Der Schweizer Gesandte äussert sich zu seinem Gespräch mit dem sowjetischen Gesandten in Rom, Bogomolov. Behandelt wurde u.a. die schweizerische Neutralität.
Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 19, doc. 109
volume linkZürich/Locarno/Genève 2003
Plus… |▼▶Emplacement
Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E2001E#1979/28#4* | |
Ancienne cote | CH-BAR E 2001(E)1979/28 1 | |
Titre du dossier | Aeusserungen Russlands und der kommunistischen Staaten über die Neutralität der Schweiz (1955–1957) | |
Référence archives | B.51.10.1.Uch |
dodis.ch/9024
J’ai l’honneur de me référer à votre communication du 2 de ce mois2 concernant la visite du 31 mai dernier de l’ambassadeur Reale et plus particulièrement ses réflexions sur la visite de Molotov au Conseil fédéral3. Il vous intéressera donc d’apprendre comment l’ambassadeur de l’URSS juge et apprécie notre neutralité.
M. Bogomolov est venu me trouver il y a deux jours à la Légation. Parlant de la pluie et du beau temps, nous nous sommes arrêtés sur l’éventualité d’un conflit mondial et sur les destructions irrémédiables qui en dériveraient. Avec la façon de s’exprimer catégorique et presque hautaine qui lui est propre, il me dit à un moment donné: «Mais personne ne veut la guerre, si ce n’est pas le capitalisme américain; la Russie de toutes façons pas et, certes, la Suisse non plus.» Puis, comme pour répondre à des objections nées de la conversation, il ajouta: «Que la Suisse continue d’être neutre comme elle l’a été jusqu’ici, comme elle le fut durant la première et la deuxième guerre mondiale, comme elle l’est aujourd’hui. Personne, aucune grande puissance ne peut s’étonner ou élever des objections sérieuses à propos de la neutralité suisse.»
Il y avait, dans ses affirmations, le désir, voire la volonté de faire comprendre au ministre de Suisse que la Russie officielle approuve sans conditions la politique de neutralité professée et pratiquée par notre pays. J’y ai même vu l’explication psychologique de la visite de Molotov à Berne.
Je cultive, bien entendu, la politique de neutralité du Conseil fédéral comme il se doit à un Ministre de Suisse, c’est-à-dire que j’accepte toutes les invitations que les chefs des missions d’«outre-rideau» adressent à leurs collègues accrédités à Rome et non seulement à l’occasion des fêtes nationales. Ce qui leur fait un immense plaisir: plaisir d’autant plus grand que le nombre des chefs de missions occidentales qui acceptent ces invitations est relativement peu élevé, comme ce fut, par exemple, le cas hier soir.
L’Ambassadeur soviétique avait, en effet, invité toutes les ambassades et légations accréditées auprès du Quirinal (à l’exception, bien entendu, de celles qui n’entretiennent pas de relations diplomatiques avec l’URSS) à la projection privée d’un documentaire soviétique, dans une magnifique villa que la Russie possède à Via Nomentana. La séance de cinéma était suivie d’une réception dans le parc de cet immeuble. Eh bien, on ne comptait presque que des diplomates d’«outre-rideau», des pays asiatiques, de la Turquie, d’Israël, de quelques républiques de l’Amérique latine, de l’Iran, de l’Italie, ainsi que votre serviteur. La France, l’Angleterre, l’Allemagne et les Etats-Unis d’Amérique en tous cas n’étaient pas représentés. Cette énumération vous démontrera la réserve du monde diplomatique occidental à l’égard de l’URSS.
Il faut à ce propos relever que les journalistes n’avaient guère contribué à arranger les choses en dépeignant M. Bogomolov, lors de son entrée en fonctions, comme un être malin, voire rusé, qui, à Paris et plus encore en Tchécoslovaquie, s’était montré moins diplomate qu’agent politique et tenait à «épater le bourgeois» par des réceptions grandioses. Or, pour le moment du moins, le monde diplomatique romain ne semble guère disposé à se laisser prendre dans les filets de la diplomatie russe.
Je vous ai dit plus haut qu’il s’agissait hier de la présentation d’un film documentaire, à vrai dire très intéressant et significatif; l’histoire récente du pétrole de la Caspienne et de la construction, dans la première moitié de 1949, d’un établissement pétrolifère dans les eaux de la mer Caspienne. L’écran faisait revivre les étapes les plus importantes de la grande entreprise qui a permis qu’après 105 jours seulement le pétrole jaillît impétueux du fond de la mer; ce pétrole est conduit dans des réservoirs d’une contenance de 10’000 tonnes chacun. Le caractère propagandiste de ce documentaire ne vous échappera pas. «La Russie», ai-je dit à l’ambassadeur d’Iran, «n’a plus besoin de votre pétrole.»