dodis.ch/45554
Le Chef du Département politique,
G. Motta, au Chef du Département de Justice et Police, H. Hâberlin
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Pour faire suite à notre lettre du 5 septembre, nous avons l’honneur de vous communiquer copie d’un rapport du Consulat général de Suisse à Shanghaï2 signalant qu’un accord relatif aux Tribunaux chinois dans l’établissement international de Shanghaï a été conclûmes 17/22 février 1930, entre la République chinoise et les six Puissances en faveur desquelles des traités stipulent expressément des droits capitulaires en Chine3.
Ainsi que vous le verrez, l’accord dont il s’agit, qui ne peut guère être envisagé que comme un fait accompli par les Etats qui, comme la Suisse, bénéficient des capitulations en Chine en vertu de la clause de la nation la plus favorisée, supprime la Cour provisoire mixte qui avait remplacé, en 1928, l’ancienne Cour internationale mixte et institue à sa place une juridiction purement chinoise, comportant un Tribunal de district et une Cour d’appel dont les arrêts sont susceptibles de recours à la Cour suprême de Chine.
La différence essentielle entre le nouveau régime juridictionnel de la concession internationale de Shanghaï (distincte de la concession française de Shanghaï, qui conserve un régime juridictionnel spécial) réside dans le fait que les procès entre demandeurs étrangers et défendeurs chinois seront, dorénavant, jugés sans le concours d’assesseurs étrangers. Cette modification paraît assez regrettable, car les faibles garanties de sérieux et d’impartialité qu’offrent actuellement les tribunaux chinois ne donnent pas aux étrangers la certitude de pouvoir obtenir justice contre les Chinois établis dans la concession internationale et M. Isler est certainement fondé à envisager la situation avec quelque pessimisme.
On ne saurait, toutefois, se dissimuler que le mouvement d’opinion qui se manifeste en Chine contre les privilèges des étrangers est trop fort pour ne pas entraîner, tôt ou tard, l’abrogation des capitulations. La tactique des Puissances, tendant à les supprimer par étapes pour éviter qu’elles ne disparaissent du jour au lendemain, comme cela a été le cas en Turquie et en Perse, est dès lors compréhensible. Si l’accord des 17/22 février permet de maintenir quelque temps encore en vigueur la juridiction consulaire, seule compétente aujourd’hui encore pour connaître des litiges entre étrangers capitulaires et entre demandeurs chinois et défendeurs étrangers et qui garantit ces derniers contre les exactions de la justice chinoise, on peut admettre qu’un tel avantage compense ses inconvénients.