dodis.ch/47611 Le Chef de la Division des Affaires étrangères du Département politique,
P. Bonna, au Procureur général de la Confédération,
F. Stämpfli1
Nous avons eu l’honneur de recevoir votre lettre du 6 septembre2 nous remettant un rapport du Commandement de la Police du canton d’Argovie, concernant la dissolution des organisations fascistes existant dans ce canton, ainsi qu’un exemplaire de la circulaire que vous avez adressée, le 15 de ce mois, aux polices cantonales. Nous vous remercions vivement de ces communications, dont nous avons pris connaissance avec un vif intérêt.
Nous partageons votre avis qu’il convient de suivre les courants se manifestant au sein de l’importante colonie italienne en Suisse en raison des répercussions qu’ils pourraient avoir tant sur l’ordre intérieur que sur nos relations avec l’étranger. Nous n’avons pas l’impression, toutefois, qu’il y ait pour le moment des raisons de s’alarmer.
La dissolution du parti fasciste en Italie a entraîné «ipso jure» la disparition des «fasci all’estero». D’après les indications que nous a données, au début d’août, le Ministre d’Italie à Berne, cette conséquence naturelle des événements dans le Royaume a été acceptée sans récrimination et dans un esprit d’union nationale par l’ensemble des colonies italiennes en Suisse. Elle n’est pas sans poser certains problèmes assez délicats, tels que la transformation des organisations italiennes dans notre pays et l’attribution des «Case d’Italia». Les dispositions prises à cet égard, à la fin d’août, par le Ministère italien des Affaires étrangères sont raisonnables et de nature à apaiser les esprits. Elles ont été publiées dans la «Squilla Italica» du 11 septembre.
Il y a tout lieu de croire que, dans leur grande majorité, les Italiens en Suisse partagent nos conceptions et ont appris sans regret que leur patrie avait renoncé à des principes politiques qui en différaient profondément. D’après les indications que nous a données verbalement, le 17 septembre, M. le Conseiller d’Etat Lepori, il n’est pas douteux qu’il reste cependant certains éléments restés fidèles au fascisme, mais on ne discerne au Tessin aucune activité réelle de leur part. Il est peu probable qu’il en soit autrement dans les autres cantons.
La situation présente est donc fort rassurante. Elle pourrait sans doute se modifier suivant l’évolution des événements en Italie, mais, s’il importe de suivre la question de près, il faut se garder de mesures prématurées car si les fascistes reprennent, sous l’égide allemande, certains leviers de commande en Italie du nord, nous aurons à compter avec eux pour la sauvegarde de nos intérêts et dans nos relations de voisinage à la frontière sud. Nous vous serions, par conséquent, très reconnaissants de nous tenir au courant des rapports que vous recevrez des polices cantonales et des mesures qui pourraient être préconisées3.