Scheitern der französisch-schweizerischen Finanzverhandlungen aufgrund der Frage eines doppelten Wechselkurses im zwischenstaatlichen Handel. Konzessionen zugestehen, um Frankreich vor dem Kommunismus zu bewahren. Das Beispiel der Tschechoslowakei vor Augen halten. Die schweizerische Vertretung in Deutschland verstärken.
Abgedruckt in
Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 17, Dok. 58
volume linkZürich/Locarno/Genève 1999
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Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
▼ ▶ Signatur | CH-BAR#E2800#1990/106#79* | |
Alte Signatur | CH-BAR E 2800(-)1990/106 16 | |
Dossiertitel | Correspondance avec Carl J. Burckhardt (ministre de Suisse à Paris) : volume I (1945–1949) | |
Aktenzeichen Archiv | 321.31 |
dodis.ch/5582
L’avenir de nos relations avec la France me préoccupe. M. Gérard Bauer vous aura renseigné sur les discussions qui ont eu lieu à Berne la semaine dernière et sur les raisons pour lesquelles les conversations engagées avec une délégation française sur le plan financier ont abouti à un résultat négatif2. Je me suis, en définitive, rallié, non sans arrière-pensées, au point de vue unanime de nos techniciens (Division du Commerce, Banque nationale, Vorort, MM. Zehnder, Hohl et Bauer) sur la demande française d’instituer deux cours3, l’un pour les exportations de France en Suisse, l’autre pour les exportations de Suisse en France, et de refuser même de faire l’essai de ce système pendant quelques mois. Sur le terrain des principes, notre manière de voir est inattaquable. Mais la situation politique de l’Europe est devenue si précaire et si angoissante qu’on est amené à se demander si notre politique actuelle tient suffisamment compte des réalités. Notre intérêt est d’éviter – je serais tenté de dire, à tout prix – que la France et l’Italie, et d’autres pays européens, ne deviennent une proie trop facile pour le communisme. S’il faut payer ce résultat de concessions même sensibles, je pense que nous devrions savoir nous y résigner.
Vendredi soir, j’ai fait venir l’Ambassadeur de France4 et l’ai informé de la décision négative du Conseil fédéral et de notre refus d’envisager même un essai du système proposé par le Ministère français des Finances. Je vous serais reconnaissant de suivre d’aussi près que possible, avec vos collaborateurs, le développement de cette affaire et, en particulier, les répercussions qu’elle peut avoir tant sur nos relations avec la France que sur les chances de succès du plan de M. René Mayer. Si l’effet de notre décision devait être, non seulement de paralyser nos échanges avec la France, mais encore d’aggraver la situation économique et financière française, j’envisage que nous devrions reconsidérer tout le problème et chercher à lui donner une solution plus conforme aux vœux français. Des instructions pourraient être données dans ce sens à la délégation suisse qui se rendra à Paris le 8 mars5. Si, en définitive, nous cédions, un règlement général des questions pendantes entre les deux pays devrait être la condition à remplir immédiatement par le Gouvernement français. Les avis que vous pourrez me donner, après vous être fait vousmême une opinion sur place, me seront précieux.
Ce qui se passe en Tchécoslovaquie6 est la démonstration que l’URSS est décidée à poursuivre implacablement l’exécution de son programme et que la lutte engagée entre le communisme et toutes les forces non communistes qui existent encore en Europe est une lutte à mort. Il m’arrive parfois, même souvent, de penser que la très grande réserve que nous impose notre politique traditionnelle de neutralité n’est plus supportable et que nous devrions prendre nettement position contre le communisme et déclarer publiquement, pour éclairer notre opinion, qu’il fait peser une menace mortelle sur notre pays. Les efforts de M. Bevin et les discours courageux de M. Spaak me paraissent inspirés par un sens des réalités que notre fidélité à la neutralité risque de nous faire perdre. Il ne s’agit pas, bien entendu, de renoncer à la politique de neutralité. Je ne pense pas que nous puissions en pratiquer une autre. Il y a aussi là un problème que je n’ai pas encore résolu. Les réflexions qu’il pourrait vous inspirer m’intéresseraient vivement7.
Enfin, dans votre dernier rapport8 vous faites allusion à notre politique à l’égard de l’Allemagne. C’est là également une question difficile. Je vais envoyer à Francfort, en l’accréditant auprès des autorités d’occupation américaines et britanniques, un de mes collaborateurs, qui étudiera le problème sur place9. Jusqu’à présent, nos possibilités d’action ont été très limitées. Nous n’avons guère pu agir que sur le plan culturel10. Je ne sais pas si nous pourrons aller beaucoup plus loin et arrêter une politique à longue échéance sans être mieux renseignés sur le sort réservé à l’Allemagne par ses vainqueurs. Si vous avez des idées à ce sujet, je ne manquerai pas de m’en inspirer et d’en tirer éventuellement des conclusions pour arrêter notre comportement à l’égard de l’Allemagne.
Je vous remercie d’avance de la peine que vous voudrez bien prendre de réfléchir à tous ces problèmes si importants pour notre pays et vous prie de recevoir, Monsieur le Ministre, l’expression de mes meilleurs sentiments.
- 1
- Lettre (Copie): E 2800(-)1990/106/16.↩
- 2
- Sur cette négociation franco-suisse, cf. E 7110(-)1967/146/20.↩
- 3
- Sur le nouveau régime français des changes, cf. la notice datée du 26 février 1948, préparée par la Légation de Suisse à Paris: Proposition pour une formule de compromis dans le problème de la cotation du franc suisse au marché libre des changes en France, E 2300Paris/102.↩
- 4
- M. Petitpierre a reçu à plusieurs reprises H. Hoppenot, Ambassadeur de France, au sujet des négociations économiques, cf. notamment les notices d’entretien du 29 janvier et du 2 mars 1948, E 2800(-)1990/106/20.↩
- 5
- Pour les instructions données à la délégation chargée de négocier avec le Gouvernement français, cf. PVCF No 610 du 8 mars 1948, E 1004.1(-)-/1/491 (dodis.ch/2783). Pour les négociations, cf. note 1 ci-dessus et pour les arrangements économiques signés à Paris, le 20 mars 1948, portant sur le cours du change, le trafic des paiements, le trafic marchandises et tourisme et le déblocage des avoirs français en Suisse, cf. PVCF No 770 du 23 mars 1948, E 1004.1(-)-/1/491 (dodis.ch/5949).↩
- 6
- La crise interne en Tchécoslovaquie conduit au retrait des ministres «bourgeois» du gouvernement, le 20 février, et au «Coup de Prague», le 25 février, par la nomination d’un gouvernement composé presque exclusivement de communistes. Sur les événements de Prague, cf. le rapport politique d’A. Girardet à M. Petitpierre du 2 mars 1948, E 2300Prag/ 7 (dodis.ch/4483).↩
- 7
- C. J. Burckhardt fait part de ses réflexions dans une lettre personnelle et confidentielle à M. Petitpierre, du 25 février 1948, E 2800(-)1990/106/16 (dodis.ch/5600).↩
- 8
- Il s’agit du rapport politique No 4 du 16 février 1948, E 2300Paris/102, dans lequel C. J. Burckhardt écrit que le problème allemand est un problème vital pour notre présent et notre avenir. J’ai toujours pensé qu’il serait important que nous eussions en Allemagne, une personnalité appelée à s’occuper du problème germanique, en le coordonnant et en vous donnant des synthèses.↩
- 9
- Sur la nomination d’A. Huber au Consulat général de Suisse à Francfort, cf. PVCF No 865 du 7 avril 1948, E 1004.1(-)-/1/492 (dodis.ch/4864). Sur les activités d’A. Huber, cf. DDS, vol. 17, doc. 81 et doc. 115.↩
- 10
- Cf. DDS, vol. 17, doc. 48.↩
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