Language: French
1.9.1922 (Friday)
CONSEIL FÉDÉRAL Procès-verbal de la séance du 1 er septembre 1922
Secret minutes of the Federal Council (PVCF-S)
Motta évoque l’aggravation de la situation au Vorarlberg due aux difficultés financières de l’Autriche. La Suisse favorable au statu quo. Dissuader les Vorarlbergeois de toutes démarches inconsidérées. Diverses considérations concernant la désagrégation de l’Autriche.

Classement thématique série 1848–1945:
II. LES RELATIONS BILATERALES ET LA VIE DES ETATS
II.4. Autriche
II.4.2. La question du Vorarlberg
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Printed in

Antoine Fleury, Gabriel Imboden (ed.)

Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 8, doc. 217

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Bern 1988

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dodis.ch/44859
CONSEIL FÉDÉRAL
Procès-verbal de la séance du 1er septembre 19221

Question du Vorarlberg

Le Chef du Département politique expose: D’après une communication faite par M. Ender, Landeshauptmann du Vorarlberg, à M. Engensberger, président de la commune de Rorschach, la situation est très grave au Vorarlberg. On a dans ce pays la conviction que l’entrevue récente de Mgr. Seipel, chancelier de la République autrichienne et de M. Schanzer, Ministre des Affaires étrangères d’Italie, ne tenait à rien moins qu’à placer l’Autriche sous la sujétion de l’Italie; on prétend que l’Autriche a été vendue à l’Italie. Ces bruits plus ou moins fondés ont ému l’opinion publique et les autorités du Vorarlberg et celles-ci s’apprêteraient à faire une démarche décisive en vue du rattachement à la Suisse.

Dans l’état de désagrégation morale et politique où la situation économique et financière de l’Autriche a plongé ce pays, les tendances séparatistes au Vorarlberg se manifestent avec une force accrue. Nous devons donc examiner à nouveau la situation et les diverses solutions possibles. Si la domination de l’Italie s’étendait sur l’Autriche et par suite sur le Vorarlberg, cela créerait pour la Suisse une situation dangereuse au triple point de vue politique, stratégique et de la politique des transports. La tentation peut être grande pour l’Italie. Quant au rattachement à l’Allemagne, qui serait tout aussi indésirable et dangereux pour la Suisse, il paraît improbable dans les circonstances actuelles. Enfin, l’union de l’Autriche à l’un des pays de la Petite Entente ou son entrée dans ce faisceau se heurterait à l’opposition catégorique de l’Italie. Pour la Suisse, sa politique doit tendre au maintien du statu quo, tant que cela est possible. Nous devons donc user de toute notre influence auprès des autorités du Vorarlberg pour les dissuader de faire des démarches inconsidérées et qui ne pourraient pour l’instant aboutir à rien. Si d’autre part il est démontré que l’Autriche est viable et qu’elle pourrait se relever économiquement et financièrement pourvu qu’elle trouvât de l’appui à l’extérieur, nous ne devrions pas hésiter à faire de nouveaux sacrifices pour l’aider à surmonter la crise.

M. Motta a l’intention de charger un fonctionnaire du Département politique de faire auprès de M. Ender une démarche dans ce sens.

Dans la discussion qui suit, le point de vue du Chef du Département politique est généralement approuvé. De l’avis général, le Conseil fédéral ne peut suivre à l’égard du Vorarlberg d’autre politique que celle qu’il a adoptée dès 1919 et que M. Motta a exposée en son temps aux Chambres fédérales2, ainsi qu’à la deuxième assemblée de la Société des Nations. Nous ne nourrissons à l’égard du Vorarlberg aucune arrière-pensée ni aucun désir d’annexion et nous désirons que ce pays continue à faire partie de l’Autriche, mais pour le cas où celle-ci se désagrégerait nous devons réserver pour le Vorarlberg le droit de disposer de lui- même et pour la Suisse le droit de sauvegarder ses intérêts vitaux. Au surplus, les renseignements reçus par divers membres du Conseil fédéral sur la situation en Autriche et au Vorarlberg confirment ceux donnés par M. Motta. M. Schulthess a appris à St-Gall que les patrons au Vorarlberg n’étaient plus en mesure de payer les salaires des ouvriers. On distribuerait des armes entre autres aux employés de chemins de fer, mais on ne peut dire si c’est pour la défense de l’ordre ou dans un but révolutionnaire. A St-Gall, l’opinion continue à être résolument hostile à l’idée d’un rattachement du Vorarlberg à la Suisse, sous quelle forme que ce soit, rattachement dont l’orateur a maintes fois montré les inconvénients et les dangers politiques et économiques. En ce qui concerne l’aide à accorder à l’Autriche, M. Schulthess ne croit pas qu’il soit possible de lui consentir de nouveaux prêts, mais la Suisse pourrait renoncer au remboursement de son avance de 25 millions de francs, à condition que les autres Etats créanciers fassent aussi abandon de leurs créances.

M. Scheurer estime que le rattachement du Vorarlberg à l’Italie créerait pour la Suisse, au point de vue stratégique, une situation aussi dangereuse et intenable que le rattachement à l’Allemagne, et que dans ce cas de désagrégation de l’Autriche la solution de la réunion du Vorarlberg à la Suisse, quelque indésirable qu’elle soit à d’autres égards, pourrait s’imposer à nous comme la meilleure.

M. Musy fait remarquer que, dans l’état de décomposition et de démoralisation où l’Autriche est tombée, la question de sa dislocation peut devenir aiguë d’un jour à l’autre et que nous devons être prêts à fixer notre attitude en connaissance de cause, par l’étude de toutes les faces du problème. En attendant, nous ne devrions pas faire aux autorités du Vorarlberg une déclaration leur ôtant tout espoir et excluant à tout jamais la réalisation des aspirations du Vorarlberg à l’union avec la Suisse.

M. Hâberlin fait observer que la démarche proposée par M. Motta ne devrait pas être faite directement auprès de M. Ender, mais par un intermédiaire choisi. M. le conseiller aux Etats Rusch, beau-frère de M. Ender, aurait été tout désigné pour cela, mais il est absent du pays. On pourrait penser à M. Engensberger, président de la commune de Rorschach.

M. Chuard approuve la proposition de M. Motta. Il voit dans la situation actuelle un grave danger et estime qu’on doit tout faire pour éviter que des modifications territoriales se produisent à nos frontières et fournir un prétexte à d’autres voisins de réclamer des rectifications à leur profit. Il préconise, si c’est nécessaire, une nouvelle aide financière à l’Autriche.

Sur la proposition du Chef du Département politique, il est décidé:

Un fonctionnaire du Département politique sera chargé de faire, par l’intermédiaire de M. Engensberger3, président de la commune de Rorschach, une démarche en vue de faire entendre à M. Ender et aux autorités du Vorarlberg que le Conseil fédéral désire le maintien du statu quo en Autriche et les invite à s’abstenir de toute démarche inconsidérée en vue du rattachement du Vorarlberg à la Suisse.

1
E 1005 2/2.
2
Sur la discussion de cette question aux Chambres fédérales dès 1919, cf. DDS 712, no 157. L’interpellation du Conseiller national Gelpkedu 11 novembre 1919 concernant la question du rattachement éventuel du Vorarlberg à la Suisse (Ibid. p. 344, note 5) n’a été retirée qu'à la session parlamentaire d’été 1922, cf. Résumés des délibérations de l’Assemblée fédérale, session du 6 juin au 1er juillet 1922, p. 2.
3
Cf. no 219.