Classement thématique série 1848–1945:
I. LA SUISSE ET LA SOCIÉTÉ DES NATIONS
I.12. Les réfugiés russes
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 8, doc. 192
volume linkBern 1988
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E2001B#1000/1504#531* | |
Dossier title | Réfugiés russes (1922–1923) | |
File reference archive | B.55.733 |
dodis.ch/44834
Par lettre no C.L.36.1922, en date du 18 avril dernier2, le Secrétariat général de la Société des Nations a bien voulu transmettre au Département politique fédéral le texte de la Résolution adoptée par le Conseil au sujet des réfugiés russes, dans sa séance du 25 mars 1922.3
En accusant réception au Secrétariat général de sa communication, le Département politique, après un examen approfondi des propositions au Haut Commissaire de la Société des Nations pour les réfugiés russes, a l’honneur de répondre ce qui suit:
Certificats d’identité. Le Conseil de la Société des Nations demande de délivrer gratuitement aux réfugiés russes qui se trouvent en Suisse et qui en feront la demande des certificats d’identité du modèle décrit à l’annexe du rapport spécial du Haut Commissaire. En d’autres termes, le Conseil de la Société des Nations propose à la Suisse de prendre sous sa responsabilité l’octroi aux ressortissants russes en Suisse d’un document reconnaissant la nationalité russe du porteur. Or cette pièce devant être visée par la Suisse, si elle émane d’un Gouvernement étranger, aux mêmes conditions et de la même manière qu’un passeport ordinaire et, si elle a été établie par la Suisse, devant être visée par les Gouvernements étrangers de la même manière et aux mêmes conditions qu’un passeport suisse, et le passeport suisse n’étant accordé aux ressortissants suisses que contre remise de leur acte d’origine, les Autorités suisses se trouveraient délivrer ainsi, à leurs risques et périls, aux ressortissants russes en Suisse, un véritable acte d’origine et assimiler par conséquent, en quelque sorte, aux yeux d’autres Gouvernements les Russes en Suisse aux ressortissants suisses eux-mêmes. La réalisation du projet du Haut Commissaire de la Société des Nations en matière de certificats d’identité, outre les graves conséquences qu’elle pourrait entraîner pour la Confédération et qui viennent d’être indiquées; outre les complications qui ne manqueraient pas de résulter pour les autorités compétentes du fait de son application facultative, soulèverait de plus en Suisse certaines difficultés d’ordre administratif. A quelle Autorité communale, cantonale ou fédérale conférer la compétence de délivrer les certificats d’identité prévus par M. Nansen? – C’est la Commune qui remet au ressortissant suisse son acte d’origine. La police des étrangers relève, par contre, des Autorités cantonales. Le pouvoir fédéral pourrait, à la rigueur, avec l’assentiment des Cantons, aussumer la responsabilité d’octroyer aux Russes leurs papiers de légitimation; seulement, ces papiers étant assimilés à des passeports ordinaires, si la question de la sortie du pays ne devait pas susciter d’opposition, celle, par contre, du retour en Suisse des détenteurs des certificats d’origine ne pourrait, de toute façon, être tranchée que par le Canton intéressé.
Passeports. Le Conseil demande, en outre, d’accorder le visa sur les dits certificats d’identité délivrés par d’autres Gouvernements aux mêmes conditions et de la même manière qu’il est accordé aux passeports ordinaires délivrés par un Gouvernement étranger à ses ressortissants. Le Conseil de la Société des Nations prie également que ces visas soient apposés gratuitement.
Les ressortissants russes sont autorisés actuellement à entrer en Suisse ou à transiter à travers la Suisse sur présentation de passeports russes délivrés par l’ancien régime, de passeports établis par le régime actuel ou d’autres papiers de légitimation.
S’il s’agit de Russes indigents, les taxes de visa, conformément à l’article 15 du tarif des taxes, du 22 avril 19214, sont supprimées sur preuve d’indigence. Les dispositions en vigueur en Suisse dans la question des frais de visa correspondraient donc aux propositions du Conseil de la Société des Nations.
Le modèle de certificat d’identité que le Haut Commissaire de la Société des Nations a soumis à l’examen des Membres de la Société déclare:
«Nous demandons, par la présente, qu’il (elle) soit autorisé à voyager... sous réserve, toutefois, des lois et règlements en vigueur sur l’admission et la résidence des ressortissants étrangers.» Or, conformément à l’article 7 de l’Ordonnance fédérale sur le contrôle des étrangers, du 29 novembre 19215, les demandes tendant à obtenir le passage de la frontière et qui émanent d’étrangers qui ne possèdent pas de papiers valables, délivrés par le pays d’origine et reconnus par la Suisse, sont à soumettre à l’Office central de Police des Etrangers. De plus, s’il ne s’agit pas de la demande d’un simple visa de transit, mais d’un visa d’entrée en Suisse, la requête doit être soumise, par l’Office central de Police des Etrangers, aux Cantons intéressés, qui décident si et à quelles conditions la présence de l’étranger peut être autorisée. Or les Cantons n’accordent actuellement aux Russes, ni permis de séjour, ni autorisation d’établissement, mais simplement un permis de tolérance (article 26, 3èmc alinéa, de l’Ordonnance sur le contrôle des étrangers, du 29 novembre 1921)6, et étant donnée l’extrême difficulté dans laquelle la Suisse se trouve de renvoyer les Russes et le risque qu’elle court qu’ils ne tombent à la charge de l’assistance publique, les Directions cantonales de Police font dépendre l’octroi d’un permis de tolérance du dépôt d’une caution ou de l’indication d’une personne solvable, domiciliée en Suisse et déclarant se porter garante.
Il est malheureusement impossible, de l’avis des Autorités fédérales, de viser le certificat d’identité proposé par M. Nansen de la même manière et aux mêmes conditions qu’un passeport ordinaire, pour autant qu’il s’agit de demandes d’entrée, c’est-à-dire de renoncer au dépôt d’une caution ou à l’indication d’une personne solvable et qui déclare se porter garante, tant que les certificats d’identité en question ne feront pas mention de l’obligation pour l’Etat qui délivre la pièce de reprendre en tout temps son porteur. Cependant, ce point essentiel une fois élucidé et les conditions dans lesquelles l’Etat dont émanerait le certificat d’identité serait tenu de recevoir à nouveau son détenteur une fois réglées, le Département fédéral de Justice et Police soumettrait volontiers à un nouvel examen le projet de M. Nansen en matière de passeports.
Le visa de transit – la question de sa gratuité serait donc déjà tranchée dans un sens affirmatif par les déclarations qui précèdent – est actuellement accordé, sans dépôt d’une caution et sans indication d’une personne solvable domiciliée en Suisse et déclarant se porter garante, par l’Office central de Police des Etrangers sur présentation de la preuve que l’admission dans le pays où le Russe se rend en sortant de Suisse lui est assurée. Avant de satisfaire à la demande du Conseil de la Société des Nations, les Autorités Suisses sont prêtes à examiner si les Légations et Consulats de Suisse pourraient être autorisés, sur présentation d’une requête du Haut Commissaire et sur production du visa de l’Etat dans lequel le Russe se rend en sortant de Suisse, à accorder, sans autre, le visa de transit, c’est-à-dire sans mettre le représentant de la Confédération au dehors, dans l’obligation d’en référer, pour chaque cas, à l’Office central de Police des Etrangers.
Transports. Le Département fédéral des Chemins de Fer serait, en principe, d’accord d’effectuer, éventuellement, des transports de réfugiés russes à des conditions avantageuses. La situation financière des Chemins de Fer Fédéraux et le danger qu’il y aurait à créer un précédent toujours facile à invoquer à nouveau ne permettraient, toutefois, pas d’envisager la possibilité de consentir à un transport entièrement gratuit. Les Chemins de Fer fédéraux seraient, par contre, disposés à abaisser leurs tarifs de moitié en faveur des réfugiés russes, mesure qui ramènerait le coût du voyage au prix dont bénéficient les Suisses nécessiteux et les ressortissants étrangers indigents, pour autant que leurs Gouvernements assurent à nos compatriotes la réciprocité et que leurs représentants diplomatiques leurs délivrent un certificat spécial. Le détail des conditions serait, toutefois, à préciser au moment de l’organisation du premier convoi.
Au cas où il s’agirait du transport par la Suisse d’enfants russes nécessiteux, le Département fédéral des Chemins de Fer leur appliquerait volontiers les tarifs en vigueur pour enfants étrangers à la charge de Sociétés d’action de secours ou pour enfants suisses se rendant dans une colonie de vacances, c’est-à-dire que les Chemins de Fer Fédéraux leur assureraient, pour un trajet simple course, une réduction pouvant atteindre le 80% du prix habituel du billet. Le détail des conditions serait également à préciser au moment de l’organisation du premier convoi.
La Confédération assurerait, en outre, volontiers l’entretien des réfugiés russes pendant leur voyage à travers la Suisse.