Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
5. Chili
5.2. Transformation du Consulat suisse à Santiago en Légation
Pubblicato in
Documenti Diplomatici Svizzeri, vol. 10, doc. 248
volume linkBern 1982
Dettagli… |▼▶Collocazione
Archivio | Archivio federale svizzero, Berna | |
▼ ▶ Segnatura | CH-BAR#E2001C#1000/1532#289* | |
Vecchia segnatura | CH-BAR E 2001(C)1000/1532 14 | |
Titolo dossier | Errichtung einer Gesandtschaft an der Pazifischen Küste (1925–1933) | |
Riferimento archivio | B.21.14 • Componente aggiuntiva: Chile |
dodis.ch/45790 Le Ministre de Suisse à Buenos-Aires, E. Traversini, à la Division des Affaires étrangères du Département politique1
J’ai eu l’honneur de recevoir votre lettre du 6 janvier dernier2, par laquelle vous avez bien voulu me faire savoir que vous aviez renoncé à conférer à M. de Moras, vice-consul à Santiago, le titre d’Attaché de Légation et que le seul projet à retenir serait, à vos yeux, celui qui transformerait le poste en une Légation dont la direction serait confiée à un Chargé d’Affaires dépendant du Chef de Mission en résidence à Buenos Aires.
De retour du Chili depuis quelques jours, je m’empresse de porter à votre connaissance que je suis entièrement de cet avis.
L’octroi du titre d’Attaché de Légation à M. de Moras m’avait fait l’effet d’une solution de fortune, attaquable pour de multiples raisons qu’il est inutile d’énumérer et qui vous ont sans doute amené, après coup, à y renoncer.
Votre changement d’attitude, que j’ai pu communiquer aux intéressés avant mon départ de Santiago, ne leur a causé nulle peine, pas plus à M. de Moras, qui n’avait mis aucun amour-propre dans cette affaire, qu’à M. Küpfer3 qui, poussant fort loin l’altruisme, n’avait voulu soulever aucune objection contre la situation spéciale, dans certaines circonstances supérieure à la sienne, qui allait être faite à son collaborateur et subordonné.
Les choses rentrent ainsi dans l’ordre. M. de Moras, cet agent capable, actif et dévoué, reste vice-consul, sans qu’on ajoute à cette qualité le titre inopérant d’Attaché de Légation, et l’avancement auquel il pourra légitimement prétendre un jour devrait, à mon avis, le hausser dans la hiérarchie consulaire plutôt qu’en dehors de celle-ci.
Et j’en viens à la nomination d’un Chargé d’Affaires.
Elle me paraît s’imposer si nous voulons qu’une action diplomatique suisse se fasse sentir au Chili, et je déduis de la petite modification qu’il fut question d’apporter au statut de M. de Moras que vous aviez, avant moi, tranché la question par l’affirmative. Il suffit, pour partager votre opinion, de penser aux intérêts considérables que nous avons dans ce pays et aux difficultés que rencontre leur sauvegarde.
Vous trouverez, dans une lettre de mon prédécesseur, du 26 janvier 1926, l’exposé d’une enquête faite sur l’opportunité, pour notre pays, d’avoir une Légation sur le Pacifique et vous verrez qu’à cette époque déjà le Consulat Général de Santiago se prononçait catégoriquement pour la transformation du poste en une Légation. Les statistiques de l’enquête ont perdu, naturellement, tout intérêt, mais je ne crois pas que notre décision doive dépendre de chiffres que les circonstances spéciales dans lesquelles nous vivons privent de leur véritable signification. Les échanges commerciaux ne donnent, en effet, pas, aujourd’hui, une image exacte de ce qu’ils furent avant la crise, pas plus qu’ils ne permettent de prévoir avec quelque précision ce qu’ils vont devenir et il serait aventuré de tirer d’une stagnation, qui pourrait n’être qu’accidentelle, des conclusions définitivement négatives. Ce qu’il convient plutôt de relever, c’est l’importance des capitaux suisses engagés, sous une forme ou sous une autre, au Chili, et la nécessité de suivre, par tous les moyens possibles, les événements politiques et économiques qui pourraient en affecter le sort. Qu’un agent diplomatique soit mieux qu’un Consul en mesure d’exercer semblable mission, cela n’est pas douteux.
Bien qu’il apporte à sa tâche tout le zèle désirable, notre Consulat Général à Santiago se voit, de par sa nature même, privé de sources d’information essentielles. Parce que consuls, nos agents n’arrivent qu’avec peine à s’assurer des entrées, et toujours par la petite porte, au Ministère des Affaires Etrangères et dans les missions diplomatiques. Cela est tout particulièrement regrettable à une époque où, même dans les pays restés fidèles, en principe, à la liberté des transactions commerciales, l’Etat n’a pu se dispenser de les soumettre à une réglementation souvent compliquée, à chaque instant modifiée, suivant les nécessités mouvantes dictées par les événements les plus divers et les plus inattendus. D’où l’importance d’un accès direct et facile auprès des organes gouvernementaux. Des négociations internationales, d’autre part, se nouent et se poursuivent presque chaque jour, qui rendent précieuses, pour ne pas dire indispensables, les relations avec le corps diplomatique.
Le Chili traverse actuellement une des périodes les plus pénibles de son existence et de sombres pronostics se font entendre sur l’avenir du pays. Il est certain qu’il faudra du temps pour que le salpêtre et le cuivre retrouvent tout ou partie des vertus lucratives qui ont fait la fortune de deux ou trois générations d’hommes. Mais qui peut dire avec certitude qu’il ne s’agit pas, malgré tout, d’une éclipse, que c’est fini? Il ne manque pas non plus de gens qui croient que le pays reverra, dans ses mines, une source de revenus qui, bien qu’amoindris, seraient encore considérables, et le Chili contient toute une région agricole, dont on pourra augmenter beaucoup le rendement, riche en bétail, en forêts, en vignes et en céréales. Plus sagement administré que ce ne fut le cas jusqu’à présent, et il n’est pas impossible que l’adversité l’instruise, ce pays devrait encore jouer un rôle dans les échanges internationaux et avoir, par conséquent, avec le nôtre des points de contact suffisants pour justifier la présence d’un représentant du Conseil fédéral ou, au moins, du Département Politique sur les bords du Mapocho. En admettant même qu’il soit raisonnable de partager l’avis des pessimistes, je pense qu’un agent diplomatique serait indiqué pour liquider, tant bien que mal, le passé, vous renseigner sur le présent et, par là, préparer l’avenir.
Votre Légation à Buenos Aires n’est, à cet égard, d’aucune utilité, puisque le contact personnel lui fait totalement défaut. Les séjours que votre ministre peut faire à Santiago, séjours brefs et rares de par la force des choses, sont sans efficacité. Séjours de courtoisie, qui permettent à peine de lier connaissance, d’échanger des propos vagues, de recueillir des impressions, s’ils font plaisir à une colonie avide de prestige, ils n’ont rien de l’action soutenue que, seule, la résidence habituelle met en mesure de développer. Il m’est arrivé, même, de me demander si ces fuyantes apparitions de plénipotentiaires de passage n’éveillaient pas, chez le ministre auquel on rend ainsi une visite sans lendemain, l’idée d’une comparaison désagréable entre le pays auquel on accorde les honneurs du domicile et celui que l’on traite par des excursions bisannuelles.
Au surplus, le voyage de Buenos Aires à Santiago n’est pas une petite affaire. Il prend deux jours par les Andes, cinq jours par le Sud, et quand je dis qu’il prend deux jours par les Andes, il faut s’entendre. D’abord, le train ne marche qu’une fois par semaine et si, comme le cas s’est présenté, cet été, à plusieurs reprises, des orages ont grondé sur la Cordillère, entraînant des éboulements, on est obligé d’attendre, pour faire circuler le convoi, que les choses aient été remises en état. Cela peut durer des semaines ou des mois. Et s’il y a brouille entre l’Argentine et le Chili, on se ferme la porte au nez en interrompant la voie de communication transandine. Quand je suis arrivé ici, la Cordillère était rouverte depuis quelques semaines, après une cessation de service qui avait duré sept mois, parce qu’on n’était pas d’accord sur certaines questions douanières.
La voie du Sud, plus sûre, plus belle en partie, est plus longue encore, je vous l’ai dit. On commence par 48 heures de train, puis viennent le bateau, l’auto, le cheval, le bateau encore, de nouveau l’auto et 24 heures de train pour finir. Tout cela, forcément, soumis à bien des aléas.
D’un côté, donc, c’est Stockholm-Rome, quand il y a moyen de passer, à 4000 m. d’altitude, de l’autre c’est Paris-NewYork, si tout va bien.
Un Chargé d’Affaires à Santiago n’augmenterait pas beaucoup les frais actuels du poste, puisque son arrivée entraînerait automatiquement le départ de l’Attaché consulaire. Il ne faudrait pas attendre de lui des miracles, mais nous serions plus tranquilles, ayant le sentiment d’avoir fait ce qu’il était possible de faire pour nous défendre et tenté de sauver ce qui pouvait être sauvé, tout en observant de plus près des événements où se joue souvent l’existence même d’exportateurs que nous devons soutenir de toutes nos forces. Le Gouvernement chilien serait sensible à ce qu’il estimerait être une marque de considération et nous comblerions les vœux d’une colonie pleine de vitalité et animée du meilleur esprit.
J’ajoute que le climat de Santiago est un des plus agréables qui soient. Il diffère donc beaucoup de celui de Buenos Aires4.
- 1
- Lettre: 2001 (C)2/14. Paraphe: XH.↩
- 2
- Non reproduit.↩
- 4
- Le 28 avril 1933, le Département politique répondait à Traversini: [...] Les arguments que vous faites valoir dans ce sens [transformation du Consulat général de Santiago en Légation ]n’ont pas laissé de nous confirmer dans notre manière de voir à ce sujet, laquelle ne diffère pas de la vôtre. Malheureusement, des raisons budgétaires, d’une part, les nombreuses et utiles relations que M. Küpfer, consul général, posséderait au Chili, d’autre part, nous paraissent rendre inopportune pour le moment la transformation envisagée. Le poste étant pourvu actuellement de personnel qualifié en suffisance, il n’y aura pas d’inconvénients sérieux, pensons-nous à ce que le statu quo soit maintenu quelque temps encore. [...] (E 2001 (C) 2/14). Le Consulat de Suisse à Santiago ne sera élevé au rang de Légation qu’en 1944.↩
Tags