Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 11, doc. 224
volume linkBern 1989
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001D#1000/1551#232* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(D)1000/1551 9 | |
Dossier title | Allgemeine, Korrespondenz (A Prato) (1933–1936) | |
File reference archive | A.15.47.11 |
dodis.ch/46145 Le Chef du Département politique, G. Motta, au Chef du Département de Justice et Police, J. Baumann1
Par lettre du 27 juillet 19332, nous avons eu l’honneur d’attirer votre attention sur l’activité préjudiciable au maintien des bonnes relations que déploie à Genève le journaliste italien Carlo Aprato. Ce réfugié politique, qui réside depuis environ dix ans sur notre territoire au bénéfice d’un permis de tolérance accordé sous condition de ne pas faire de politique, poursuit dans les colonnes du «Journal des Nations» une véritable campagne de haine contre l’Italie qui a donné lieu, à maintes reprises, à des plaintes de la part du Gouvernement italien3.
Fort habilement rédigés, les articles d’Aprato ne contiennent ni invectives ni violences de langage; bien que leur parti pris d’hostilité et de dénigrement à l’égard du Gouvernement italien soit évident, il n’a donc pas paru possible, jusqu’ici, de prendre des mesures efficaces pour faire cesser une campagne à laquelle le conflit italo-éthiopien a fourni à la fois le prétexte pour redoubler de virulence et l’occasion de nuire efficacement à la cause italienne en stimulant l’ardeur des milieux sanctionnistes.
Depuis plusieurs mois, les réclamations de la Légation d’Italie à Berne contre le «Journal des Nations» et le «fuoruscito» Aprato se font incessantes et de plus en plus âpres. M. Tamaro ne dissimule pas qu’elles sont au premier plan de ses préoccupations et qu’elles mettent enjeu le maintien des relations amicales entre Rome et Berne. Il ne nous paraît plus possible, dans ces conditions, d’opposer plus longtemps à ces incessantes démarches des solutions de temporisation.
Le 25 octobre 1935, un fâcheux incident s’est produit dans un cinématographe de Genève où se trouvaient simultanément le journaliste Aprato et plusieurs personnalités italiennes des milieux de la Société des Nations: un coup de sifflet s’est fait entendre au moment où l’on projetait sur l’écran l’image de M. Mussolini. Les Italiens présents accusèrent Aprato d’avoir sifflé4; mais celui-ci le nia et l’enquête très approfondie à laquelle procéda la police genevoise sous le contrôle du Ministère public fédéral ne parvint pas à faire la lumière complète sur les circonstances de cet incident5. Il ne semble pas, en conséquence, qu’il puisse être décisif pour éloigner Aprato de notre pays.
Les articles du «Journal des Nations», dont vous voudrez bien trouver ci-joints divers échantillons, ne fournissent pas non plus une base favorable à une mesure ayant un caractère de sanction. S’il est profondément choquant de voir un Italien poursuivre contre son pays en guerre une campagne de haine et s’il est bien compréhensible que le Gouvernement italien s’en montre fort irrité, force est de reconnaître qu’Aprato ne fait qu’exprimer une opinion qui a cours dans maints autres journaux de gauche, à l’étranger et en Suisse même.
Il nous semble, en revanche, que rien ne saurait nous empêcher de faire savoir à Aprato que le permis de tolérance qui lui a été accordé à la condition qu’il s’abstienne de toute activité politique préjudiciable aux intérêts de la Confédération ne peut être renouvelé en raison de son activité journalistique et qu’il doit chercher refuge dans un autre pays.
Nous estimons que le moment est venu d’agir de la sorte. Nous ne nous dissimulons nullement qu’une telle mesure sera âprement critiquée dans certains milieux et qu’elle déchaînera en particulier de vives récriminations de la part de l’Association des journalistes accrédités auprès de la Société des Nations, à laquelle Aprato est affilié et qui nous a déjà donné à entendre qu’elle prendra fait et cause pour lui, mais nous pensons que le Conseil fédéral encourrait une dangereuse responsabilité en laissant plus longtemps un réfugié politique mettre en péril nos relations avec un pays voisin et ami.
La campagne de presse que déchaînera sans doute la mesure que nous vous demandons d’ordonner aura d’ailleurs l’avantage de bien marquer que, si la Suisse est accueillante aux réfugiés politiques, elle n’entend pas leur laisser pleine liberté de continuer sur notre sol une activité politique.
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Italy (Others)
A Prato Affair (1934–1938)