Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
11. France
11.1. Relations commerciales
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 10, doc. 360
volume linkBern 1982
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E1004.1#1000/9#12935* | |
Dossier title | Beschlussprotokoll(-e) 20.11.-24.11.1933 (1933–1933) |
dodis.ch/45902 CONSEIL FÉDÉRAL
Procès-verbal de la séance du 24 novembre 19331 1826. Négociations commerciales franco-suisses.
Procès-verbal de la séance du 24 novembre 19331
Des négociations en vue de fixer le régime applicable aux relations commerciales franco-suisses après le 1er décembre 1933, date pour laquelle le Gouvernement français a dénoncé la convention de commerce du 8 juillet 19292, se sont ouvertes le 20 novembre à Berne. La délégation française était composée de MM. Bonnefon-Craponne, directeur des accords commerciaux au Ministère du Commerce, Lesage, directeur au Ministère de l’agriculture, Gazel, adjoint au Ministère des affaires étrangères, Lecuyer, chef de service à la Direction générale des douanes et Hignette, attaché commercial près de l’Ambassade de France à Berne. Assistaient aux délibérations, du côté suisse, MM. Stucki3, Wetter4, Laur5 et Gassmann6. Les négociations, qui se sont déroulées dans l’esprit le plus amical et n’ont duré que deux jours, peuvent se résumer comme il suit.
A la suite des conversations que le directeur de la division du commerce avait eues à Paris vers le milieu d’octobre, M. Bonnefon-Craponne lui soumit, à titre personnel et confidentiel, par lettre du 28 octobre7, une proposition qui était de nature, à ses yeux, à résoudre les difficultés résultant de la dénonciation de la convention de commerce du 8 juillet 1929. La constitution française de 1875 dispose que les lois doivent être promulguées dans le mois qui suit leur vote, ce que revient à dire que les lois sont applicables, au plus tard, un mois après leur adoption par le Parlement. Le directeur des accords commerciaux proposait de faire présenter au Parlement français un projet de loi autorisant le Gouvernement à conclure avec les pays étrangers à l’égard desquels la balance commerciale accuse un important solde excédentaire, des accords commerciaux prévoyant que si, postérieurement à l’accord, les droits de douane étaient relevés sur des produits nommément désignés à l’accord et offrant pour ces pays un intérêt essentiel, les nouveaux droits ne seraient applicables auxdits pays qu’à l’expiration d’un délai de trois mois après promulgation de la loi relevant les droits. La nouvelle formule devrait donc, en définitive, permettre au Gouvernement français de proroger la convention de commerce franco-suisse pour une durée illimitée, sous réserve que celle-ci puisse être dénoncée de part et d’autre à tout moment, moyennant un préavis de trois mois. Le parlement français aurait ainsi la liberté de décréter, pour des positions figurant dans le traité franco-suisse, des augmentations tarifaires dont le Gouvernement de la République informerait le Conseil fédéral, en lui demandant son assentiment sur ces majorations. Si la Suisse acceptait les augmentations adoptées par le Parlement, en demandant éventuellement une contrepartie, la convention devrait être modifiée pour les positions visées. Au cas où la Suisse refuserait son assentiment, c’est le Gouvernement français qui devrait dénoncer l’accord pour être en mesure d’exécuter la décision du Parlement dans un délai de trois mois.
Vu le caractère personnel et confidentiel de cette proposition, le département de l’économie publique ne croit pas devoir la soumettre au Conseil fédéral. Le directeur de la division du commerce se borna à répondre, à titre personnel et officieux8, au directeur des accords commerciaux que tout en reconnaissant son sérieux effort en vue de trouver une solution et tout en ne voulant pas exclure d’emblée la formule proposée, il prévoyait une très forte opposition en Suisse contre un tel arrangement, attendu que notamment notre industrie de la construction mécanique et des machines demande, vu les longs délais de livraison, une garantie tarifaire d’au moins six mois. Il insistait, dans cette lettre, sur la nécessité de donner au commerce entre les deux pays une sécurité pour une période d’une certaine durée.
Lors des dernières négociations, la délégation française reprit cette proposition, qui est donc maintenant officielle. Toutefois, afin de se rapprocher autant que possible des désirs de la Suisse, le président de la délégation française, M. Bonnefon-Craponne, soumit à la délégation suisse une autre formule, selon laquelle le Gouvernement français présenterait au Parlement un projet de loi lui demandant la faculté de pouvoir conclure avec les pays à l’égard desquels la balance commerciale de la France est fortement active, des accords établissant que pour les produits y mentionnés la France renoncera pendant la durée de l’accord, qui pourrait être étendue jusqu’à six mois et être éventuellement prorogée, à augmenter les droits de douane sur ces produits, en tant que ces derniers seraient contingentés. En d’autres termes, pour pouvoir se garantir réciproquement, pendant six mois, la consolidation du régime stipulé dans la convention en vigueur, les deux Parties seraient obligées, d’après la proposition française, de contingenter toutes les positions figurant dans cette convention. Malgré la bonne volonté dont témoigne la nouvelle formule suggérée par la délégation française, la Suisse ne saurait l’accepter pour les raisons suivantes. 15%, en moyenne, des positions tant du tarif suisse que du tarif français, consolidées dans la convention de 1929, sont actuellement contingentées de part et d’autre. Dès lors, il faudrait, suivant la proposition française, pour maintenir le régime tarifaire garanti par la convention, étendre considérablement les mesures de contingentement appliquées par les deux pays. On aboutirait ainsi à cette situation tout à fait anormale que deux Etats, comme la France et la Suisse, qui suivent aujourd’hui une politique commerciale à peu près parallèle et préconisent le rapprochement économique entre pays du bloc-or, par une discrimination en matière de contingentement et une diminution des entraves au commerce, n’arriveraient à se rapprocher qu’en augmentant sensiblement ces entraves! Ce serait nettement contraire aux intérêts du commerce suisse et à la politique défendue par la Suisse à la Conférence de Londres9 et à bien d’autres occasions. La délégation suisse n’a pas manqué de faire remarquer à la délégation française ce qu’une telle solution aurait d’illogique. Tout en reconnaissant la situation difficile dans laquelle le Gouvernement français se trouve vis-à-vis du Parlement, qui voudrait recouvrer une pleine liberté pour protéger la production française, les délégués suisses n’ont pas pu prendre sur eux d’accepter cette solution. Ils ont insisté sur la nécessité absolue dans laquelle la Suisse se trouve, vu la situation actuelle, d’augmenter ses exportations en France, si elle veut assurer à cette dernière le maintien de ses importations, par des garanties tarifaires et en atténuant, le cas échéant, les mesures de contingentement qui lui sont appliquées. Par contre, ils se sont déclarés d’accord sur la première proposition française (prolongation, de 1 à 3 mois, du délai d’application des majorations tarifaires qui pourraient être décrétées par le Parlement français), à condition que ce délai fût étendu à six mois, ce qui accorderait en fait à la Suisse le minimum de stabilité tarifaire à laquelle elle doit prétendre. La délégation française a repoussé cette proposition, en déclarant qu’une semblable modification ne serait jamais votée par le Parlement.
Comme une entente ne pouvait pas se réaliser sur l’une de ces deux propositions, et que, par ailleurs, ni l’une ni l’autre délégation n’envisageait une rupture du statut contractuel liant les deux pays, il ne restait, pour gagner du temps, qu’à se mettre d’accord provisoirement sur une prolongation pure et simple de la convention. Ainsi que l’a dit le département de l’économie publique dans sa proposition du 16 novembre10, le Gouvernement français avait déjà consenti à proproger l’accord de un mois. La délégation française ayant finalement proposé une prorogation de deux mois, les délégués suisses crurent pouvoir s’y rallier. Cette prorogation vise également l’accord relatif à l’application des contingentements des produits manufacturés, du 24 juin 193211, prorogé par le protocole du 31 décembre 193212, et les différents accords franco-suisses sur le contingentement des produits agricoles (fromage, lait condensé, fruits, légumes et viande) conclus par échange de notes13.
Il faut ajouter que le Gouvernement français a notifié au département de l’économie publique, peu de jours avant les négociations, sa décision de nous reprendre, dès le 1er janvier 1934, l’administration des contingents relatifs à l’importation des produits agricoles en France, notamment pour le fromage. La délégation suisse s’est vivement élevée contre cette décision. Elle a défendu énergiquement, à cette occasion, le point de vue selon lequel la Suisse doit pouvoir développer ses exportations de fromage et de bétail en France pour assurer à l’agriculture française le maintien de ses débouchés actuels sur le marché suisse. La délégation française a laissé entrevoir qu’un arrangement serait peut-être possible, si le Gouvernement suisse consent à une certaine élévation des droits français sur le fromage. Des propositions nous seront encore faites à cet égard.[...]14
- 1
- E 1004 1/343.↩
- 2
- Cf. no 280.↩
- 6
- A. Gassmann, Directeur général des douanes.↩
- 7
- Non reproduit (E 7110 1/57).↩
- 8
- Par lettre du 2 novembre 1933, non reproduite (E 7110 1/57).↩
- 9
- Cf. no 286.↩
- 10
- Non reproduit (E 7110 1/57).↩
- 11
- Cf. no 177.↩
- 12
- RO, 1933, vol. 49, pp. 47, ss.↩
- 13
- Non reproduit.↩
- 14
- Le Conseil fédéral décide donc de proroger de deux mois, soit jusqu’au 1er février 1934, la convention de commerce du 8 juillet 1929 et les accords en vigueur en matière de contingentement. Il refuse en revanche de conclure un accord de garantie réciproque pour six mois du régime conventionnel en vigueur, à la condition que les produits auxquels cette garantie se rapporterait soient contingentés.↩