Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
II.11 GRANDE-BRETAGNE
II.11.1. GRANDE-BRETAGNE - RELATIONS POLITIQUES
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 15, doc. 327
volume linkBern 1992
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#491* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 236 | |
Dossier title | London, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 39 (1945–1945) |
dodis.ch/47931 Le Ministre de Suisse à Londres, P. Ruegger, au Suppléant du Chef du Département politique, Ph. Etter1
Le voyage entrepris pendant les jours de Noël par le Premier Ministre à Athènes n’a pas abouti, d’emblée, aux résultats positifs que certains milieux ont escomptés. Néanmoins, la valeur de l’acte de politique étrangère - et intérieure - accompli par M. Winston Churchill demeure très considérable.
La manière dont le déplacement du Chef septuagénaire du Gouvernement britannique fut décidé et organisé est significative pour le changement qui s’opère, en ce temps de crise, dans la conduite des affaires internationales. Ce n’est que le jeudi, 21 décembre au soir, après un débat, posé dans la forme mais néanmoins serré, qui avait eu lieu à la Chambre des Lords, que le voyage du Premier Ministre a été décidé. M. Anthony Eden, qui quelques jours auparavant avait prononcé à la Chambre des Communes un des meilleurs discours de sa carrière politique, si ce n’est le meilleur, en apportant au débat des éléments d’appréciation qui étaient le fruit de son séjour antérieur dans la capitale hellénique, avait été tout disposé à entreprendre seul le voyage, et ses amis ne l’ont pas laissé ignorer. Toutefois il ne s’est pas opposé au désir du Premier Ministre de tenter personnellement - et malgré les nuages qui obscurcissaient l’horizon militaire sur le front de l’ouest - une démarche suprême de médiation. De son côté, l’Ambassadeur de Grèce, M. Aghnidès, avait exprimé, en présence de la situation de plus en plus préoccupante à Athènes, son avis mûrement réfléchi, qu’une médiation ne pouvait avoir des chances que si elle était tentée par le moyen d’une action immédiate sur place. Il est difficile de déterminer si c’étaient avant tout des raisons de politique intérieure ou extérieure qui ont amené M. Winston Churchill à faire le geste, à la fois dramatique et saisissant, dont le peuple britannique fut informé le jour de Noël, par la radio. Fort probablement, il y a eu un mélange de considérations d’ordre interne et extérieur. L’agitation qu’avaient provoquée les événements de Grèce venait en effet de gagner les masses. Les travailleurs de l’industrie n’avaient cessé de faire connaître leurs sentiments à leurs élus au Parlement et, le dimanche précédant le voyage du Premier Ministre, une foule d’une vingtaine de milliers de personnes s’était réunie à Trafalgar Square pour entendre un des vieux Labour Lords - Lord Strabolgi - parler d’une tribune décorée des drapeaux britannique et rouge. Bien que, grâce à la discipline qu’observe la députation du «Labour» vis-à-vis du Gouvernement de Coalition pour la durée de la guerre, neuf dixièmes de la Chambre aient répondu affirmativement à la question de confiance posée par M. Churchill, le sentiment s’était répandu qu’il fallait absolument tirer des conclusions du fait certain que l’administration en Grèce ne peut s’appuyer indéfiniment sur les baïonnettes britanniques. Lorsque le Premier Ministre se présentera, au début de la deuxième quinzaine de janvier, aux Communes, il sera certes harcelé de questions, mais personne n’osera affirmer qu’il n’a pas tenté tout ce qui dépendait de lui pour redresser la situation et, peut-être, pour réparer certaines erreurs initiales du Commandement militaire britannique à Athènes.
Mais ce furent sans doute tout autant des raisons impérieuses de politique extérieure qui exigeaient du Chef du Gouvernement britannique un effort intense. L’on sait que l’avènement de M. Stettinius au Secrétariat d’Etat à Washington a été accompagné de polémiques anti-britanniques qui n’ont pas été limitées à la presse. Le «Test Case» de la Grèce, dont la politique de Washington paraissait vouloir se laver les mains, a joué un rôle point négligeable dans ces controverses. De plus, après avoir exigé de ses grands alliés, et notamment de l’URSS, la reconnaissance de son droit exclusif d’agir en Grèce, la Grande-Bretagne se devait de faire tout pour résoudre le problème grec et la controverse avec P«E.A.M.»2 sans quémander à Moscou, en échange d’autres concessions, des conseils de modération à l’adresse des chefs de l’«E.L.A.S.»3. Enfin, les intérêts politiques très réels de l’Empire britannique au rétablissement de l’ordre en Grèce et à la sécurité des voies méditerranéennes, de même qu’à la reconstruction du pays dévasté, dictaient au Gouvernement de Londres une attitude faite à la fois d’intervention et d’apaisement.
[...]4L’observateur suisse peut regretter que, dans tous les copieux débats au sujet des événements de Grèce, il ait été si peu question de l’aide si grande, et se chiffrant par le sauvetage de centaines de milliers de vies, qui durant toute la période d’occupation a été organisée de Genève5. On a parlé de quelques agents de l’UNRRA qui se trouvent actuellement à Athènes, comme on a aussi parlé abondamment de l’aide future qui serait apportée par les Alliés à la Grèce affamée. Je n’ai trouvé qu’incidemment quelques allusions à l’activité de la Croix-Rouge internationale, qui pourtant avait mis sur pied à Athènes une organisation de 900 personnes. Ici, comme ailleurs, l’aide venue effectivement en grande partie de Suisse est éclipsée par l’action de propagande suédoise, qui a amplement monnayé l’apport donné par les bateaux suédois naviguant pour le compte du C.I.C.R. (et le président suédois de la «Commission de Gestion pour la Répartition de Vivres» constituée à Genève, en accord avec Stockholm, s’affuble à Athènes allègrement du titre de «Président de la Croix-Rouge Internationale»!). Il est très important que grâce à la sage décision du Conseil fédéral, l’envoi prochain d’un Ministre de Suisse à Athènes puisse permettre à notre pays de reprendre en Grèce la situation qui lui est due6.
- 1
- E 2300 London/39. Elu au Conseil fédéral par l’Assemblée fédérale le 14 décembre 1944, M. Petitpierre n’entrera en fonction que le 1er février 1945 (cf. PVCF No 2184 du 15 décembre 1944, E 1004.1 1/452, et PVCF du 4 janvier 1945, E 1004.1 1/453/ Son Suppléant, Ph. Etter, a mis ce rapport en circulation parmi les hauts responsables du Département politique le 11 janvier. Dans une lettre personnelle à M. Pilet-Golaz du 13 décembre 1944, P. Ruegger évoque ses conversations à Londres au sujet du refus soviétique de renouer des relations diplomatiques avec la Suisse et attire l’attention sur la Grèce: Le Délégué Apostolique, Monsignor Godfrey, m’a confirmé aujourd’hui, en citant une série d’exemples, son impression mûrie que tout dans la politique des Grandes Puissances occidentales est subordonné à l’intérêt primordial de gagner au plus tôt la guerre sur le Continent européen. L’après-guerre sera évidemment hérissé de toutes sortes de difficultés mais, comme Mr. Churchill paraît l’avoir dit, il n’y a pas longtemps à M. Mikolajczyk, alors que ce dernier était encore Président du Conseil de Pologne, l’Angleterre n’est pas en mesure d’envisager un troisième conflit mondial. Une série de contrastes semblables à celui, très grave, qui se manifeste en Grèce, ne manqueront pas - on le craint du moins - à éclater dans l’avenir (E 2001 (D) 9/3).↩
- 2
- Ethnikon Apeleftherotikon Metopon (Front national de libération, fondé le 27 septembre 1941 à l’initiative du Parti communiste grec).↩
- 3
- Ethnikos Laïkos Apeleftherotikos Stratos (Armée populaire grecque de libération). Après avoir résisté à l’occupation allemande dès février 1942, l’E.L.A.S. entre en conflit avec les forces britanniques et les troupes royalistes dès décembre 1944.↩
- 6
- Le Conseil fédéral nomme Pierre Bonna Ministre de Suisse à Athènes, lors de sa séance du 9 janvier 1945. Le Conseil fédéral donne son agrément à la nomination de Constantin Psaroudas comme Ministre de Grèce à Berne. Au cours de la même séance, Walter Stucki est désigné comme successeur de Bonna en tant que Chef de la Division des Affaires étrangères du Département politique (E 1004.1 1/453).↩
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