Betrachtungen über die Unruhen in Ägypten: Lage der Ausländer im Allgemeinen und der Schweizer im Besonderen. Schweizerische Einrichtungen sollen erhalten bleiben.
Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 18, doc. 136
volume linkZürich/Locarno/Genève 2001
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Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E2001E#1969/121#6300* | |
Ancienne cote | CH-BAR E 2001(E)1969/121 238 | |
Titre du dossier | Aegypten (1952–1954) | |
Référence archives | B.73.10 • Composant complémentaire: Aegypten |
dodis.ch/8745 Notice de la Légation de Suisse au Caire1 NOTICES SUR LES PERSPECTIVES D’EXISTENCE QUI S’OFFRENT AUJOURD’HUI AUX COLONIES SUISSES EN EGYPTE
Raison de cette étude.
Les graves troubles du 26 janvier 1952, au cours desquels la propriété étrangère au Caire a subi des pertes considérables, ont soulevé une profonde émotion dans les colonies étrangères en Egypte, surtout occidentales, qui n’ont toujours pas oublié les excès xénophobes de 1948. Nos compatriotes qui, eux aussi, ont été durement atteints par ces évènements et auxquels aucune assurance suffisante n’a encore été donnée quant à la réparation de leurs dommages, se préoccupent assez de l’avenir. Aussi ce complexe de circonstances a-t-il engagé la Légation à reprendre son étude, commencée en 1949 déjà, sur les perspectives d’existence s’offrant dorénavant à la communauté suisse dans la Vallée du Nil.
Une analyse soigneuse des faits a été entreprise. Voici les conclusions auxquelles la Légation est arrivée, quant à elle; ces considérations pourront l’inspirer, ces prochains temps, lorsqu’elle sera appelée à conseiller tant des compatriotes résidant déjà en Egypte que d’autres désireux de s’y rendre.
Situation des étrangers en Egypte.
Jusqu’en 1949, les étrangers en Egypte jouissaient d’une protection efficace, garantie par des conventions internationales (capitulations, etc.) ou assurée par la présence de troupes britanniques stationnées dans les grandes villes égyptiennes. Depuis 1949, la sécurité des étrangers dépend exclusivement du Gouvernement égyptien. Les évènements du 26 janvier, comme ceux d’ailleurs moins étendus de 1948 survenus à la suite de la guerre de Palestine, ont démontré que l’organisation de la sécurité n’est pas toujours suffisante et que les étrangers courent, à certains moments, les plus grands dangers dans leur vie et dans leurs biens. Même des traités d’établissement ou une loi nationale sur les étrangers – s’ils avaient existé – n’auraient pas constitué une protection suffisante pour les étrangers et ils n’auraient pas davantage pu arrêter le cours des évènements en question.
Les dangers que les étrangers peuvent courir aujourd’hui.
Ces troubles ne seront probablement pas les derniers. Ce n’est pas un secret que le Kominform s’intéresse à l’Egypte et on sait qu’un de ses premiers buts est de faire sortir les étrangers de ce pays qui en sera d’autant plus affaibli.
D’autre part, des réformes sociales et économiques sont inévitables. Selon toute probabilité, elles ne s’effectueront pas par des seuls moyens pacifiques et il est difficile de penser qu’elles ne toucheront pas les étrangers; au contraire, ces derniers risquent d’en être les premières victimes.
L’expérience a montré que l’Etat égyptien répugne à se considérer comme responsable des émeutes et qu’il n’entend que rarement réparer les dommages subis par les étrangers à cette occasion.
L’attitude du peuple égyptien à l’égard des étrangers.
On ne peut guère se défendre de l’impression que dans sa grande majorité le peuple égyptien lui-même désire, consciemment ou inconsciemment, voir les étrangers – les Occidentaux avant tout – quitter le pays. Cette xénophobie a des sources historiques lointaines et proches: les Croisades, l’occupation de l’Egypte par les Turcs, puis par les Anglais; l’exploitation de certaines richesses du pays par des éléments étrangers parfois peu recommandables, etc. Elle est aussi fondée sur des motifs religieux provenant de l’Islam et sur des raisons politiques et économiques prenant leurs racines dans la naissance de l’Egypte moderne et la poussée d’un nationalisme fanatique. Enfin, l’augmentation de la population égyptienne est extrêmement forte, tandis que le marché du travail reste étroit; il est compréhensible, en particulier, que les milliers d’intellectuels que les universités ou les établissements professionnels égyptiens produisent chaque année et qui sont en quête d’une occupation se sentent sérieusement concurrencés par les étrangers auxquels vont souvent, par la force même des choses, les meilleures places.
La situation spéciale des Suisses.
La colonie suisse n’échappe pas à cette xénophobie. Elle fait partie de la minorité occidentale et chrétienne dans la communauté égyptienne qui est musulmane et orientale. Individuellement, nos compatriotes paraissent, pour le moment, moins exposés à cette antipathie que d’autres étrangers. La Suisse est neutre, elle ne se rattache à aucun mouvement politique international, elle n’est pas une puissance coloniale: aussi, rien dans cet ordre d’idées ne vient-il opposer les Suisses aux Egyptiens. Au contraire, notre pays est parfois admiré par ces derniers parce que, dans certains domaines, il est à la tête du progrès social, technique et scientifique en Europe et aussi parce qu’une grande partie de sa population est d’origine germanique, les Egyptiens étant particulièrement bien disposés à l’égard des Allemands. Il est probable aussi que l’Egypte pressera moins les Suisses à quitter le pays parce qu’ils sont peu nombreux et parce que, dans leur grande majorité, ils font preuve de discrétion. Mais ces nuances ne compteront guère que dans les rapports d’homme à homme et ils perdront leur valeur dans des mouvements collectifs.
Les protecteurs des étrangers.
Les seuls véritables soutiens des étrangers, et notamment des Suisses, sont aujourd’hui le Trône et les classes gouvernantes de droite. La dynastie de Mohamed Aly est traditionnellement amie des Occidentaux auxquels elle doit en grande partie la formation de l’Egypte moderne. De leur côté, les classes gouvernantes de droite savent que les étrangers sont, dans leur grande majorité, des éléments d’ordre et qu’ils donnent le bon exemple dans beaucoup de domaines.
Cela vaut également pour les Suisses. Aux yeux de la Dynastie comme à ceux des dirigeants du pays, la collectivité helvétique a toujours été, dans son ensemble, une sorte de colonie modèle.
Mais l’affaiblissement de l’autorité de la Couronne et la désaffection progressive à l’égard de l’Occident des couches gouvernantes et moyennes, sans parler des classes pauvres, réduisent singulièrement la position des étrangers en Egypte, y compris celle des Suisses.
Perspectives d’existence des étrangers en général.
Les colonies étrangères en Egypte auront donc de la peine à se développer à l’avenir; quelques-unes essayeront de se maintenir à leur niveau actuel; dans la plupart des cas, elle s’amenuiseront. De toute façon, elles ne pourront subsister que grâce à de profonds changements de structure.
Pour ce qui est de nos compatriotes, ils seront amenés petit à petit à abandonner certaines positions-clefs. Déjà il existe une législation interdisant aux étrangers l’acquisition de la propriété rurale; d’autres lois limitent le capital et le travail étrangers dans certaines entreprises. Un changement radical de cet état de choses est peu probable; au contraire, il n’est pas exclu que dans certains moments, la xénophobie s’accentue encore, passagèrement du moins.
et des Suisses en particulier.
Dans ces circonstances, la plupart des ressortissants suisses cesseront, avec le temps, de travailler avec des capitaux propres; ils ne pourront plus diriger des établissements importants; ils renonceront à être des propriétaires de leurs entreprises. Pour pouvoir entrer dans le pays ou pour y demeurer sans trop d’aléas, les nouveaux venus se contenteront de plus en plus d’être des spécialistes travaillant à titre temporaire et pour le compte d’autrui, en particulier pour le compte d’établissements égyptiens officiels ou privés.
De l’intérêt pour la Suisse à maintenir une colonie suisse en Egypte.
Cependant si, d’un côté, nous ne pouvons pas empêcher nos compatriotes de se ménager une sortie d’Egypte au cas où des catastrophes comme celle du 26 janvier 1952 devraient se reproduire, nous n’avons, de l’autre, aucun intérêt à voir notre colonie se réduire. Nous avons besoin d’appuis solides et durables et de compatriotes capables de nous donner des conseils judicieux en vue du développement de nos échanges commerciaux. Il en est de même en ce qui concerne l’entretien de bonnes relations politiques avec un pays qui joue toujours un rôle prépondérant dans l’important monde arabe et musulman. Ce n’est pas manquer de modestie non plus que de penser que la Suisse, qui a atteint un niveau élevé dans beaucoup de domaines grâce à la paix et à l’incomparable continuité de ses institutions, se doit d’apporter, pour autant qu’on le lui demande, son concours aux pays moins ou peu développés.
Une des conditions essentielles de l’existence d’une colonie suisse en Egypte:
A côté de ces questions générales, il reste un point particulier à traiter par rapport aux institutions suisses en Egypte.
La présence d’institutions suisses.
Vu le caractère très particulier de l’Egypte, tant au point de vue religieux que culturel, une colonie suisse, même réduite, ne pourra y exister à la longue sans être assurée d’un entourage approprié. En effet, les arrangements conventionnels entre gouvernements suisse et égyptien mis à part, nous ne pourrons guère demander à des compatriotes de rester dans ce pays auquel, par la nature des choses, ils ne pourront jamais s’assimiler que s’ils peuvent compter sur un certain nombre d’institutions spécifiquement suisses ou occidentales qui leur permettra de vivre dans le cadre traditionnel auquel ils sont habitués (écoles, églises, hôpitaux, cercles, journal, chambre de commerce, sociétés de secours, cimetières, etc.).
Or, l’existence d’institutions suisses en Egypte dépend directement du nombre de nos ressortissants établis dans ce pays. Si notre colonie au Caire par exemple venait à se réduire à 450 personnes, il semblerait difficile, voir presque impossible, d’y maintenir, entre d’autres, une institution comme notre école où les frais de son entretien dépasseraient rapidement les ressources d’une colonie aussi diminuée.
Nous aurons donc un double intérêt à défendre âprement les droits acquis de nos compatriotes déjà établis en Egypte; dans de nombreux cas il s’agit, d’ailleurs, de familles établies depuis plus d’une génération dans ce pays.
On pourrait aussi rappeler ici les assurances données dans ce domaine par l’Egypte à la Conférence de Montreux2.Conclusions.
Voici, en résumé, les conclusions qui se dégagent de cet état de choses.
La colonie suisse d’Egypte ne pourra probablement plus guère se développer beaucoup et elle se réduira plutôt, dans certains secteurs au moins.
Ce ne sera que dans des cas exceptionnels que des compatriotes pourront ou voudront aller s’établir en Egypte avec leurs propres capitaux. Par contre, le danger d’émeutes sanglantes mis à part, il n’y aura rien ou peu à redire à ce que des Suisses se rendent dans ce pays pour un temps plus ou moins long et sur la base de contrats conclus avec des employeurs égyptiens, officiels ou privés.
Notre pays a un intérêt précis à ce qu’une colonie suisse, même réduite, subsiste dans la Vallée du Nil et cela pour des raisons économiques et politiques.
Cependant, pour que pareilles colonies vivent, il sera essentiel que nous puissions conserver dans ce pays les quelques institutions suisses qui y existent déjà et qui sont viables.
- 1
- E 2001(E)1969/121/238. Cette notice est signée par B. de Fischer. Elle est envoyée à Berne et lue par M. Petitpierre le 26 février 1952.↩
- 2
- La Conférence internationale sur les capitulations à Montreux a eu lieu du 12 avril au 8 mai 1937. Cf. DDS, vol. 11, doc. 320, dodis.ch/46241.↩
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