Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
22. Turquie
22.1. Traité de commerce et clearing
Abgedruckt in
Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 10, Dok. 43
volume linkBern 1982
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Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
▼ ▶ Signatur | CH-BAR#E7110-02#1000/1065#506* | |
Alte Signatur | CH-BAR E 7110-02(-)1000/1065 124 | |
Dossiertitel | Légation de Suisse à Istanbul (1929–1930) | |
Aktenzeichen Archiv | 8.2.1 • Zusatzkomponente: Türkei |
dodis.ch/45585
Commission pour la négociation des Traités de commerce Procès-verbal de la séance du 24 octobre 19301
Sont présents: M. le Directeur W. Stucki, M. le Professeur E. Laur, M. le Conseiller national E. Wetter, M. le Directeur général A. Gassmann.
M. le Directeur Stucki expose que notre Ministre en Turquie, ayant achevé, abstraction faite d’un point encore en suspens, les négociations relatives à la partie générale de notre accord commercial avec ce Pays, vient de lui transmettre un rapport2 concernant la discussion des stipulations tarifaires. Il ressort de ce rapport que nous n’avons pour ainsi dire rien à espérer de la Turquie en ce qui concerne les abattements que nous avions demandés dans notre liste. Le négociateur suisse a tout mis en œuvre, a fait valoir tous les arguments sur lesquels il pouvait se baser, mais la Délégation turque n’a pas abandonné son attitude nettement négative. Il s’agit donc de décider si, en dépit de ce résultat, on veut charger notre Ministre de continuer à négocier, ou bien si l’on renonce à un traité à tarif, pour se contenter d’une convention reposant simplement sur la clause de la nation la plus favorisée.
En examinant les réponses turques à nos demandes, on constate:
1. que pour le lait condensé (ex 23) il faudrait se contenter du droit actuel;
2. que sur le droit de 100 ltq. concernant le fromage (ex 24), la Turquie nous accorderait un abattement de 5%, sous réserve d’une réduction de la part de la Suisse sur la sorte de tabac turc dénommé «Taçova». Or, la Direction Générale des Douanes a déjà fait part à la Division du Commerce, de l’impossibilité de déférer au désir de la Turquie. D’autre part, cet Etat soumet l’octroi d’un abattement sur le fromage à une concession sur les tabacs. La Direction Générale des Douanes maintient-elle son point de vue?
M. Gassmannrappelle les lettres qu’il a transmises à cet égard à la Division du Commerce, les 12 mars, 28 avril et 30 mai derniers3. Les tabacs constituent une matière fiscale tellement importante pour la Suisse, qu’il faut absolument écarter à son égard toute idée de réduction ou de consolidation, ainsi que le Conseil Fédéral l’a déclaré lui-même dans sa séance du 11 février 1927, en affirmant que le tabac, ne fût-ce qu’à cause de la nouvelle réglementation, ne saurait pas faire l’objet d’une consolidation. La Direction Générale a examiné le résultat qu’aurait pour nous une concession sur les tabacs, qu’il faudrait étendre à d’autres pays et est arrivée à la conclusion que nous devions sauvegarder dans ce domaine une liberté d’action absolue. [...]
On sait, d’autre part, que le Conseil des Etats a déjà accepté la nouvelle loi sur l’imposition du tabac. L’affectation à l’assurance-vieillesse, invalidité et survivants du produit de l’imposition du tabac a déjà été décidée, de sorte que le tabac, devenu la base financière de cette entreprise sociale, ne tolère plus d’être l’objet de consolidations. C’est dans ce sens que M. Gassmann a eu à répondre il y a peu de jours au mandataire de la Légation d’Italie, venu pour discuter avec lui la possibilité d’obtenir en faveur de son pays quelques avantages sur l’exportation des tabacs en Suisse.
D’autre part, si l’on considère que l’abattement offert par la Turquie en compensation d’une réduction éventuelle sur les tabacs, n’est que de 5% sur un droit énorme, M. Gassmann estime que ce ne fût qu’à cause de l’importance du tabac dans le domaine de l’œuvre des assurances sociales, on ne saurait songer à faire droit à la demande turque.
M. Stuckiinforme la Commission du fait qu’un exposé spécial relatif à toute cette question et contenant les arguments développés par M. Gassmann a été remis en son temps à M. Martin, avec autorisation de le soumettre aux négociateurs turcs, pour les convaincre à l’égard de la légitimité de notre attitude dans ce domaine du tabac. En dépit de cette précaution, la Délégation turque n’a pas cédé. M. Stucki lit, en effet, les passages de l’exposé de M. Martin, se rapportant à ses discussions sur la question du tabac et aux objections soulevées par la dite Délégation au sujet du fait que l’«Argos»4 figure dans le tarif même, alors que la Suisse prétend ne pouvoir faire aucune concession en faveur des tabacs d’Orient5.
M. Gassmannaffirme qu’après tout, le terme de «Argos» pourrait être effacé du tarif douanier, si cela était nécessaire, attendu que la note secrète du 29 novembre 19266 règle à elle seule la question de l’importation des tabacs grecs en Suisse.
M. Stuckifait observer que, d’après le rapport de M. Martin, les Turcs ne céderont pas sur ce point. Par conséquent, la Commission doit examiner la solution à prendre: à part cette réduction de 5% et un abattement de 15% sur les articles de tricotage en coton (dont on parlera par la suite), que nous pourrions obtenir par des concessions sur le tabac et sur la soie grège, les autres pourcentages de réduction nous les aurions moyennant un simple traité reposant sur la clause de la nation la plus favorisée.
M. Laurestime que cette réduction de 5% ne joue aucun rôle quant à notre exportation de fromage en Turquie. Il ne vaudrait pas la peine de faire un traité à tarif pour un abattement de 5%. Le Syndicat suisse des Paysans a été de l’avis - dès le commencement - qu’il était opportun de ne conclure avec la Turquie qu’un traité fondé sur la «Meistbegünstigungsklausel». Les petits Etats doivent se méfier des traités à tarifs, car ils doivent beaucoup donner pour la conclusion de semblables accords et, dans la règle, ils ne reçoivent rien. L’exportateur suisse doit pouvoir payer en Turquie les droits que paient les commerçants des autres Etats. En tout cas, sur les bases actuellement offertes par la Turquie il ne faudrait certainement pas signer un traité avec stipulations tarifaires.
M. Stuckiprend note à toutes fins utiles, que l’agriculture n’attache aucun prix à cet abattement de 5% sur le fromage.
M. Wetteraffirme que la Suisse se trouve dans une condition telle qu’elle doit faire tous les efforts possibles pour venir en aide à son commerce et à son industrie. Elle ne peut donc négliger aujourd’hui aucun marché, si petit soit-il. Cependant, il estime aussi que la Turquie nous offre réellement trop peu pour qu’il vaille la peine de réexaminer ici la question du tabac, à l’égard de laquelle, toutefois, il ne peut pas partager d’une façon aussi absolue, le point de vue de la Direction des douanes. Pour lui, la réglementation actuelle de l’imposition du tabac n’est pas un dogme, mais - comme déjà dit - il ne croit pas qu’il soit utile de revenir ici sur cette question. Il expose ensuite qu’il n’était pas à sa connaissance que la Suisse était liée avec la Grèce par une note secrète, quant au tabac et voudrait recevoir des explications à ce sujet. Il attacherait du prix à être en outre en possession d’une copie du rapport actuellement à l’examen, de notre Ministre en Turquie, ainsi que de l’exposé que nous avons fait parvenir à ce dernier sur l’imposition du tabac en Suisse.
M. Stuckidonnera les ordres nécessaires pour que copie du rapport de M. Martin soit communiquée aux trois membres présents de la Commission pour la négociation des Traités de commerce. MM. Laur et Wetter recevront aussi copie de l’exposé précité sur les tabacs. Il affirme ensuite que la note secrète précitée, du 29 novembre 1926, a eu pour but de donner un apaisement (justifié d’ailleurs, le tabac représentant le 40% des importations grecques en Suisse) au Gouvernement grec qui, en l’absence des assurances contenues dans ladite note, aurait refusé de signer la Convention de commerce. Cette note n’a naturellement pas été communiquée aux membres de la Commission pour la négociation des traités de commerce, qui ne sont pas les négociateurs immédiats et directs. Le Directeur de la Division du commerce poursuit ensuite la lecture du rapport de M. Martin, concernant les réponses turques à chacune de nos demandes et termine cette lecture en faisant remarquer que parmi les offres turques, il n’y a de réellement positif que: 1° le pourcentage de réduction sur le fromage, déjà discuté, et 2° un abattement éventuel de 15% sur le taux de la position ex 395 (articles de tricotage en coton) sous réserve de la réduction de notre part, du taux sur la soie grège, de 2 fr. à 1 fr. (pos.436). Tous les autres pourcentages de réduction figurent déjà à la liste B du traité turco-français7, ou de la convention turco-allemande8.
Répondant à M. Wetter au sujet de la soie grège, M. Stucki remarque que - d’après les statistiques - l’importation de soie grège en provenance de Turquie est presque nulle: en 1927: importation totale: 54655000fr., de la Turquie: 119000fr.; en 1928: importation totale: 42389000fr., de la Turquie: rien; en 1929: importation totale: 30 160000 fr., de la Turquie rien.
M. Wettercroit, dans ces conditions, qu’il serait illogique d’octroyer à la Turquie une réduction sur une position qui l’intéresse si peu et qui est importante pour nous vis-à-vis d’autres Etats.
M. Stuckilit la liste des demandes turques et observe que nous avons pour ainsi dire les mains liées, le droit sur les tapis ne pouvant guère être touché (consolidé en faveur de la Grèce), le droit sur l’opium non plus (pour des raisons d’ordre intérieur) etc. Il s’agit donc de décider si l’on veut conclure un traité avec les deux abattements précités, ou renoncer. M. Stucki, tout en étant parfaitement d’accord avec M. Wetter, quant à la nécessité de ne négliger aucun marché même le plus petit, à l’effet d’aider le commerce et l’industrie de notre pays à surmonter la crise actuelle, croit cependant que les offres turques sont réellement insuffisantes pour justifier un traité à tarif.
M. Wetterpartage également cette opinion et estime que des consolidations demeureraient pour ainsi dire sans effet pour notre exportation, vu les droits fantastiques du tarif turc.
M. Stuckiprend dès lors note de ce que la Commission juge que, vu les circonstances décrites ci-dessus, il y a lieu: 1. de renoncer à conclure avec la Turquie un traité à tarif, et 2. de proposer au Conseil Fédéral de donner de nouvelles instructions à M. Martin pour la conclusion avec la Turquie d’un traité reposant simplement sur la clause de la nation la plus favorisée9
. [...]
- 1
- E 7110 1/124. Rédigé vraisemblablement par M. Fumasoli, de la Division du Commerce du Département de l’Economie publique.↩
- 2
- Daté du 12 octobre 1930. Non reproduit.↩
- 3
- Non reproduit.↩
- 4
- Tabac grec.↩
- 5
- Cf. lettre du Ministre Martin du 12 octobre 1930: [...] Une longue et pénible discussion s’engagea sur la question des tabacs, après la lecture de la déclaration suisse. Tous persistèrent à dire que la Turquie était traitée moins favorablement que la Grèce, puisque l’Argos était désigné en toutes lettres dans notre tarif. [...] «Pourquoi, dit la Commission, l’Argos figure-t-il dans le tarif, puisque vous nous déclarez constamment que la Suisse refuse à tous les autres pays de se laisser aller à la moindre négociation sur les tabacs. Elle a bien dû le faire avec la Grèce, et n’est-ce pas là une discrimination contre la Turquie?». Que de fois, au cours de ces discussions désagréables, pendant lesquelles il fallait fortement se dominer pour ne pas lâcher un mot irréparable, ou ne pas se lever pour s’en aller, n’ai-je pas regretté que ce malheureux mot d’Argos se trouve dans notre tarif d’usage. En effet, je ne saurais trop le répéter, il a constitué pour la Turquie le pivot de toute la négociation des Listes, et ce n’est pas exagéré de dire qu’il l’a empoisonnée depuis le début, et rendue pour ainsi dire impossible. [...] ( E 7110 1/124).↩
- 6
- Par cette note la Suisse s’engageait à ne pas augmenter son taux douanier pour les tabacs grecs. Cf. DDS vol.9, no 226, A, dodis.ch/45243.↩
- 7
- Du 29 août 1929.↩
- 8
- Du 27 mai 1930.↩
- 9
- Suivant cette proposition, le Conseil fédéral, dans sa séance du 4 novembre 1930, charge le Ministre Martin de signer le traité de commerce avec la Turquie(E 1004 1/325). La signature a lieu à Ankara le 13 décembre 1930, les instruments de ratification sont échangés à Berne le 22 avril 1932 et la convention de commerce entre en vigueur le 12 mai suivant. Cf. RO, 1932, vol. 48, pp. 202-214.↩
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