Classement thématique série 1848–1945:
I. SOCIÉTÉ DES NATIONS
4. Conflit italo-éthiopien, sanctions; venue du Négus en Suisse; manifestation de journalistes italiens à la SdN; reconnaissance de l’Ethiopie italienne
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 11, doc. 338
volume linkBern 1989
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#912* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 397 | |
Dossier title | Rom, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 36 (1936–1936) |
dodis.ch/46259
J’ai l’honneur de vous confirmer la communication téléphonique que je vous ai faite hier soir après ma visite à M. Ciano, Ministre des Affaires Etrangères.
Grâce aux dispositions prises par votre Département, grâce aussi au fait que vous aviez consenti à me tenir constamment au courant de vos propositions et en réservant la priorité de la nouvelle de la décision prise par le Conseil Fédéral2 au Ministre des Affaires Etrangères, il a été possible de faire la démarche dont vous m’aviez chargé dans les conditions les plus favorables pour les intérêts suisses en Italie et pour la sauvegarde de nos droits en Ethiopie. Je me réjouis vivement qu’il ait été possible d’obtenir vraiment le maximum des assurances que nous pouvions espérer.
Je joins à la présente lettre copie de la communication3 que j’ai remise au Comte Ciano, et dont le texte final avait été établi à la suite d’une conversation téléphonique entre M. le Ministre Bonna et le soussigné. Le Comte Ciano a pris connaissance de notre communication non seulement avec la plus vive satisfaction, mais avec une émotion visible. Une fois de plus, disait-il, la Suisse choisit une voie rectiligne indépendante, écartant tout chiaro-scuro, faisant preuve de sa compréhension des réalités internationales et de son amitié pour l’Italie. Il m’a assuré que le Gouvernement italien, et en particulier le Chef du Gouvernement, qui apprécie toujours tant l’amitié de notre pays, verrait dans l’acte accompli par le Conseil Fédéral un geste tangible d’amitié et étant au surplus de nature à faciliter la collaboration internationale. J’ai répondu que c’est bien dans ce sens et dans cet esprit que le Conseil Fédéral avait pris sa décision. Il a ajouté – et j’attache de l’importance à ce que cette déclaration ne vienne pas seulement du Duce, mais aussi de son principal collaborateur – que «quand la Suisse en aurait besoin, elle pourrait absolument compter sur l’Italie».
Il est incontestable – les journaux italiens d’aujourd’hui le démontrent – qu’au point de vue des rapports italo-suisses, la décision prise par le Conseil Fédéral sans hâte excessive, mais au moment psychologique, a porté les meilleurs fruits. J’espère et je pense que dans cette atmosphère nous pourrons éliminer les résidus de mauvaise humeur qui peuvent avoir subsisté.
Au point de vue de nos intérêts en Ethiopie, M. Ciano m’a immédiatement assuré qu’il tenait personnellement à ce que nous ayons d’emblée les assurances les plus favorables. Quant à la question de l’extension des traités italo-suisses en Ethiopie, que nous considérons comme corollaire naturel de la nouvelle situation, j’ai avisé le Comte Ciano que je lui remettrai tout prochainement un aidemémoire. Le Ministre des Affaires Etrangères m’a dit que cette question devait naturellement être traitée aussi avec la collaboration de ses services, notamment de son service économique, mais que satisfaction nous serait donnée.
Reste la question qui nous intéressait au premier chef des droits acquis en Ethiopie. Sur ce point, j’ai insisté, au cours de notre brève discussion très amicale, pour avoir immédiatement des assurances précises, assurances dont nous avions besoin, disais-je, aussi vis-à-vis de notre opinion publique. M. Ciano comprenait parfaitement la situation et nous cherchions la formule. Le Ministre des Affaires Etrangères dit finalement qu’il devait faire une seule réserve, celle des droits «acquis» après le début des opérations militaires, c.à.d. après le 3 octobre 1935, qui ne /sic/pourraient difficilement être reconnus par l’Italie comme tels, le Négus ayant après cette date commencé à «vendre son empire à droite et à gauche». Sur cette réserve, disait-il, l’Italie avait dû insister avec fermeté vis-à-vis de l’Allemagne, mais pour montrer sa bonne volonté, il a bien ajouté qu’en ce qui nous concerne, une bienveillance particulière serait usée, s’il le fallait, aussi pour des actes postérieurs à la date critique. Je ne crois pas que nous aurons besoin de lui rappeler cette dernière assurance, la concession qui nous intéresse principalement, celle de la S.E.R.E.T.4, datant du mois de mai 1935. Je puis donc espérer que l’entreprise dirigée par l’ingénieur Koppel recevra de toute manière une indemnité. Néanmoins, vous partagerez sans doute mon impression qu’il faudra être prudent dans les communications écrites que nous faisons au Syndicat suisse en question. En fin de compte, M. Ciano m’a assuré comme résultat de notre échange de vues que nous aurions en Ethiopie le régime le plus favorable, c’est-àdire celui qui a été consenti à l’Allemagne après les négociations de Berlin et de Berchtesgaden5. Vraiment, je crois qu’il n’aurait pas été possible d’obtenir davantage.
Dans un de mes derniers rapports, je vous avais écrit, Monsieur le Conseiller Fédéral, qu’à mon sens notre prestige en Italie n’a rarement été aussi haut que dans la période présente. La part que l’Italie a prise à votre dernier jubilé6 et les commentaires qu’inspire la décision prise hier par le Conseil Fédéral semblent renforcer cette situation. Et par prestige je n’entends pas seulement ni surtout les manifestations d’amitié, mais, bien davantage, une situation qui permet de dire franchement, avec sérénité et avec une certitude d’être écouté, le point de vue de notre pays dans les questions italo-suisses et à propos du problème, qui doit également nous préoccuper, de la collaboration internationale.
- 2
- Cf. no 337.↩
- 3
- Datée du 23 décembre, dont voici le texte: Dûment autorisé par mon Gouvernement à cet effet, j’ai l’honneur de faire à Votre Excellence la déclaration suivante: Le Conseil fédéral Suisse, reconnaissant la souveraineté de l’Italie sur le Territoire éthiopien, désire que l’arrondissement consulaire dépendant directement de la Légation de Suisse en Italie s’étende dorénavant également sur ledit Territoire. Le Gouvernement de la Confédération considère comme corollaire naturel de cette situation que le Gouvernement Royal et Impérial tiendra dûment compte des droits acquis des citoyens suisses dans l’Empire éthiopien. (E 2200 Rom 22/9.)↩
- 4
- Cf. no 310, n. 2 et annexe.↩
- 5
- Du 20 au 24 octobre. Lors de son voyage en Allemagne, Ciano s’était entretenu avec von Neurath et avec Hitler. A l’issue de ces entretiens, le gouvernement allemand avait annoncé la reconnaissance de jure de l’Empire italien. Sur le voyage de Ciano en Allemagne, et sur la portée de ses entretiens avec les dirigeants du Reich, cf. surtout le RP de Ruegger du 28 octobre (E 2300Rom, Archiv-Nr. 36).↩
- 6
- Cf. no 334.↩