Classement thématique série 1848–1945:
I. SOCIÉTÉ DES NATIONS
4. Conflit italo-éthiopien, sanctions; venue du Négus en Suisse; manifestation de journalistes italiens à la SdN; reconnaissance de l’Ethiopie italienne
Abgedruckt in
Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 11, Dok. 125
volume linkBern 1989
Mehr… |▼▶Aufbewahrungsort
Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
Signatur | CH-BAR#E2001C#1000/1535#1558* | |
Dossiertitel | Différend entre l'Ehiopie et l'Italie; Généralités (Voir aussi le dossier B.5.7.18 1935/37) (1934–1937) | |
Aktenzeichen Archiv | B.56.17.07 |
dodis.ch/46046
J’ai l’honneur de vous confirmer ma lettre d’hier2 relative aux documents que vous m’avez remis concernant le conflit avec l’Abyssinie.
Les événements se précipitent. Le Duce vient d’ordonner la mobilisation d’une nouvelle division de l’armée portant le nom de «Gran Sasso» et de deux divisions de chemises noires portant les noms de «XXI Aprile» et «3 Gennaio». En outre, une série d’officiers et sous-officiers et de spécialistes de la marine sont rappelés. La mise en congé des marins de la classe 1913 est suspendue.
Ce sont là de graves mesures de guerre, confirmant dans leur opinion tous ceux qui ont cru à un projet de conquête armée de l’Abyssinie. «Nous voulons la revanche d’Adoua»3, me disait hier un de mes amis en étroites relations avec les milieux du Gouvernement. Cependant, ces intentions de conquête continuent à ne pas être franchement avouées au Palais Chigi.
Je maintiens ce que je vous ai écrit dès le début sur les complications infinies de cette entreprise et sur les incertitudes du Gouvernement4. Celui-ci est retenu en premier lieu par le Traité de 1906 entre la France, l’Angleterre et l’Italie et le Traité de 1926 entre l’Angleterre et l’Italie5, que les journaux suisses ont suffisamment analysés, et par le fait que l’opinion anglaise commence à s’échauffer. L’Angleterre est le seul pays d’Europe que l’Italie a toujours cherché à ménager. Vous vous souviendrez de l’affaire de Corfou6, où l’Italie dut suspendre des opérations militaires sur les injonctions de la Grande-Bretagne. De tous temps, le balancier politique a oscillé entre Berlin et Paris, mais vis-à-vis de Londres, la politique italienne fut jusqu’ici immuable.
Le brusque revirement de l’opinion britannique a donc produit ici une très grande impression. Le Duce doit convaincre le monde qu’il ne recule pas, mais l’avenir se complique. Ce grand déploiement de forces, ces excitations de la presse, qui cherche à rendre l’expédition populaire avec des descriptions d’un esclavage abyssin dont jusqu’ici nul ne s’était soucié, cette énumération des provocations du Négus, que celui-ci dément dans les documents que vous m’avez remis, tout cela doit servir à entretenir l’opinion italienne dans les dispositions favorables à l’entreprise. Mais, je le répète, je ne serais pas surpris que l’Italie se contentât de concessions secondaires, peut-être d’une bande de territoire permettant de relier la Somalie à l’Erythrée. C’est ce que l’avenir nous apprendra.
En attendant, la presse a reçu l’instruction de suspendre toute attaque et toute critique contre Hitler. Ce renseignement est authentique. Ces répercussions sur la politique européenne sont une raison de plus de suivre avec grande attention cette aventure africaine.
- 1
- Lettre: E 2001 (C) 5/173.↩
- 2
- Non reproduit.↩
- 4
- Cf. les nombreuses lettres de Wagnière consacrées à la question éthiopienne (E 2001 (C) 5/173). Le 5 janvier 1935, dans sa première lettre envoyée à Motta après l’incident de Ual-Ualdu 5 décembre 1934, Wagnière avait écrit: Contrairement à ce qu’on paraît supposer dans certains milieux de l’étranger, l’Italie se gardera bien, dans un moment aussi troublé et incertain de la politique internationale européenne, de se lancer dans une aventure abyssine. Les masses ont déjà oublié la terrible défaite d’Adoua en 1895[sic], la plus grave défaite subie par une troupe européenne en Afrique. Sans doute, dans les milieux militaires, on peut nourrir encore l’espoir d’une revanche, mais le Gouvernement fera tout son possible pour éviter en ce moment des complications quelconques sur ce terrain brûlant (E 2001 (C) 5/173). Par la suite, Wagnière a nuancé son opinion, comme le montre déjà sa lettre à Motta du 11 février 1935: Je vous écrivais récemment qu’il me paraissait difficile d’admettre que l’Italie cherchât des aventures dans ces parages. Le moment serait mal venu. Il y a encore trop d’incertitude dans la situation européenne pour s’engager dans une si vaste entreprise africaine. Cela n’empêche pas l’Italie de considérer que l’Ethiopie reste la seule terre africaine disponible pour un Etat européen. Il n’est pas à exclure que tôt ou tard l’on assiste à une action italienne dans l’empire du Négus, mais d’accord avec la France. Pour le moment, il s’agit pour l’Italie d’affirmer sa puissance sur une frontière menacée (E 2001 (C) 5/173).↩
- 5
- Il s’agit en réalité de l’accord conclu par échange de notes, en décembre 1925, entre la Grande-Bretagne et l’Italie.↩
- 6
- D’août 1923. Cf. DDS vol. 8, no 286, dodis.ch/44928.↩