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Le Chef de la Division des Affaires étrangères du Département politique, P. Bonna, au Délégué du Conseil fédéral aux Œuvres d’Entraide internationale, E. de Haller1

Mon Cher Edouard,

Je vous remercie beaucoup de m’avoir envoyé la circulaire du CICR à ses membres et le projet d’appel2 dont nous avons parlé hier. Je vous les retourne d’urgence, car je constate qu’une réponse doit être donnée avant samedi. Je crois qu’il est fort important que vous cherchiez dans ces conditions à voir rapidement M. le Président Etter3 au sujet de la position qu’il y a lieu de prendre à l’égard de ce projet.

L’appel me paraît adroitement rédigé et, sauf peut-être sur des détails, il me semble: 1) que le CICR serait parfaitement fondé à s’exprimer comme envisagé; 2) qu’il pourrait même y avoir intérêt à le faire.

Ce qui me paraît beaucoup moins clair, ce sont les deux questions suivantes: 1) Convient-il que le CICR renouvelle ces appels aux Gouvernements] Etrangers] qui n’ont donné aucun résultat dans le passé? 2) Est-il opportun de le faire en ce moment?

Sur le point 1, on peut hésiter. Il faut cependant se rendre bien compte que chaque appel lancé en vain diminue le retentissement du suivant et affaiblit la position morale du CICR pour le jour où il aurait chance de faire entendre sa voix.

Sur le point 2, on ne peut pas hésiter. Quelles que soient les prudences verbales et l’abstraite objectivité de l’appel, il serait, en ce moment, ressenti en Allemagne comme une condamnation des déportations que le problème de la main d’œuvre rend probablement inéluctables et, dans le monde anglo-saxon, comme une condamnation des raids aériens qui sont à peu près les seuls coups qu’il puisse porter actuellement à son adversaire. On ne retiendra dans l’un et l’autre camp que ce qui est négatif et on en tiendra rigueur au CICR. Quant aux chances de succès, elles sont égales à zéro.

Si le CICR veut soulager sa conscience et se mettre à l’abri du reproche de n’avoir pas élevé la voix devant des faits qui choquent les sentiments d’humanité, ne peut-il le faire sans avoir eu l’air de choisir son moment? Il me semble que les idées exprimées dans l’appel pourraient sans les mêmes inconvénients et sans amoindrir leurs chances d’être entendues, figurer dans son prochain rapport annuel, où il ne serait pas interdit à la presse d’aller les chercher4.

Bien affectueusement vôtre.