dodis.ch/47732

Le Chef du Département politique, M. Pilet-Golaz, au Ministre de Suisse à Berlin, H. Frölicher1

Je tiens à ajouter quelques considérations à l’exposé que contient ma lettre2 de ce jour à vous-même au sujet de la communication que nous a faite la Légation des Etats-Unis, le 10 avril dernier, à la demande du State Department, et qui concerne les réfugiés se trouvant actuellement dans des camps d’internés en France, en Allemagne et dans des pays occupés par le Reich, possédant des passeports délivrés par des Consulats de certaines républiques ibéro-américaines.

Tout d’abord, je tiens à attirer votre attention sur la circonstance qu’il faut distinguer entre la communication américaine du 14 avril adressée à la Division des intérêts étrangers - c’est un message des Etats-Unis d’Amérique au Reich que nous avons transmis sans l’avaliser - et la note du 10 avril qui s’adresse à nous. On nous demande d’intervenir d’une manière autonome et non comme puissance protectrice, d’agir en notre nom et d’assumer, par conséquent, les responsabilités correspondantes. La chose est fort délicate, d’autant plus que les Américains ont tendance à user des autres sans beaucoup de ménagements, de précautions et d’hésitations.

C’est pourquoi je vous prie d’attacher une importance particulière à la négociation. D’une part, nous ne devons pas nous engager à la légère, ni nous exposer à des réactions ou à des suspicions qui ne correspondraient d’ailleurs pas du tout à la réalité; d’autre part, sans nécessité absolue nous ne devrions pas nous refuser à faire quelque chose dans le sens désiré par les Etats-Unis, quitte à y apporter les atténuations et à adopter les modalités que comporte notre situation à la fois strictement neutre et indépendante.

Je pense que vous aurez l’occasion de vous en entretenir avec M. le Ministre Feldscher et que tous deux vous verrez comment il faut vous y prendre. Peutêtre envisagerez-vous des interventions parallèles ou alternées. Dans tous les cas, il faut que vos attitudes, à l’un et à l’autre, soient coordonnées.

Si vous jugez utile de nous exposer préalablement votre manière de voir ou si vous désirez des instructions plus précises encore, n’hésitez pas à le faire ou à les demander.