Classement thématique série 1848–1945:
IV. POLITIQUE HUMANITAIRE
IV.4. RELATIONS AVEC LE CICR
Également: Le 19 février, le Président du CICR a demandé que le Conseil fédéral mette à disposition des moyens de transport pour venir en aide aux prisonniers alliés en Allemagne. Apre?s consultation des autorités compétentes, il est décidé, sous certaines conditions, de mettre à disposition 15 à 20 camions. Annexe de 16.3.1945
Pubblicato in
Documenti Diplomatici Svizzeri, vol. 15, doc. 398
volume linkBern 1992
Dettagli… |▼▶Collocazione
Archivio | Archivio federale svizzero, Berna | |
▼ ▶ Segnatura | CH-BAR#E2001D#1000/1553#7718* | |
Vecchia segnatura | CH-BAR E 2001(D)1000/1553 474 | |
Titolo dossier | Los der Kriegsgefangenen, Zivilinternierten u. Deportierten in Deutschland (1945–1945) | |
Riferimento archivio | B.52.49.6 |
dodis.ch/48002
Le Président du Comité international de la Croix-Rouge, C.J. Burkhardt, au Chef du Département politique, M. Petitpierre1
L’organisation pratique des résultats que j’ai obtenus au cours de mes conversations avec les Allemands a un caractère urgent. C’est pourquoi je me suis rendu directement à Genève. Aussi, ai-je l’honneur de vous rendre compte, par écrit, de mes conversations qui intéressent le Gouvernement fédéral presque au même titre que le Comité international de la Croix-Rouge2.
J’avais été informé que la personnalité haut placée qui désirait prendre contact avec moi pour s’entretenir de toutes les questions concernant les prisonniers et les internés pourrait me rencontrer entre le 10 et le 14 mars, dans une localité de l’Allemagne du Sud, à définir ultérieurement. Je me suis donc rendu à proximité de Constance où j’ai attendu la communication. Le rendez-vous a été fixé au lundi 12 mars et je fus informé que l’on viendrait me chercher à Feldkirch à midi juste. Je m’y rendis, accompagné de mon secrétairegénéral-adjoint, le Dr. HansBachmann. Les entretiens eurent lieu avec le Chef de la Sicherheitspolizei et du SD, - Obergruppenführer de la SS, General der Waffen SS et de la Police - M. Kaltenbrunner. Il dirige tous les camps de concentration; nos entretiens, dans une localité isolée du début du col d’Arlberg, durèrent de 14 h. 30 à 18 h. 30.
M. Kaltenbrunner me remit une lettre de M. Himmler dans laquelle ce dernier s’excusait de n’avoir pu quitter le front Est et exprimait ses regrets de ne pouvoir proposer une autre entrevue, étant donné ma nomination à un poste à l’étranger3.
Le premier objet de nos négociations a été le ravitaillement des prisonniers de guerre. Le Général ne me cacha pas que la détresse de la population civile fuyant devant les armées à l’Est du Reich, rendît difficile l’admission de nos équipes de ravitaillement qui ne travaillaient que pour les prisonniers en marche vers les nouveaux camps établis à l’intérieur du Reich; une différence trop marquée entre le traitement des prisonniers et celui de la population au détriment de cette dernière paraissant difficile en ce moment. Nous avons toutefois pu obtenir finalement que ce ravitaillement se poursuive à un rythme même accéléré, à condition que ces distributions puissent s’opérer en dehors des grandes agglomérations, si possible dans les nouveaux camps des prisonniers, ou si ceci pouvait se faire, directement auprès des colonnes de prisonniers en marche, mais en rase campagne et en dehors des villes. Dans ce même domaine, dépendant uniquement de la compétence du Général, nous obtînmes par la suite, que fût admis, le principe suivant: en dehors des visites que font régulièrement les délégués de la Puissance protectrice et du Comité international de la Croix-Rouge, il y aura dorénavant des délégués permanents qui résideront dans ces camps et prendront l’engagement de ne pas les quitter avant la fin des hostilités. Le Général envisagea même de façon favorable que ces délégués seraient doublés d’un petit personnel sanitaire qui accepterait les mêmes conditions.
Cette solution correspond au vœu qui avait été exprimé dans la note de Mr. Currie, adressée à la Puissance protectrice et dont vous avez bien voulu, Monsieur le Conseiller fédéral, me donner connaissance en son temps4.
Nous pouvons considérer ce résultat comme très important, mais nous nous trouvons maintenant devant la tâche de recruter le personnel nécessaire et décidé à accepter ces conditions qui sont dures. A ce propos, nous nous sommes mis de suite en rapport avec le Colonel Remund de la Croix-Rouge suisse.
Lorsque nous avons abordé le deuxième point, c’est-à-dire la situation des internés et détenus, «Schutzhäftlinge», le Général déclara qu’avant de se rendre au lieu de notre entretien, il avait été appelé auprès du Ministre des Affaires Etrangères et qu’au cours de son entretien avec Monsieur von Ribbentrop, il avait été établi que ce problème ne dépendait qu’en partie de la Sicherheitspolizei et que, notamment, en ce qui concernait les échanges, la question ayant un caractère relevant de la politique extérieure, c’était le Ministère des Affaires Etrangères qui avait à décider en dernière instance. Par contre, le traitement des internés dans les camps, ne dépendant que des services commandés par le Général, il pouvait prendre, en ce qui concernait le contrôle, les mêmes engagements que ceux qu’il avait formulés auparavant au sujet des prisonniers de guerre. En effet, il admit même pour les camps d’Israélites, le même principe des délégués permanents aux conditions formulées plus haut, et, il paraît dès à présent nécessaire que l’on puisse prendre contact avec des autres neutres pour le recrutement de ce personnel, la Suisse ne pouvant guère remplir cette tâche à elle seule. Ce résultat paraît d’autant plus réjouissant que jusqu’à présent, les camps d’internés n’ont pas pu être visités.
Au sujet des échanges, le Général déclara que son Chef et lui-même étaient en principe d’accord, mais que le Ministre des Affaires Etrangères désirait qu’en ce qui concernait les Français, non seulement le rapatriement des internés civils allemands en France se réalise de façon complète, mais qu’en plus un changement d’attitude intervienne à l’égard des Français considérés comme collaborationnistes. J’ai tout de suite souligné que le Comité International de la Croix-Rouge ne pouvait officiellement transmettre cette dernière demande, cette question appartenant entièrement au domaine de la souveraineté de l’Etat français. Le Général prit sans autre note de cette remarque et j’ai eu l’impression qu’il était conscient du bien-fondé de notre attitude. Il enchaîna en parlant tout de suite de la question de l’exécution pratique des échanges envisagés et en déclarant qu’il fallait également les étendre aux Belges. Il constata que les autorités allemandes ne se voyaient pas en mesure de fournir des moyens de transports nécessaires aux détenus qui devaient atteindre la frontière suisse, en outre que les échanges par la voie de la Baltique paraissaient, dès à présent, exclus. En conséquence, tous les détenus quittant le territoire du Reich devraient être transportés par nos propres moyens, par exemple, par nos services de camions, qui après avoir transporté vivres, médicaments et vêtements, au lieu de rentrer à vide, iraient quérir les détenus libérés dans leurs différents lieux de séjour. L’emploi de trains blocs fut également envisagé et nous n’avons pas manqué de prendre contact à ce sujet, dès notre retour avec les chemins de fer fédéraux. D’une façon générale, j’ai cru pouvoir constater qu’il existait entre l’attitude de la SS et celle du Ministère des Affaires Etrangères, c’est-à-dire en réalité du Chancelier du Reich, une certaine divergence et que la SS à l’heure actuelle serait prête à des concessions plus complètes que la Wilhelmstrasse.
Le Général Kaltenbrunner me paraissait fortement conscient de la situation générale. Au cours des entretiens il fit preuve de bien connaître son affaire. A l’issue de nos conversations, il me retint un instant en tête-à-tête pour me parler de plusieurs cas individuels concernant des personnalités de marque et il fut question entre autres des enfants du roi des Belges et de la famille du Général Giraud5. Kaltenbrunner prit note de nos demandes sans se prononcer, ni dans un sens négatif, ni dans un sens entièrement positif, mais la tendance positive prévalut dans son attitude. Il fut entendu que j’aurais un deuxième entretien le lendemain 13 mars à Constance avec le représentant du Ministère des Affaires Etrangères, chargé des questions concernant les prisonniers et les internés, le Ministre Windecker. Cette deuxième négociation eut lieu sur territoire suisse, à Kreuzlingen où le Ministre Windecker accompagné d’un collaborateur, spécialiste jurisconsulte et du Burgmeister de Constance, put se rendre, grâce à l’intervention du Commandant territorial de Kreuzlingen le capitaine Troesch qui actuellement est chargé du rapatriement des réfugiés suisses d’Allemagne.
La principale difficulté au cours de ce premier entretien concernant le rapatriement des internés français et belges fut que M. Windecker déclara n’être pas compétent pour discuter du secteur belge. En ce qui concernait les Français, il introduisit au début de nos discussions la notion d’un échange, tête par tête, ce qui n’est pas conforme, ni à la pratique établie par la Convention au sujet des échanges de grands blessés, ni applicable dans le cas présent, le nombre des internés civils de nationalité allemande en France étant minime, en comparaison des détenus français retenus en Allemagne. Cette première conversation marqua le point mort de ma mission. Windecker déclara vouloir prendre de nouvelles instructions à Berlin et nous nous vîmes contraints de remettre un deuxième entretien avec le représentant du Ministère des Affaires Etrangères, au mercredi 15 mars.
Mardi 14 mars, j’appris que les nouvelles fantaisistes propagées par la presse au sujet de mon soi-disant voyage à Berlin et l’invocation du danger de vie dans lequel se trouveraient actuellement les prisonniers de guerre, eut une répercussion fâcheuse et risqua de mettre en péril tout ce que nous avions obtenu. Je pense que le démenti accepté par l’Agence télégraphique suisse mit les choses au point, du moins en ce qui concerne les Autorités allemandes. Ayant passé la journée de mardi à organiser avec le Maire de Kreuzlingen, l’établissement d’un bureau permanent du Comité international de la Croix-Rouge dans cette ville, ainsi que l’obtention de hangars pour les vivres etc. à transporter en Allemagne et avant la reprise de mes entretiens avec le Ministre Windecker, je fus informé par le Ministre Berber que son chef, le Ministre des Affaires Etrangères, M. von Ribbentrop l’avait seul chargé de traiter de la question des échanges. Je lui ai donc fixé un rendez-vous à Zürich pour le vendredi 16 mars. M. Berber exprima le désir de voir également M. Windecker à cette occasion. Les formalités pour l’entrée de ce dernier en Suisse parurent cependant ne pas permettre son déplacement si rapide, et à vrai dire, j’ai préféré connaître isolément les points de vue de ces deux représentants.
Je revis donc Windecker jeudi 15 dans la matinée à Kreuzlingen. Il me montra ses instructions émanant du Chef de la Rechtsabteilung, du Ministre Albrecht. Ces dépêches parlaient d’une situation peu claire, caractérisée par des ordres et des contre-ordres. J’informai alors Windecker de la communication qui m’avait été faite par M. Berber. Il parut en ressentir un certain dépit. Cependant, il me montra le rapport qu’il avait rédigé après notre premier entretien. Dans ce rapport il avait réuni tous les arguments militant en faveur d’une exécution rapide et inconditionnelle des échanges, soit exactement dans l’esprit dans lequel je lui avais parlé.
La conversation avec le Ministre Berber jeudi soir à Zürich eut un résultat beaucoup plus positif. II me confirma la nervosité qu’avait provoqué à Berlin l’incident de presse, puis me montra le télégramme personnel de Ribbentrop le chargeant du monopole de ces négociations. Il rédigea en fin de soirée un télégramme adressé à son chef et dans lequel de façon pressante et en s’appuyant également sur des dispositions favorables de la SS, il demanda que les échanges soient aussitôt réalisés pratiquement et que le C.I.C.R. soit informé du lieu où le premier contingent de détenus à rapatrier pourrait être cherché. Voici brièvement le compte-rendu de ces pourparlers qui ne sont qu’un commencement.
Il est évident que la place du Président du Comité International de la Croix-Rouge quels que soient les commentaires peut-être malveillants, serait en ce moment en Allemagne. C’est uniquement par l’intervention personnelle et constante que cette opération de sauvetage si éminemment périlleuse pourrait être menée à bien. Il est tout aussi évident que les nouvelles fonctions dont j’ai été chargé par le Conseil fédéral rendraient, hélas, une telle intervention personnelle très délicate, sinon impossible et je ne peux que le regretter profondément. Nous nous trouvons à la Croix-Rouge à la fin d’un effort gigantesque qui a duré six ans et dont dépend non seulement l’avenir de notre institution et le prestige du pays, mais aussi des millions de malheureux qui risquent le pire.
Je n’ai donc pas besoin de vous dire, Monsieur le Conseiller fédéral, que j’ai été effrayé de lire dans la lettre officielle que M. le Ministre Stucki m’a fait parvenir en date du 9 mars que la date à laquelle je devais entrer en fonctions à Paris était celle du 20 mars, c’est-à-dire une date dont trois jours seulement nous séparent. Il m’informait également que les originaux des lettres de créances m’avaient déjà été envoyés.
Je me permets à cette occasion de rappeler la demande qui me fut adressée par écrit, par le Général de Gaulle et dont je me suis permis de vous donner copie6 le 7 mars. De plus, M. Ruegger m’a informé de l’opinion que le Secrétaire d’Etat aux affaires étrangères à Londres, Monsieur Eden, a formulée en sa présence, opinion confirmant sur le plan international la demande précitée7.
L’exécution de la tâche à laquelle je me suis appliqué nécessite un travail de toutes les heures. Lundi matin, 19 mars, le Comité International de la Croix-Rouge se réunit en séance plénière pour procéder à de nouvelles élections. Ma présence à cette séance est absolument nécessaire. A partir de cette date, si vous le désirez, je puis me rendre à Berne pour un entretien au cours duquel il nous sera, je l’espère, possible, de fixer une ligne de conduite tenant compte équitablement de toutes les responsabilités, la plus importante me paraissant être indiquée d’une façon si nette par le Général de Gaulle. En ce qui me concerne personnellement, je ne verrais aucun inconvénient si d’entente avec le Gouvernement français, on donnait au public une explication lui permettant de comprendre une prolongation de mon séjour en Suisse8.
- 1
- Lettre (Copie): E 2001 (D) 3/474.↩
- 2
- Cf. E 2803/1969/302/2.↩
- 3
- Lors de sa séance du 20 février 1945, le Conseil fédéral a nommé C.J. Burckhardt Ministre de Suisse à Paris(E 1004.1 1/454). Le Conseil fédéral en discute aussi au cours de ses séances du 23 et du 27 février 1945.↩
- 4
- Cf. ci-dessus No 396.↩
- 5
- Cf. E 2001 (D) 3/482, E 2001 (E) 1/89, E 27/10024 et 14810.↩
- 6
- E 2800/1990/106/ Correspondance - Cari Burckhardt.↩
- 7
- Cf. te télégramme du 10 mars 1945, E 2500/1/5.↩
- 8
- Cf. aussi la notice de Ed. de Haller sur un entretien du 21 mars 1945 avec C.J. Burckhardt et M. Petitpierre(E 2001 (D) 3/474) et le PVCF No 899 du 24 avril 1945, E 1004.1 1/456.↩
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