Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
8. Egypte
8.2. Représentation diplomatique
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 10, doc. 332
volume linkBern 1982
more… |▼▶Repository
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001C#1000/1534#522* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(C)1000/1534 41 | |
Dossier title | Errichtung einer schweiz. Gesandtschaft in Ägypten, I (1934–1936) | |
File reference archive | B.21.14 • Additional component: Aegypten |
dodis.ch/45874
J’ai l’honneur de vous accuser réception de votre lettre du 6 de ce mois2, par laquelle vous m’informez que le Consul d’Egypte à Genève avait appris vos intentions et qu’il en aurait fait part à Shamsy Pacha3. Comme vous, je regrette qu’une indiscrétion ait été commise, et qu’une parole sans doute anodine et jetée dans le vent, ait retenu l’attention du vigilant Consul d’Egypte de Genève. Evidemment, il est impossible de remonter à la source. Cette indiscrétion me frappe d’autant plus que, lorsque vos premières instructions de fin mai4 me sont parvenues, j’avais soigneusement évité, comme jusqu’a ce jour du reste, de faire la moindre allusion à ma mission à mon collègue égyptien, et même d’entrer en correspondance avec aucun des amis que j’ai au Caire ou à Alexandrie. Cependant, tout bien considéré, je ne crois pas qu’il y a lieu de s’alarmer outre mesure de ce que cette nouvelle ait été éventée en Suisse, car rien n’est changé au fond du problème. Je persiste à croire qu’il y aurait intérêt à vous en tenir à votre lettre du 26 juin5, et à donner à ma mission un caractère général sous la forme d’une démarche de courtoisie auprès du Roi et de son Gouvernement, de façon à me permettre de démentir éventuellement (à condition que M. Trembley ait, depuis le premier jour, tenu le secret le plus absolu vis-à-vis de quiconque), votre intention de négocier.
Le problème est en effet très compliqué car mon frère William6 qui, en revenant de Chine, s’est arrêté deux jours à Alexandrie, et m’a fait visite à Istanbul m’a dit que le caractère nationaliste du Ministère n’avait pas changé, et que la colonie suisse tenait mordicus aux privilèges capitulaires. Il faut donc s’attendre, si vous deviez faire une concession dans l’intérêt de notre industrie, à ce que j’aie la colonie contre moi. A moins que la constellation politique ne change, et j’ai l’impression que le retrait de Sidky Pacha7 ne la modifierait pas forcément, je ne crois guère que nous trouverons au Caire une mentalité comme l’était celle d’avant 1924. Partout le régime capitulaire, devant le réveil du nationalisme des pays orientaux pâlit à l’horizon, et le jour viendra certainement où il faudra y renoncer même en Extrême-Orient8, comme cela a été le cas au Japon, en Turquie et en Perse. Malgré sa réserve pénale, la délégation de pouvoir contenue dans le traité germano-égyptien9 n’est certes pas à dédaigner. L’heure actuelle est si grave au point de vue de la vente de nos produits à l’étranger, que l’argumentation du Vorort10, selon laquelle la réserve du traité est restée plus théorique que pratique, mérite également une sérieuse attention. Il va sans dire que ces remarques ne sont que personnelles et inspirées uniquement par l’inquiétude que me causent les soucis de notre commerce d’exportation. Il est bien entendu que tout devra être tenté au début pour obtenir un arrangement sans réserve pénale. Mais, si nous devions continuer à nous trouver devant un mur infranchissable et imperforable il faudra se décider à prendre malgré tout un pied officiel en Egypte, mesure qui a, à mes yeux, déjà trop tardé. Partout on voit l’Allemagne procéder à tout prix à une pénétration économique intense, abandonnant ci et là un privilège théorique pour courir au résultat pratique, en laissant à sa diplomatie le soin de régler un cas difficile qui aurait pu surgir à droite ou à gauche.
Toutes vos instructions me prouvent le prix que vous attachez au maintien intégral des privilèges capitulaires, que je tenterai naturellement d’obtenir dans des conditions hérissées de difficultés.
Dans votre proposition au Conseil Fédéral du 27 février 192811 concernant une convention d’établissement et de commerce entre la Suisse et la Perse, je lis que la Suisse à été la première de tous les pays à proposer à la Perse la conclusion d’un accord faisant abstraction du régime capitulaire. Si par hasard le Gouvernement Egyptien, averti de l’arrivée de M. Brunner12 à Téhéran par la Légation d’Egypte dans cette ville, venait à me poser une question sur votre attitude vis-à-vis de ce régime en Perse, il me serait très précieux de pouvoir lui expliquer nos raisons, qui paraissent divergentes en ce qui concerne ces deux pays. Cette question, que le Roi bien informé pourrait me poser à brûle-pourpoint, doit en tout cas être préparée à l’avance, pour ne pas m’exposer à une réponse non fortement étayée, comme elle le sera quand j’aurai reçu vos éclaircissements. Il n’est pas impossible en effet que M. Brunner soit quelque peu surveillé ou, disons-le franchement, même espionné à Téhéran, et il est d’autre part probable que le Ministre d’Egypte aura peut-être une accointance ou l’autre au Ministère de Téhéran. Il est même certain qu’un jour ou l’autre l’accord final que concluera M. Brunner sera connu au Caire, de sorte que le point que je me permets, en toute confiance, de soulever ici, doit être, avant mon départ en Egypte, étudié de très près, afin que ma réponse à la question, hypothétique il est vrai mais non point impossible que je soulève, puisse être faite dans le cadre strict de vos instructions. Quoi qu’il en soit, je serai prêt, probablement vers fin novembre, à partir pour l’Egypte, lorsque j’aurai pu conclure avec le Gouvernement Turc un arrangement commercial13 que le Département de l’Economie Publique considère, avec raison, urgent, et lorsque M. de Bavier se sera suffisamment initié pour assumer en mon absence la gérance de mon poste.
- 1
- Lettre: E 2001 (C) 4/41.↩
- 2
- Non reproduit.↩
- 3
- C’est le président de la Commission commerciale suisse en Egypte, E. Trembley, qui en avait informé le Département politique, dans une lettre du 2 septembre 1933: Ayant, par hasard, rencontré hier à Genève, Son Excellence Shamsy Pacha, celui-ci, à ma surprise, m’a dit que le Consul d’Egypte à Genève lui avait déclaré que s’étant rendu récemment à Berne pour affaires concernant le consulat, il y avait appris qu’il avait été décidé d’envoyer au Caire Monsieur le Ministre Martin afin d’y reprendre les négociations. Le Gouvernement égyptien sera donc mis ainsi au courant dès maintenant (E 2001 (C) 4/41).↩
- 5
- Non reproduit.↩
- 7
- Chef du Gouvernement égyptien, Ministre de l’Intérieur et des Finances.↩
- 8
- Cf. notamment, à ce propos, les documents traitant du problème de l’exterritorialité en Chine publiés dans le présent volume, surtout le no 194.↩
- 9
- Cf. no 149.↩
- 10
- Cf. annexe au no 273.↩
- 11
- Cf. DDS, vol. 9, no 374, dodis.ch/45391.↩
- 12
- 11. A. Brunner, conseiller de légation à Istanbul, envoyé en mission spéciale à Téhéran par le Conseil fédéral en octobre 1933.↩