Abgedruckt in
Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 8, Dok. 193
volume linkBern 1988
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Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
▼ ▶ Signatur | CH-BAR#E2001B#1000/1503#1668* | |
Alte Signatur | CH-BAR E 2001(B)1000/1503 70 | |
Dossiertitel | Finanzkonferenz in Genua, V (Politische Berichterstattung von Hrn. Bundesrat Motta) (1922–1922) | |
Aktenzeichen Archiv | C.21.6 |
dodis.ch/44835
Depuis mon dernier rapport, celui du 8 de ce mois2, rien d’important ne s’est passé. M. Schulthess qui, à la veille de son départ, avait eu des conversations intéressantes avec plusieurs personnages de la Conférence, vous aura donné, de vive voix, des impressions personnelles qu’il est difficile de fixer par la plume.3 On peut dire que, dans ces derniers jours, la Conférence est comme arrêtée ou paralysée. On attend toujours la réponse de la Délégation russe au memorandum bien connu. Cette réponse, on l’a attendue d’abord pour mardi, puis pour hier mercredi; aujourd’hui à midi (heure à laquelle je vous écris), elle n’est pas encore parvenue dans les mains de MM. Facta et Schanzer. Je sais que M. Barthou s’est impatienté de ce retard et qu’il en a écrit un mot à M. Schanzer. Les échos et les informations que nous recueillons de différents côtés sont pour le moment nettement pessimistes. On ne croit plus qu’on pourra aboutir à un accord général entre la Russie et les autres Etats.
Y aura-t-il ce soir ou demain un revirement? La Délégation russe, qui semble cantonnée dans l’intransigeance, aura-t-elle tout à coup un mouvement de sagesse? Rien n’est impossible, mais cela ne me paraît pas probable.
Toute la difficulté provient, je crois, de la question des crédits. Le Gouvernement des Soviets a besoin de capitaux formidables. Il les voudrait dans la forme des crédits à l’Etat.4 Si la Conférence de Gênes ne peut les lui procurer, le but principal de ses efforts viendra à manquer. Or, il paraît bien que l’Etat britannique serait disposé à soutenir très énergiquement les exportateurs et les commerçants anglais en les couvrant contre les risques de leurs entreprises en Russie, qu’il veuille fournir directement de l’argent au Gouvernement soviétique.5 Quant aux autres Etats, leur réserve est encore plus grande. Les uns refusent l’argent, pour la bonne raison qu’ils n’en ont pas, les autres le refusent, parce qu’ils ne sauraient nourrir aucune confiance dans le régime soviétique.
J’avais à peine terminé les lignes qui précèdent, lorsque Monseigneur Pizzardo, Substitut de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, s’est annoncé auprès de moi.
Je viens d’avoir avec lui une conversation assez prolongée. Mais je dois d’abord, pour la compréhension de ce qui va suivre, vous entretenir de la démarche que le Saint-Siège a faite auprès de la Conférence de Gênes afin de protéger la liberté de conscience et de culte en Russie.
Monseigneur Pizzardo est arrivé ici dans la journée de lundi. Il avait pour mission de présenter aux délégations des pays qui entretiennent des relations diplomatiques avec le Saint-Siège le memorandum6 que je vous transmets avec ce rapport. Le Saint-Siège y attire l’attention de la Conférence de Gênes sur la nécessité de protéger en Russie la liberté de conscience et de culte. Il y demande aussi la restitution des biens et objets sacrés que le Gouvernement russe s’est appropriés. Le memorandum est évidemment inspiré par les intérêts de l’Eglise catholique, mais il pose le problème de la liberté religieuse d’une manière générale, c’est-à-dire en faveur de tous les cultes et de toutes les confessions, pour les étrangers aussi bien que pour les nationaux.
Le memorandum est accompagné d’une autre pièce confidentielle7 dans laquelle on expose, en substance, que le Gouvernement russe vise à élever des générations athées, qu’il empêche de donner l’instruction religieuse aux enfants avant l’âge de dix-huit ans et qu’il défend même aux ministres du culte de prêcher dans les églises sans le placet du commissaire des Soviets.
Cette pièce ne fait pas partie du memorandum, parce que le Saint-Siège a voulu ménager, autant que possible, les susceptibilités du Gouvernement russe. Elle m’a été consignée à titre tout à fait confidentiel et particulier et je vous prie de ne pas la laisser s’ébruiter.
Monseigneur Pizzardo a visité d’abord M. Lloyd George. Celui-ci s’est montré sympathique à l’action du Pape (dont il apprécie vivement les efforts en faveur de la Conférence), mais il a soulevé immédiatement l’objection d’opportunité. Il doit même avoir dit à Monseigneur Pizzardo que la question dont il s’agit concerne le régime intérieur russe. La thèse du Vatican est, au contraire, que la liberté religieuse est un droit primordial de la personne humaine et que le Gouvernement russe ne peut donc pas le méconnaître et le fouler aux pieds.
Monseigneur Pizzardo (qui m’a fait l’impression d’un prélat très fin quoiqu’un peu timide et embarrassé) s’est rendu chez moi mardi matin. Il m’a prié de le mettre en rapport avec M. Jaspar qui, à son tour, a mis Monseigneur Pizzardo en rapport avec M. Barthou. Aussi bien le délégué belge que le délégué français ont fait à l’envoyé du Pape un accueil très cordial. Ils lui ont promis de soutenir sa thèse.
Pour ne pas compliquer l’action du Saint-Siège, Monseigneur Pizzardo a laissé tomber le point qui concerne les biens ecclésiastiques. Contrairement aux nouvelles de la presse, M. Barthou a parfaitement compris que ce point devait rentrer momentanément dans l’ombre.
Les Puissances invitantes, qui ont eu hier une séance particulière, ont discuté aussi du memorandum pontifical. Messieurs Barthou et Jaspar ont défendu les demandes du Pape; M. Lloyd George a fait valoir de nouveau le danger qu’il y avait à compliquer toujours plus les négociations avec les Russes, mais s’est, en somme, prononcé aussi plutôt en faveur des demandes du Saint-Siège. Ces demandes ont été également appuyées par l’Italie. Comme il n’y a pas de relations diplomatiques officielles entre le Quirinal et le Vatican, il avait été impossible à Monseigneur Pizzardo de présenter officiellement son document à la Délégation italienne, mais le secrétaire général de la Conférence, M. l’Ambassadeur Romano Avezzana s’était trouvé là, comme par hasard, s’était fait donner, lui aussi, le memorandum et l’avait consigné ensuite à Messieurs Facta et Schanzer.
Monseigneur Pizzardo est donc venu me trouver une deuxième fois, ce matin, et il m’a communiqué plusieurs choses intéressantes.
La presse italienne de ce matin racontait que le délégué pontifical avait obtenu hier de Tchitchérine des assurances formelles au sujet de la liberté religieuse. J’ai donc demandé comme cela était naturel, si cette nouvelle était exacte.
Monseigneur Pizzardo m’a confié, sous le sceau de la discrétion, qu’en effet, il avait visité hier au soir, à Santa Margherita, M. Vorovski, représentant plénipotentiaire de la Russie en Italie et secrétaire général de la Délégation russe. Il s’agissait de préciser certaines clauses d’un arrangement qui existe déjà entre le Saint-Siège et le Gouvernement russe et qui autorise le premier à envoyer en Russie des agents qui doivent enquêter au sujet de la famine et des épidémies qui dévastent ce malheureux pays.
M. Vorovski a placé Monseigneur Pizzardo en face de Tchitchérine. Une conversation s’est engagée au sujet du memorandum. Tchitchérine aurait formellement promis de faire droit aux requêtes du Saint-Siège en ce qui concerne la liberté de conscience et de culte.
Monseigneur Pizzardo m’a déclaré, à cette occasion, que Vorovski avait toujours produit sur lui une bonne impression. Il a ajouté qu’il avait également ressenti une impression favorable devant Tchitchérine qui, à un certain moment, paraissait profondément ému.
J’ai profité de la conversation pour tâcher de connaître l’attitude générale du Souverain Pontife vis-à-vis du problème russe.
Monseigneur Pizzardo, qui est, comme vous le savez, en contact journalier avec Pie XI, m’a déclaré que celui-ci désire ardemment que la Conférence aboutisse à un accord général avec le Gouvernement russe. Pie XI considérerait la rupture des négociations comme un très grand malheur. Si l’on ne trouve pas le moyen de rouvrir la grande Russie à la pénétration pacifique des Puissances occidentales, tout un peuple finira par tomber dans le désordre et dans la misère les plus tragiques. Il n’y a pas, humainement parlant, (ce sont les mots mêmes que Monseigneur Pizzardo a placés sur les lèvres du Pape) aucun espoir que le régime soviétique ait à cesser. Il est vain de compter sur une restauration de l’ancien régime. Les réfugiés russes en Europe ne sont qu’une cohue de personnes incapables n’ayant plus aucune prise sur les destinées de leur pays. Il faut donc chercher à s’arranger avec le régime au pouvoir.
Il m’a semblé utile de fixer ici le résumé de ma conversation avec Monseigneur Pizzardo. Elle est intructive à plusieurs points de vue. Elle contribuera à faire comprendre, je l’espère, à tous les membres du notre Conseil que notre devoir n’est pas d’entraver, mais de seconder, dans la mesure de nos forces et dans les limites de la prudence, l’effort qui tend à un accord avec la Russie.
La réponse de la Délégation russe est parvenue à M. Facta au moment même où j’achève ce rapport. Il s’agit, paraît-il, d’un document de quinze pages. J’ignore encore son contenu. J’attends d’heure en heure de l’avoir entre mes mains et je vous enverrai, dès que je le pourrai, une dépêche chiffrée pour vous faire part de ma première impression.
Hier, nous avons eu une réunion des délégations des Etats neutres à Pegli. L’initiative était partie de M. van Karnebeek. Nous avons discuté du Pacte de non-agression. Je vous ai tenu au courant du résultat de la discussion par ma dépêche chiffrée du même jour.8 Je me borne, pour aujourd’hui, à vous confirmer cette dépêche. Le Pacte de non-agression n’a de chances de vie que si la Conférence arrive à un résultat positif dans la question russe.
- 1
- E 2001 (B) 3/70.↩
- 2
- Non reproduit, cf. E 2001 (B) 3/67.↩
- 3
- Pour l’exposé de Schulthess devant le Conseil fédéral cf. PVCF du 10 mai, E 1004 1/283, no1296.↩
- 4
- Notes en marge: ???↩
- 5
- Notes en marge: Ich glaube kaum, dass unsere Öffentlichkeit eine Krediterteilung an die russische Regierung billigen würde.↩
- 6
- Mémorandum sans date, non reproduit.↩
- 7
- Il s’agit d’une lettre imprimée du Pape au Cardinal secrétaire d’Etat, datée du 29 avril 1922, non reproduite.↩
- 8
- Télégramme no 14 expédié de Gênes le 11 mai à 7h 50: La réponse russe ne sera donnée que jeudi. On prétend que Schanzer en a eu connaissance mercredi, mais qu’il l’a trouvée peu satisfaisante et a prié Tchitchérine de la modifier. On croit que les Russes contesteront l’article concernant la propagande et demanderont des crédits des Etats. On pense maintenant que la clause relative aux biens nationalisés sera remaniée. Mercredi matin nous avons eu une réunion des neutres à Pegli pour discuter la question du pacte de non-agression. Nous avons tous été d’accord pour admettre que le pacte devrait contenir une disposition d’après laquelle il cesserait d’être en vigueur dès que tous les signataires seraient devenus membres de la Société des Nations. Il existe des indices que la conférence pourrait encore durer jusqu’au 20 mai au moins (E 2001 (B) 3/67). Le même jour, la délégation suisse communiquait la réponse russe au Département politique par télégramme, expédié à 19 heures de Gênes: Réponse russe nous a été transmise ce soir à 5 heures et demie. Cette réponse conteste en principe toute obligation de reconnaître les dettes des anciens régimes comme toute obligation d’accorder des indemnités du fait de la nationalisation. Elle proclame le principe de la réciprocité, c’est-à-dire que la Russie ne peut faire des concessions qu’à la condition d’en obtenir d’équivalentes. Elle conclut que les différends de nature financière entre la Russie et les autres puissances ne peuvent pas être résolus sans une étude nouvelle. Elle propose institution d’un comité mixte d’experts désignés par la conférence et dont les travaux commenceraient à une date et dans un lieu à déterminer d’un commun accord. La réponse constate que la Conférence de Gênes a ouvert la voie à un rapprochement et elle exprime le désir que la conférence continue ses autres travaux pour la consolidation de la paix (2001 (B) 3/67).↩
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