Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
11. France
11.5. Affaire des zones
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 10, doc. 236
volume linkBern 1982
more… |▼▶Repository
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E1004.1#1000/9#12833* | |
Dossier title | Beschlussprotokoll(-e) 26.01.-27.01.1933 (1933–1933) |
dodis.ch/45778
CONSEIL FÉDÉRAL
Procès-verbal de la séance du 27 janvier 19331
148. Affaire des zones
Procès-verbal de la séance du 27 janvier 19331
(Voir procès-verbal de la séance du 30 décembre)2
[...]3 M. le chef du département politique expose que le but de la France est de démontrer que la stricte application de la sentence de La Haye mène à l’absurde. C’est pourquoi le gouvernement français dit, dans sa note4, qu’il reculera le cordon douanier sans égard aux questions que soulève cette opération; c’est pourquoi aussi il n’admet aucune conversation au sujet du cordon fiscal, et refuse ainsi de discuter ce qui est droit fiscal et ce qui est droit de douane. Cette réponse qui est en tous points conforme aux idées exposées maintes fois par l’ambassadeur de France à Berne, réduit à néant les espoirs que l’on pouvait fonder sur les démarches instantes faites à Paris par M. Dunant5. Si le département politique propose néanmoins de revenir à la charge, c’est afin d’attester, avec motifs à l’appui, la bonne volonté de la Suisse et de montrer l’intérêt de l’échange de vues proposé.
En ce qui concerne la portée des engagements pris au cours du procès de La Haye, le département de l’économie publique avait cru possible de soutenir que les déclarations faites par nos agents à La Haye au sujet de l’octroi d’un régime plus libéral et plus stable aux importations des zones s’appliquaient seulement au cas où la France aurait supprimé son cordon fiscal. La question a été soumise à MM. Logoz6 et Burckhardt7 qui tous deux concluent dans un sens contraire, affirmant qu’au vu de l’arrêt de la cour une telle opinion ne saurait être défendue sans exposer l’honneur de la Confédération. M. Motta déclare partager entièrement cette opinion.
Les services intéressés devront donc préparer des propositions qui indiquent les facilités que la Suisse consent dans les limites du principe susmentionné. M. Motta a déjà réuni les représentants de l’agriculture et leur a montré qu’ils seront obligés finalement de faire les frais du rejet de la convention de 19218. C’est, en effet, aux dépens de l’agriculture que sera institué le régime plus stable et plus libéral que par le passé, autrement dit qu’avant 1919. Les représentants de l’agriculture ont demandé alors qu’en aucun cas le territoire des zones ne fût augmenté, et M. Motta s’est déclaré d’accord sur ce point9.
Jusqu’ici, il n’a pas consulté les gouvernements cantonaux intéressés, les questions qui sont traitées dans le projet de mémorandum10 étant de la compétence exclusive du Conseil fédéral. Mais, ainsi qu’il l’a déjà déclaré, il les entendra lorsqu’il s’agira d’établir la liste des concessions que nous sommes disposés à faire aux zoniens.
M. le président11 rappelle que les déclarations sur lesquelles se fondent MM. Logoz et Burckhardt ont été faites à l’encontre des conseils et des propositions du département de l’économie publique. Dans un mémoire d’octobre 193212, ce département a exposé les considérations qui, à son avis, permettaient d’interpréter lesdites déclarations de manière qu’elles ne nous obligent pas de laisser entrer les produits des zones dans des quantités qui portent atteinte aux intérêts de notre agriculture. MM. Logoz et Burckhardt, pas plus que le chef du département politique, n’admettent cette interprétation restrictive. Comme ce sont eux-mêmes qui les ont faites, le département ne croit pas devoir insister. Mais il constate que si, après avoir gagné le procès en droit, nous sommes en voie de le perdre en fait, nous le devons à ces déclarations et à l’insistance avec laquelle M. Logoz a réclamé le droit de les faire.
Quant à l’envoi du mémorandum proposé, il y voit de très sérieuses objections.
M. le chef du département des postes et des chemins de fer constate que nous en sommes exactement au même point qu’en 1921. Nous avons gagné notre procès à La Haye, mais tout est à recommencer. Il est même probable, d’après un passage de la réponse française13, que le gouvernement français recourra à la procédure d’experts au sujet des facilités que nous nous proposons d’accorder aux produits des zones, en sorte que nous aurons à soutenir un deuxième procès, portant sur les questions économiques. Ce fut une grave erreur de ne pas tomber d’accord sur un régime qui aurait fait disparaître les zones juridiquement parlant et les aurait laissées subsister dans le domaine économique. Mais cette erreur fut celle du peuple14, et il est inutile de récriminer. Aujourd’hui, la France attend de la Suisse le rachat des zones qui lui ont été imposées par la cour de La Haye. Il faut que ce prix soit aussi bas que possible. Nous exécuterons nos engagements, mais sans dépasser les limites des concessions auxquelles nous sommes strictement tenus. En ce qui concerne la stabilité de ce régime, il n’y a aucune difficulté: c’est la permanence avec possibilité de révision. Quant au régime plus libéral, il est plus difficile à déterminer, parce qu’il ne s’agit pas seulement de quantités. Nous pourrons, en effet, faire valoir devant un tribunal arbitral: 1° qu’en 1914, nous pouvions, en cas d’abus, dénoncer les conventions par lesquelles nous avions accordé des facilités d’importation aux produits des zones; 2° que le régime des petites zones faisait un tout avec celui des grandes zones, aujourd’hui disparues.
M. Pilet-Golaz est donc d’accord que des sacrifices sont nécessaires, mais il se demande s’il faut encore négocier auparavant, comme le propose le département politique. Sans doute M. Motta veut-il établir que nous avons fait l’impossible pour arriver à un accord, mais il considère lui-même qu’il n’a aucune chance d’aboutir. Ne vaudrait-il pas mieux, avant toute nouvelle démarche, établir entre nous le minimum des concessions que nous voulons accorder à la France et faire ainsi la clarté sur le régime en question? Il est indubitable qu’un mécontentement sérieux se manifeste dans le canton de Vaud, et M. Pilet-Golaz n’arrive plus à contenir certaines exigences15. La résolution de l’association romande d’agriculture, votée il y a quelques jours, est une manifestation contenue de ces sentiments. On fait remarquer qu’il ne s’agit plus aujourd’hui de l’échange de produits entre les zones et Genève, mais entre les zones et toute la Suisse, en particulier avec le canton de Vaud, qui a, dans cette affaire, de gros intérêts touchant à la viticulture, à la production laitière, maraîchère, etc. Dans ces conditions, il paraît indiqué avant toute nouvelle démarche à Paris de consulter les gouvernements vaudois et valaisan. Si le conseil n’entrait pas dans ces vues, M. Pilet-Golaz demanderait l’autorisation de mettre officieusement le gouvernement vaudois au courant de la situation.
En tous cas, si le conseil décidait l’envoi d’un mémorandum, M. Pilet-Golaz demanderait la suppression du passage relatif aux facilités de circulation. Outre que cette question dépasse notablement le cadre des zones, puisque la faible largeur de ces dernières les rend absolument impropres à satisfaire aux besoins de la circulation automobile, il est à craindre que si nous la lions à celle des zones on nous fasse payer trop cher les concessions qui nous seraient accordées.
M.le chef du département politique n’attache pas une grande importance à cette question de la circulation et il renonce à la soulever. Il avait l’intention d’envoyer le texte du mémorandum aux gouvernements des trois cantons directement intéressés et de les inviter à se préparer en vue de l’établissement d’un projet minimum. Mais pour cela il doit savoir si le conseil est d’accord sur l’interprétation à donner au terme de «régime plus libéral». En ce qui concerne le gouvernement vaudois, il ne voit aucune objection à ce que M. Pilet-Golaz le mette au courant de la situation, la discrétion nécessaire lui paraissant absolument garantie.
M. le président est d’accord avec M. Pilet-Golaz qu’avant toute décision sur le mémorandum, la liste des facilités que nous voulons accorder à la France soit établie après entente avec les intéressés. En ce qui concerne l’interprétation du terme de «régime plus libéral», il faut savoir si l’on entend le régime de droit ou le régime de fait. (M. Motta déclare qu’il s’agit du premier). La question est d’importance, car sur plusieurs points nous avons abandonné, dans la pratique, des garanties qui sont contenues dans les conventions. Ainsi le lait qui, aux termes de ces dernières, n’est admis en franchise que s’il est porté ou conduit en Suisse par les vendeurs eux-mêmes et par quantités de 5 quintaux au plus s’importe actuellement dans des automobiles où est recueillie la production de localités tout entières. D’autre part, les importations de plusieurs articles sont loin d’atteindre en fait les quantités autorisées par les conventions.
A la suite de la discussion, à laquelle prennent part tous les membres du conseil, M. le président constate:
1° que, le département de l’économie publique ayant renoncé à combattre l’interprétation donnée par les experts au terme de «régime plus libéral», cette interprétation est admise sans opposition par le conseil;
2° que le conseil est d’accord - M. le chef du département politique se ralliant lui-même à cet avis - qu’avant de se prononcer sur l’envoi du mémorandum il faudra, après avoir consulté les gouvernements cantonaux et les autres intéressés, établir la liste des facilités qui seront faites aux importations de produits des zones.
- 1
- E 1004 1/338.↩
- 2
- Non reproduit (E 1004 1/337).↩
- 3
- Le 5 janvier 1933, la Suisse a proposé à la France un échange de vues sur la question des zones. Paris a répondu le 17 janvier.↩
- 4
- Non reproduit. Cf. no 229.↩
- 6
- Agent de la Confédération dans l'affaire des zones.↩
- 7
- Expert juridique dans l’affaire des zones.↩
- 8
- Convention entre la Suisse et la France réglant les relations de commerce et de bon voisinage entre les anciennes zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex et les cantons suisses limitrophes du 7 août 1921 (FF, 1921, IV, pp.575ss.).↩
- 9
- Audience accordée par le Chef du Département politique aux représentants des organisations agricoles le 13 janvier 1933 (E 2, Archiv-Nr. 1730).↩
- 11
- E. Schulthess.↩
- 12
- Cf. no 208.↩
- 13
- Note du 17 janvier 1933, non reproduite.↩
- 14
- Allusion au referendum populaire qui aboutit le 17 février 1923 au rejet de la convention franco-suisse du 7 août 1921.↩
- 15
- M. Pilet-Golaz est vaudois.↩