dodis.ch/47680
Le Délégué du Conseil fédéral aux Couvres d’Entr’aide internationale, Ed. de
Haller, au Chef du Département politique,
M. Pilet-Golaz
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Je me permets de vous adresser ci-joint le compte rendu de mon entretien du 26 janvier avec M. Speiser2.
Son initiative me paraît très opportune. Tout, dans son projet, n’est pas réalisable, mais il offre, entre autres avantages, celui de pouvoir être lancé dès maintenant sans entorse à notre attitude neutre. En effet, il s’agit de préparer le secours d’après-guerre, indépendamment du sort des armes.
Pourrons-nous agir avant PUNRRA? C’est plus que douteux. Cette institution s’assurera certainement le monopole de la restauration. Il y a beaucoup à parier que, le moment venu, elle nous donnera à choisir entre l’abandon à son «pool» de nos ressources (en espèces et en nature) ou rien. Nous choisirons naturellement le premier terme de l’alternative qui, à ce moment-là, sera compatible avec notre neutralité et... de plus, probablement fort avantageux pour notre industrie.
L’essentiel est d’user d’une formule assez générale et assez souple pour permettre un aiguillage sur l’UNRRA. Les dirigeants de celle-ci n’auront pas de peine à comprendre et sauront, espérons-le, ne pas nous mettre en demeure d’adhérer avant que nous soyons en mesure de le faire. Il n’est pas aussi certain que, chez nous, tout le monde fasse preuve de cette compréhension. C’est pourquoi je crois qu’il faut agir vite et être explicite.
De plus, au risque de paraître cynique, je prétendrais qu’en ce domaine la neutralisation des initiatives intempestives importe encore davantage que l’encouragement à l’action charitable. Si cette dernière manque rarement de ressources en stimulants (il en est parfois d’inavouables), elle ignore le plus souvent les vertus du frein, qu’elle ne supporte que douloureusement. Comme les «torpillages» et les freinages de l’autorité ne s’exécutent pas sans dégâts, il importe de prévenir, d’user de prophylaxie.
Le moment me paraît venu d’élever le rempart nécessaire en diffusant une déclaration officielle du Conseil fédéral. On ne parlerait pas encore de chiffres, ni des modalités d’acquisition et de distribution des secours. On annoncerait que le Conseil fédéral, traduisant les sentiments du pays, a pris en main l’étude des mesures à prendre pour que, lorsque les hostilités auront pris fin, la Suisse apporte sans aucun retard, aux victimes de la guerre, toute l’assistance possible, notamment au moyen des réserves devenues superflues. On se réserverait de faire connaître sous peu les dispositions prises et on laisserait clairement entendre que cette tâche ne peut être ni fractionnée, ni entièrement abandonnée à l’initiative privée. Enfin, on préviendrait l’opinion qu’un sacrifice substantiel lui sera demandé.
L’esquisse de la méthode à suivre pour passer à la réalisation sort du cadre de la présente note. Sans doute le Conseil fédéral voudra-t-il mettre tous les atouts de son côté en constituant d’emblée un comité d’étude. Peut-être celui-ci devrait-il comprendre des personnalités du monde des affaires (Speiser, Koechlin, etc.) qui soient en même temps revêtus de fonctions officielles. En d’autres termes, être un comité interdépartemental avec les avantages du panachage, sans tous ses inconvénients.