, ni appréciées par le gouvernement américain2.
L’Ambassadeur des Etats-Unis déclare qu’il a eu avec un groupe de banquiers suisses (8 personnes, dont les noms sont indiqués dans la liste ciannexée)3 divers contacts, soit à l’Ambassade des Etats-Unis à Berne, soit à Zurich. Une discussion franche est intervenue entre tous les intéressés et certaines décisions ont été prises par l’Associationsuisse des banquiers à la suite de ces entretiens. Ces décisions sont reproduites dans la circulaire cijointe4 que l’Association vient d’adresser à tous ses membres. Il semble qu’aujourd’hui les deux comités désignés par le Sénat américain pour procéder à cette enquête sur certaines activités de nos banques, réalisant que de sérieux efforts ont été accomplis par l’Associationsuisse des banquiers en vue de trouver une solution à ce problème, ont continué leur investigation dans un esprit tout différent et avec beaucoup moins de vigueur. M. Taylor croit que la question ne sera plus soulevée publiquement avant l’interruption des travaux du Congrès. L’Ambassadeur des Etats-Unis s’emploie de toutes ses forces pour éviter qu’une publicité malveillante soit donnée à cette affaire et a demandé au gouvernement américain de faire rentrer aux Etats-Unis les investigateurs (paraît-il au nombre de neuf) qui avaient été chargés de vérifier sur place si certaines pratiques bancaires suisses n’étaient pas nuisibles aux intérêts de diverses sociétés américaines, dont un grand nombre d’actions seraient détenues par de puissants groupes étrangers sous le couvert de comptes numérotés en Suisse. M. Taylor a insisté sur le fait qu’à un certain moment, avant qu’il ne soit intervenu personnellement dans cette affaire, les deux comités américains auraient eu l’intention de prendre des mesures qui auraient pu nuire très fortement aux intérêts des banques suisses aux Etats-Unis. Confidentiellement, M. Taylor ajoute qu’il avait même été question, à un certain moment, de bloquer le paiement des dividendes aux porteurs d’actions américaines placées dans les banques suisses, mais que ce danger semblait maintenant écarté.
M. Taylor mentionne également qu’il a été convenu que le Bureau du Internal Revenue5 à Washington transmettrait à l’Associationsuisse des banquiers (ce point ne figure pas dans la circulaire ci-jointe) la liste des personnes étrangères connues aux Etats-Unis en tant que fraudeurs du fisc américain. Grâce à cette liste, les banques suisses – sans qu’il ne soit exercé sur elles une pression quelconque – pourront vérifier si le nom de certains de leurs clients figure sur les contrôles de l’Internal Revenue. Si tel était le cas, les banques suisses qui n’ont aucun intérêt à voir leurs clients vouloir se soustraire à l’impôt américain, ce qui serait d’ailleurs contraire à une saine gestion bancaire, feraient le nécessaire pour se débarrasser de ces portefeuilles dangereux. D’autre part, M. Taylor a déclaré que les banquiers suisses avec qui il avait eu l’occasion de discuter l’ensemble de ce problème, lui avaient assuré qu’à l’avenir ils éviteraient de servir d’intermédiaires à certains groupements financiers étrangers qui auraient l’intention, sous le couvert de ces banques, d’effectuer des transactions contraires à la législation américaine.
M. Petitpierre remercie l’Ambassadeur des Etats-Unis des efforts qu’il avait entrepris en vue de trouver une solution satisfaisante à ce délicat problème; grâce à son entremise personnelle, il avait contribué à aplanir un différend, dont les conséquences auraient pu être fâcheuses. Il lui dit également sa reconnaissance d’avoir pu compter sur son expérience d’ancien banquier, rompu à tous ces problèmes. M. Petitpierre ajoute qu’à son avis il était important que cette question puisse se régler directement entre les banques suisses et les autorités américaines intéressées, plutôt que par des négociations intergouvernementales entre l’Amérique et la Suisse, ce qui n’aurait pas manqué de provoquer, dans l’opinion publique, des remous et des réactions défavorables aux bonnes relations entre nos deux pays.
M. Petitpierre aura certainement l’occasion, à l’avenir, de rencontrer l’un ou l’autre de ces banquiers. Il les encouragera à poursuivre leurs efforts en vue de rétablir le climat de confiance nécessaire aux rapports financiers entre l’Amérique et la Suisse.
2) L’Ambassadeur Taylor aborde ensuite la question des techniciens militaires suisses qui sont envoyés à intervalles réguliers aux Etats-Unis pour parfaire leurs connaissances de certains types d’armements anti-aériens américains modernes. Selon la pratique suivie jusqu’à maintenant, le spécialiste suisse d’une arme déterminée est mis en contact, à son arrivée aux Etats-Unis, avec le spécialiste américain de la même arme qui lui expose l’évolution de cet engin et les méthodes américaines d’utilisation. Selon M. Taylor, cette manière de procéder n’est pas satisfaisante. En effet, il estime que tout technicien militaire suisse se rendant aux Etats-Unis devrait avoir la possibilité d’être éclairé sur l’ensemble des méthodes de défense américaines et non seulement sur sa spécialité. C’est la raison, pour laquelle M. Taylor a demandé au gouvernement américain que l’on procède à l’avenir différemment, ce qui permettra aux techniciens suisses d’avoir une vue d’ensemble sur ce qui se fait aux Etats-Unis, au point de vue de la défense nationale. M. Taylor estime, en effet, que la Suisse, malgré son statut de neutralité, joue un rôle militaire important en Europe. Bien qu’il ne soit pas membre de la NATO, notre pays doit être en mesure de bénéficier du plus grand nombre d’informations possibles, dont il pourra, le cas échéant, s’inspirer pour sa propre défense, ce qui répond d’ailleurs aux intérêts de l’Europe. M. Taylor n’a pas encore eu l’occasion d’en parler à M. Chaudet. M. Petitpierre lui déclare qu’il en touchera un mot à son collègue au Conseil fédéral.
3) M. Taylor signale à M. Petitpierre qu’il a passé une journée avec le Général Gruenther, un ami de toujours, lors de la visite que le représentant du Général Eisenhower a faite récemment à Genève à la Croix-Rouge internationale. Il a assisté, avec M. Grunther, à une séance du Comité international de la Croix-Rouge. M. Taylor fait ensuite remarquer qu’une question d’une grande importance va se poser lors de la conférence de la Croix-Rouge à la Nouvelle Delhi6. On y discutera, en effet, la mise à l’ordre du jour et l’adoption d’une résolution préparée par le Comité international, qui a trait à la protection des populations civiles contre les armes incontrôlables7. M. Taylor croit savoir, par des rapports qui lui sont parvenus de la NATO à Paris, que l’Ambassadeur de Suisse en France aurait déclaré que nous avions l’intention, non seulement de demander que cette question fût portée à l’agenda de la conférence, mais encore de nous prononcer en faveur de cette résolution lors du vote. M. Taylor a été étonné de cette prétendue prise de position de la Suisse, car elle ne correspondait pas à ce qui lui a été dit lors d’une de ses récentes visites au Palais fédéral. Il serait dès lors désireux de connaître la position officielle du gouvernement suisse dans cette affaire. Selon le gouvernement américain, l’adoption d’une telle résolution pourrait avoir des répercussions «catastrophiques». Il y a d’ailleurs, ajoute M. Taylor, une grande différence entre le fait d’accepter qu’une telle résolution figure à l’agenda de la conférence et celui de l’adopter. M. Petitpierre répond qu’il s’intéresse personnellement à l’étude de cette question et qu’il l’examinera encore de plus près, très prochainement. Il précise que la position de la Suisse à cet égard n’a pas encore été arrêtée. Il prévoit qu’une décision sera prise d’ici la fin du mois8. Il autorise M. Taylor à en informer son gouvernement.
4) M. Taylor remarque ensuite qu’il y a, entre la Suisse et l’Amérique, un certain nombre de problèmes en suspens qu’il serait grand temps de régler. Comme l’administration américaine est immense et que, souvent, les bureaux cherchent à retarder le règlement des affaires, M. Taylor a fait venir en Suisse ces derniers temps, en vue de combattre ces méthodes dilatoires, des personnalités responsables de chaque administration américaine qui traitent des problèmes particuliers intéressant la Suisse. Grâce à ces contacts, il a obtenu la conviction que certaines questions pourraient, si elles étaient traitées avec la diligence voulue, être résolues dans un avenir proche. M. Petitpierre mentionne à ce propos les difficultés faites à certaines catégories de Suisses qui se rendent aux Etats-Unis et qu’on astreint là-bas au service militaire9, ce qui est contraire aux termes du traité d’établissement de 1850 entre la Suisse et le gouvernement des Etats-Unis10. Alors que selon le droit des gens les traités internationaux priment la législation interne, il n’en est pas ainsi aux Etats-Unis, et c’est la raison pour laquelle ce problème n’a pu être réglé jusqu’à ce jour. M. Taylor tout en admettant ce fait et son caractère peu usuel, le défend jusqu’à un certain point en expliquant que le Congrès américain ne veut pas être dépouillé, par l’effet de traités internationaux, de toutes ses prérogatives législatives. M. Taylor s’emploiera tout de même, à l’avenir, pour convaincre le service, qui suit cette question, de trouver une solution satisfaisante.
Sur les autres questions en suspens – et abstraction faite de l’affaire Interhandel11 qui sera traitée directement à Washington –, M. Petitpierre a l’impression que des solutions ne pourront peut-être pas être trouvées très rapidement (il pense plus particulièrement à la question horlogère12), vu les divergences de vues actuellement existantes. Cependant, il est très reconnaissant à l’Ambassadeur de suivre ces problèmes et il est prêt à examiner avec lui, dans un avenir rapproché, quelles pourraient être certaines mesures à prendre pour parvenir à un accord.
En terminant, M. Petitpierre remercie M. Taylor de son active collaboration au maintien des bonnes relations entre la Suisse et les Etats-Unis et lui déclare qu’il a trouvé extrêmement utile de procéder, en toute franchise, à ce tour d’horizon. M. Taylor exprime sa gratitude pour l’accueil très chaleureux qu’il a reçu depuis son arrivée en Suisse et, en s’excusant d’avoir pris, pendant une heure et demie, le temps précieux du Chef du Département, il exprime l’avis que ce genre d’entrevue est nécessaire.
- 1
- E 2800(-)1990/106/20. Cette notice est signée par B. Turrettini.↩
- 2
- Cf. la notice de l’entretien entre J. H. Taylor et M. Petitpierre du 5 juin 1957, non reproduite.↩
- 3
- La liste ne contient que sept noms: C. de Loës, E. Reinhardt, M. Oetterli, A. Schaefer, V. Gautier, S. Schweizer et F. Hinderling, cf. la notice de J. H. Taylor pour M. Petitpierre du 16 août 1957, non reproduite.↩
- 4
- Cf. la circulaire Critiques adressées à l’étranger aux banques suisses du 12 juillet 1957, non reproduite.↩
- 5
- Bureau des recettes.↩
- 6
- La XIX e Conférence internationale de la Croix-Rouge à la Nouvelle Delhi a eu lieu du 24 octobre au 7 novembre 1957, cf. E 2003(A)1970/115/83.↩
- 7
- Sur la question de la proposition concernant la protection des populations civiles en temps de guerre, cf. E 2003(A)1970/115/82, 125 et 126.↩
- 8
- Cf. les Directives dont s’inspirera la délégation gouvernementale suisse du 10 octobre 1957, E 2003(A)1970/115/82.↩
- 9
- Cf. DDS, vol. 20, doc. 81.↩
- 10
- Cf. le Traité conclu entre la Confédération suisse et les Etats-Unis de l’Amérique du Nord, RO, 1857, vol. 5, pp. 189–213.↩
- 11
- Cf. DDS, vol. 20, doc. 65, notes 2 et 6.↩
- 12
- Cf. DDS, vol. 20, doc. 112, note 2.↩
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