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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 10, doc. 283
volume linkBern 1982
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001C#1000/1533#3614* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(C)1000/1533 147 | |
Dossier title | Verhandlungen u. Erörterungen betr. ein Kreditabkommen zwischen deutschen Schuldnern u. deren Gläubigern, Transfermoratorium I, II (1932–1933) | |
File reference archive | C.42.45.a • Additional component: Deutschland |
dodis.ch/45825 Réunion du «Komitee Deutschland» de l’Association suisse des banquiers, tenue au siège du Crédit suisse à Zurich le 6 juin 19332
M. Jöhr3 expose que le Comité et la délégation des créanciers suisses à Berlin4 ont été l’objet de quelques critiques; on leur a reproché de ne grouper que des banquiers, déjà engagés personnellement dans les «Stillhalteforderungen5 », et de n’avoir pas suffisamment tenu compte des intérêts des autres créanciers (hypothécaires, assurances) et surtout des porteurs d’obligations. Pour répondre à cette critique, le comité avait convoqué des représentants des trois principales bourses suisses; seules les bourses de Bâle-Zurich ont répondu à l’invitation. Genève n’était pas représentée.
M. Jöhr oriente le Comité sur les pourparlers qui viennent d’avoir lieu à Berlin, sur demande de la Reichsbank. Il rappelle que la Conférence s’est ouverte par un discours de Schacht qui a été reproduit par la presse.
Schacht a eu soin de spécifier d’emblée qu’il ne s’agissait pas, en convoquant les «créanciers» de l’Allemagne, d’ouvrir des négociations, mais d’une simple prise de contact entre les premiers et la Reichsbank. La conférence avait aussi un but d’information et de préliminaire à d’éventuels pourparlers. Les débiteurs allemands n’étaient pas convoqués, vu qu’il ne s’agissait pas d’examiner leur solvabilité. Le seul problème enjeu est celui des transferts; c’est donc uniquement la situation du marché des devises en Allemagne qui est l’objet de la Conférence. Le Gouvernement du Reich n’était pas non plus représenté.
Schacht fait l’historique de la crise de crédit en Allemagne et il accuse le règlement des réparations d’être la cause essentielle de la présente situation6. Celle-ci a été aggravée par le protectionnisme douanier; l’Allemagne ne pouvait s’acquitter qu’en marchandises et tous les marchés étrangers se sont plus ou moins fermés aux exportations allemandes. L’excédent du commerce extérieur, qui seul assurait les prestations financières, a été en diminuant. Des 20 milliards de marks de crédit obtenus par l’Allemagne, 10 auraient été employés au paiement des réparations. En même temps, l’Allemagne a été contrainte, par cet apport de devises et par la politique commerciale des prêteurs, à se laisser inonder de produits étrangers. On sait le reste: la crise américaine, qui a provoqué un premier retrait de fonds d’Allemagne, l’affaire de la Kreditanstalt7, le «run» sur les banques, la suspension des apports de nouveaux crédits ou d’argent frais, la fuite des capitaux, etc. La wirtschaft8 »
a dû être introduite. Malgré la sévérité du contrôle et une balance commerciale assez fortement active, l’encaisse de la Reichsbank a été réduite de 3 milliards à 300 millions. Il n’est pas possible de tomber au-dessous de ce chiffre sans provoquer une nouvelle catastrophe monétaire. Cette réserve doit demeurer intangible et même elle doit être accrue de I1/2 milliard. La Reichsbank prend déjà toutes les mesures propres à renforcer son encaisse. En résumé, Schacht ne fait aucune proposition et ne formule aucune demande; il en attend de la part des créanciers mis en présence de la situation du pays.
M. Jöhr expose comment la conférence a poursuivi ses travaux. Des conversations ont eu lieu au sein des différents groupes de représentants liés par un intérêt commun: créanciers à court terme (Stillhaltegläubiger), créanciers à long terme (obligataires, etc.) et des délégations nationales. M. Schacht s’est mis à disposition de chaque commission ou délégation pour répondre à leurs demandes. Il a fait distribuer un «blaues Heft» confidentiel, qui établit la situation en devises de l’Allemagne. L’Allemagne a besoin pour les 12 prochains mois (juin 1933 à juin 1934) d’environ 1.400 millions de devises pour faire face à ses paiements. Une économie d’environ 100 millions sera réalisée grâce à la baisse du dollar et à supposer que la dépréciation actuelle se maintienne (15%). 300 millions sont nécessaires pour les amortissements et remboursements et un milliard pour les intérêts des capitaux. Si on suspendait les amortissements, l’Allemagne pourrait peut-être faire face à ses autres engagements à supposer que l’excédent de son commerce extérieur se maintienne au niveau des premiers mois de l’année 1933, que la Russie paye, etc. Mais, du côté allemand, aucune proposition n’a été faite dans ce sens. Le moratoire des transferts semble avoir été décidé9. De l’avis de la délégation suisse, des considérations non seulement économiques et financières, mais politiques aussi, dictent l’attitude de l’Allemagne. Schacht a déclaré aux Hollandais qu’il fallait à tout prix ranimer le commerce allemand. Le moratoire de transfert serait un moyen de faire abaisser les murailles douanières des clients de l’Allemagne et il fournirait à ce pays, au moment de la Conférence de Londres10, une arme égale à celle que Anglais et Américains se sont donnée en abandonnant le «Goldstandard».
Ces «dessous» ont compliqué la situation à Berlin, car Schacht ne s’est pas laissé ébranler par les arguments des délégués qui n’ont pas manqué d’invoquer les mesures de rétorsion ou de défense que pourraient prendre les pays lésés.
L’attitude de la délégation suisse a été la suivante: elle a fait valoir les bonnes relations de voisinage, la confiance que la banque et le public suisses n’ont cessé de témoigner à l’Allemagne et à son crédit. Elle a relevé le fait que le grand public suisse est bien davantage intéressé, - par les emprunts, hypothèques, etc., - que les banques elles-mêmes; que si ces dernières comprennent la situation et peuvent attendre, il n’en va pas de même du rentier; qu’on peut craindre un fort mouvement d’opinion, qui tentera de forcer la main à nos autorités et de leur faire prendre des mesures de représailles11. La délégation a surtout insisté sur la forte passivité de notre balance commerciale, dont l’existence connue de tous engagera les créanciers et porteurs suisses à réclamer la saisie ou l’utilisation en leur faveur (clearing). Schacht a rétorqué que le commerce extérieur de l’Allemagne ne devait subir aucune atteinte, car il est la seule source importante de devises et la seule garantie réelle des créanciers étrangers. L’intérêt de tous les créanciers est identique et solidaire sur ce point. Les mesures individuelles que prendrait un Etat seraient imitées ailleurs. Or tous les pays, sauf les Etats-Unis (matières premières), achètent plus à l’Allemagne qu’ils ne lui vendent. Schacht a donc fait appel à l’esprit de compréhension et de conciliation de la Suisse. Il doute de l’utilité d’un accord de clearing qui ne tarderait pas à conduire à une impasse. Il n’a pas voulu s’engager non plus relativement à la concession de droits préférentiels ou d’une position privilégiée à un Etat déterminé. Au cours d’une séance subséquente, Schacht a constaté que les représentants des créanciers à long terme et à court terme, ainsi que des «Stillhaltegläubiger» n’ont pas d’instructions. Il a insisté sur le fait que les dettes demeurent intactes dans leur substance (capital et intérêts) et que seule la question du transfert est en jeu.
Un communiqué de la Reichsbank, destiné à l’information du public et reproduit par la presse à la fin de la conférence, a souligné le fait qu’aucune proposition n’a été formulée de part et d’autre et que les créanciers se sont convaincus des difficultés existantes et de la nécessité de consolider et d’augmenter par étapes les réserves de la Reichsbank. D’autre part, les représentants des créanciers à long terme ont constitué une commission permanente, qui restera en contact avec la Reichsbank, comme le sont déjà les créanciers à court terme par l’organe des «Stillhaltekomitee».
M. Jaberg résume ses impressions en déclarant que les délégués des différents groupes de créanciers ont été appelés essentiellement à Berlin pour donner une certaine résonance aux déclarations du président de la Reichsbank. C’est une véritable mise en scène destinée sans doute à faciliter la tâche des Allemands à Londres. Il croit néanmoins à la possibilité de négocier, une fois le moratoire intervenu.
Une conférence a réuni, le matin du même jour, la délégation suisse à la Banque nationale suisse. Il a été décidé à cette occasion:
a) de faire à la presse un communiqué dont la rédaction a été confiée à M. Jaberg;
b) d’ouvrir une enquête destinée à établir le montant des créances suisses sur l’Allemagne; cette enquête est devenue indispensable dès lors qu’un arrangement équitable ne semble pas pouvoir intervenir avec rAUemagne.
Samedi 10 juin, la délégation se rencontrera avec les Autorités fédérales12 et avisera aux mesures à prendre. Faudrait-il dénoncer notre traité de commerce avec l’Allemagne13 (dénonçable dans un mois environ) et nous servir de cette arme pour exiger l’attribution d’un contingent à fixer de devises réservées aux créances suisses? Pourrait-on faire jouer notre traité d’arbitrage14 et ouvrir ainsi une voie de recours contre la décision unilatérale de suspendre le transfert des paiements?*) On verra quel parti s’imposera après la conférence avec les Autorités fédérales.
M. Jöhr est sceptique quant à l’effet de mesures de rétorsion. Il estime qu’il faut tenir compte de l’état d’esprit particulier qui règne à Berlin. Il doute aussi que la Suisse ait intérêt à chercher à régler la question pour son seul compte et à rompre l’unité de front des créanciers qui s’est formée à Berlin et qui constitue déjà un certain succès. Une entente semble s’être créée surtout entre les délégations suisse et hollandaise. Les Britanniques auraient paru plutôt trop favorables aux thèses allemandes. M. Jöhr ne croit guère à l’utilité d’un clearing et insiste sur les expériences faites avec la Hongrie15. Ce qui importe le plus, pour l’instant, c’est d’effectuer un recensement complet de tous nos «Ansprüche».
Selon renseignements fournis au cours d’un échange de vues plus général, il ne paraîtrait pas, à s’en tenir aux déclarations de M. Schacht, que les fonds immobilisés en Allemagne ensuite d’un moratoire serviraient directement à des fins économiques intérieures, telles que financement de travaux publics, lutte contre le chômage, etc. Ils seraient tenus à disposition des créanciers et, selon les contingences, transférés par doses homéopathiques, sans doute.
Le comité aborde ensuite la question de son organisation, compte tenu des critiques dont il est l’objet et de certaines démarches de porteurs ou de leurs représentants (Wulfsohn dans la «Finanzrevue», démarche de la Banque Schoop16, etc.). Le comité doit tenir compte de la menace d’une «action séparée», d’une campagne de presse, etc. analogues à celles qui se sont produites par exemple pour certains emprunts balkaniques (emprunt serbe de 189517).Comme il existe déjà, avec des intérêts parallèles, un «Komitee für Goldhypotheken», on pourrait élargir les bases du Comité Allemagne et lui adjoindre: des représentants des créanciers à long terme (hypothécaires, porteurs, etc.), des compagnies d’assurances, des Finanzgesellschaften (Motor-Columbus, Elektrobank, etc.). On décide d’engager ces différentes catégories d’intéressés à se faire représenter. On renseignera les intéressés et on enverra des circulaires aux banques.
- 1
- E 2001 (C) 3/147.↩
- 2
- Procès-verbal non signé, daté du 7 juin 1933.↩
- 3
- Du Crédit suisse, Président du «Komitee Deutschland» de l'Association suisse des banquiers.↩
- 4
- Cf. no 277.↩
- 5
- Créances à court terme à l’égard de l’Allemagne. Depuis 1931, les capitaux étrangers investis à court terme en Allemagne avaient été immobilisés dans le but de sauver la monnaie allemande. Cf. no 94, n. 2.↩
- 7
- Le 11 mai 1931 cette grande banque viennoise avait été mise en faillite.↩
- 8
- Les premières ordonnances du Gouvernement Brüning sur le contrôle des devises et contre l’exportation des capitaux datent de juillet 1931. Cf. no 93. L’année suivante, les différentes dispositions existantes sont groupées dans une nouvelle ordonnance édictée le 23 mai.↩
- 9
- La loi instituant le moratoire des transferts date du 9 juin 1933 et n’entrera en vigueur que le, er juillet suivant.↩
- 10
- Cf. no 289.↩
- 12
- Remarque de Motta dans la marge: avec quelles autorités fédérales? 11.6.33 Une conférence entre Schulthess, Motta et Jöhr aura lieu le 19 juin suivant. Cf. compte-rendu de la rencontre in E 7110 1/45.↩
- 13
- La convention de commerce avec l’Allemagne datait du 5 novembre 1932 et était entrée en vigueur provisoirement le 17 novembre suivant.↩
- 14
- Traité d’arbitrage et de conciliation avec l’Allemagne, conclu le 3 décembre 1921 et ratifié le 7 avril 1922 (RO, 1922, vol. 38, pp. 349-360). *) Que donnerait enfin un accord de compensation?↩
- 15
- Cf. dans le présent volume les documents consacrés à la négociation d’un clearing avec ce pays.↩
- 16
- La banque Schoop, Reiff & Co de Zurich avait accusé la délégation suisse à la conférence de Berlin du 26 mai (cf. no 277) d’être composée uniquement de représentants des grandes banques. Elle avait mis en doute la représentativité du «Komitee Deutschland» de l’Association suisse des banquiers et avait entrepris de rassembler les rentiers, obligataires, etc., possédant des créances à l’égard de l’Allemagne. Cf. la lettre de cette banque au Département politique du 29 mai 1933 (E 2001 (C) 3/147). Cf. aussi no 289.↩
- 17
- Sur cet emprunt cf. les dossiers E 2001 (C) 3/174 et E 2001 (C) 4/175.↩
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German Realm (Economy)
Swiss Franc devaluation of 1936 and international abandonment of the gold standard