Classement thématique série 1848–1945:
I. SOCIÉTÉ DES NATIONS
4. Conflit italo-éthiopien, sanctions; venue du Négus en Suisse; manifestation de journalistes italiens à la SdN; reconnaissance de l’Ethiopie italienne
Abgedruckt in
Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 11, Dok. 255
volume linkBern 1989
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Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern |
Signatur | CH-BAR#E1004.1#1000/9#359* |
Dossiertitel | Beschlussprotokolle des Bundesrates Mai - Juni 1936 (1936–1936) |
dodis.ch/46176 CONSEIL FÉDÉRAL
Procès-verbal de la séance du 29 juin 19361 1090. Assemblée de la Société des Nations. Conflit italo-éthiopien
Procès-verbal de la séance du 29 juin 19361
La seizième Assemblée de la Société des Nations, qui n’avait pas clos ses travaux en raison du conflit italo-éthiopien, a été convoquée à nouveau par son Président à la demande du Gouvernement argentin.
«Cette demande, expliqua le représentant de l’Argentine2 dans une lettre du 2 juin au Secrétaire général de la Société des Nations, se fonde sur la conviction qu’il est nécessaire que tous les Etats membres de la Société des Nations, qui a été constituée sur la base du principe de l’égalité, aient l’occasion d’examiner les problèmes d’une si haute importance, dans la situation internationale actuelle, auxquels a donné naissance le différend italo-éthiopien, et qu’ils puissent prendre leurs responsabilités et exprimer leur opinion sur la conduite à suivre conformément aux principes fondamentaux du Pacte.»
Il est probable que la situation à laquelle fait allusion le Gouvernement argentin sera examinée sous trois aspects différents:
a) Sanctions appliquées à l’Italie;
b) Reconnaissance ou non-reconnaissance de l’annexion de l’Ethiopie par l’Italie;
c) Réforme de la Société des Nations.
Aucun document, à part la communication de l’Argentine, n’a été remis à ce sujet aux gouvernements. On ne sait donc pas exactement comment vont s’engager les délibérations de l’Assemblée. On en est réduit à des conjectures.
La délégation suisse s’est réunie à Berne, mardi dernier3, pour examiner la situation avant que le Chef du Département politique sollicite des instructions du Conseil fédéral. Chaque délégué a fait connaître sa manière de voir. A part des nuances inévitables parmi les opinions professées, un accord général paraissait exister sur le fond même des questions à envisager.
Tenant compte des résultats de cet échange de vues et surtout des nécessités de notre politique extérieure qui doit s’efforcer de concilier notre amitié pour l’Italie avec nos devoirs de fidélité envers la Société des Nations, le Département politique estime que l’attitude de la Suisse à Genève pourrait être définie brièvement comme il suit à l’égard des trois questions sur lesquelles semblent devoir porter les travaux de l’Assemblée:
a) Sanctions. Le problème des sanctions paraît virtuellement réglé, les grandes puissances, et singulièrement la Grande-Bretagne, s’étant convaincues des grands inconvénients qu’il y aurait à maintenir des mesures coercitives qui ne font qu’irriter l’Italie, sans aucun profit pour la paix et la restauration du droit violé. On ne peut que se féliciter du revirement qui vient de se produire à ce sujet dans divers pays, notamment en Angleterre. Il en résultera sans doute une détente dans la situation actuelle, qui facilitera le rétablissement de rapports normaux ou du moins plus normaux entre les Etats membres de la Société des Nations et l’Etat qui, en octobre dernier, s’est rendu coupable de rupture de Pacte. La Suisse a hâte d’en finir avec des sanctions qui se sont révélées inefficaces et qui ont failli mettre à rude épreuve les rapports d’amitié qu’elle entretient avec sa voisine transalpine. Elle saluera avec soulagement l’abandon de l’action collective contre l’Italie.
La délégation suisse ne pourra donc que s’associer à toutes les propositions qui seront faites à Genève en vue d’une abolition immédiate des sanctions4. Conformément à la ligne de conduite adoptée jusqu’ici par le Conseil fédéral, elle n’aura pas à prendre d’initiative directe à ce sujet. Une initiative de ce genre devrait émaner, semble-t-il, des grandes puissances, sur lesquelles pèse, avant tout, la responsabilité des mesures prises contre l’Italie. Elle pourra néanmoins, s’il y a lieu, dire nettement son sentiment.
b) Reconnaissance de l’état de choses créé par la force.
Cette reconnaissance soulève des difficultés. Elle serait en contradiction si flagrante avec le principe posé à l’article 10 du Pacte5 que les Etats attachés au respect du droit hésiteront à donner dès maintenant satisfaction à l’Italie sur ce point. L’Argentine insistera d’ailleurs avec force, dit-on, sur le principe incorporé au pacte connu sous le nom de Pacte Saavedra-Lamas6 et selon lequel nul ne doit reconnaître les modifications territoriales obtenues par la force. Ce serait même et surtout pour faire prévaloir ce principe qu’elle aurait demandé une convocation de l’Assemblée.
Le Département souhaiterait que, soucieuse de ne pas envenimer les choses, l’Assemblée ne se prononçât ni dans un sens ni dans l’autre et qu’elle prît le parti de renvoyer la question à sa session ordinaire de septembre. Le temps aiderait à trouver une solution acceptable. Si une opinion contraire l’emportait et si l’Assemblée inclinait à adopter d’emblée une attitude intransigeante à ce sujet, il se pourrait que l’Italie, se sentant une fois de plus bravée, cédât à un mouvement de colère et rompît définitivement avec la Société des Nations. Ce serait extrêmement regrettable. La situation qui en résulterait pour la Confédération l’obligerait, selon toutes probabilités, à examiner sérieusement la question de sa collaboration future avec la Société. Que ferait la Suisse neutre au sein d’une ligue qui ne comprendrait plus ni notre voisin du nord ni notre voisin du sud et qui, comme il serait à craindre, subirait de plus en plus l’influence d’inspirations venant de Moscou?
Il serait indiqué, par conséquent, que la délégation suisse suivît la question de très près et que, sans renier en quoi que ce soit un des principes fondamentaux du Pacte actuel, elle s’efforçât, s’il y a lieu, de faire triompher le parti de la modération.
3) Réforme du Pacte de la Société des Nations. Il n’est pas certain que ce problème soit abordé au cours de cette session, mais il ne serait pas étonnant qu’il le fût. L’échec retentissant de la Société des Nations dans l’affaire italo-éthiopienne ne peut qu’inciter les gouvernements à se demander si l’institution ne devrait pas être mieux adaptée aux possibilités politiques actuelles. De grands principes condamnés à rester sur la papier ne suffisent pas. Mieux vaut des principes moins sonores, plus modestes, mais sur l’application desquels on puisse compter au moment critique. A cet égard, toute la réforme du Pacte se ramène à une question de clarté et de probité.
La Suisse ne pourrait évidemment que se prêter à un examen approfondi des questions touchant à la révision éventuelle du Pacte. Ce problème l’intéresse d’autant plus que notre pays jouit au sein de la Société des Nations d’une situation unique grâce à la déclaration de Londres7 et qu’il aurait tout intérêt, le cas échéant, à dissiper une fois pour toutes les malentendus, les erreurs d’interprétation, voire les jugements injustes auxquels a parfois donné lieu cette position particulière.
Il serait toutefois prématuré d’arrêter aujourd’hui, même à titre tout provisoire, l’attitude de notre pays à l’égard de cet important problème. Les questions que celui-ci soulève sont d’une grande complexité et d’une infinie délicatesse. Diverses possibilités ont déjà été envisagées dans certains pays, mais il n’en est pas une qui ne se heurte à de sérieuses objections. Si l’on revise le pacte en suivant la procédure des amendements, on court le danger de voir des pays rejeter plus tard les amendements et sortir de la Société des Nations; si, au contraire, on maintient le Pacte tel qu’il est et que l’on se borne à en restreindre ou à en supprimer l’application, par voie de résolutions interprétatives, sur certains points déterminés, on s’expose au reproche de tourner, par un procédé très discutable, les principes fondamentaux de l’instrument diplomatique le plus important de tous les temps. De quelque côté que l’on se dirige, on rencontre des obstacles. La question devra être examinée avec un soin extrême. Et il serait souhaitable qu’elle le fût.
En conséquence, il est décidé de donner pour instructions à notre Délégation à Genève de s’inspirer des considérations qui précèdent en vue de l’attitude à adopter à la prochaine réunion de l’Assemblée de la Société des Nations.
- 2
- E. Ruiz Guinazù. Pour le texte intégral de sa lettre au secrétaire de la SdN, cf. JO. SDN, 1936, Supplément spécial no 151, pp. 97–98.↩
- 3
- Soit le 23 juin. Pour le procès-verbal de la réunion cf. E 2001 (C) 5/131.↩
- 4
- Cf. no 265.↩
- 5
- Les Membres de la Société s’engagent à respecter et à maintenir contre toute agression extérieure l’intégrité territoriale et l’indépendance politique présente de tous les Membres de la Société. En cas d’agression, de menace ou de danger d’agression, le Conseil avise aux moyens d’assurer l’exécution de cette obligation.↩
- 6
- Pacte de non-agression et conciliation, dit pacte Saavedra-Lamas, du nom de son rédacteur, le ministre argentin des affaires étrangères. Signé le 10 octobre 1933par l’Argentine, le Paraguay, l’Uruguay, le Chili et le Mexique, puis par une trentaine d’Etats au total, dont les Etats-Unis d’Amérique. Malgré le prix que le gouvernement argentin attachait à l’adhésion de la Suisse au pacte, Berne se refusa à le signer. Le 10 mars 1936, dans une lettre au ministre de Suisse à Buenos Aires, E. Traversini, qui lui avait auparavant relaté les interventions de M. Saavedra-Lamas en faveur de l’adhésion de la Suisse, Motta écrivait notamment: M. Ruiz-Guinazù nous a entretenus, à diverses reprises, de la même question et nous a représenté, de son côté, tout l’intérêt que son gouvernement attacherait à une participation de la Suisse. Il n’est pas jusqu’au gouvernement des Etats-Unis d’Amérique qui, pour décerner à peu de frais un témoignage d’amitié au gouvernement argentin, ne nous ait fait connaître, par l’entremise de son Ministre à Berne, la satisfaction que lui procurerait une attitude favorable de notre part. A notre regret et si désireux que nous serions de ne pas nous dérober à une action dont le but apparent nous paraît fort louable, encore que les mobiles qui l’ont déterminée soient peut-être d’inspiration moins altruiste, nous n’avons pu nous résoudre à céder à ces amicales sollicitations. Comme nous vous l’avions exposé à Berne, l’instrument dont il s’agit est de valeur discutable. II est de beaucoup en retard sur le Pacte de la Société des Nations et n’ajoute rien de substantiel au Pacte Briand- Kellogg. /...] (E 2001 (C) 5/156.)↩
- 7
- Cf. no 145, n. 6.↩