Language: French
8.4.1922 (Saturday)
CONSEIL FÉDÉRAL Porcès-verbal de la séance du 8.4.1922
Secret minutes of the Federal Council (PVCF-S)
Approbation des instructions destinées aux délégués suisses à la Conférence de Gênes. Exposé par Schulthess d’un projet d’instructions au point de vue économique.

Également: Textes des instructions destinées aux délégués suisses à la Conférence de Gênes: la partie politique. Annexe de 8.4.1922
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Printed in

Antoine Fleury, Gabriel Imboden (ed.)

Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 8, doc. 180

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Bern 1988

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dodis.ch/44822
CONSEIL FÉDÉRAL
Porcès-verbal de la séance du 8 avril 19221

Conférence de Gênes. Instructions aux délégués suisses

Verbal

Département politique/Département de l’Economie publique.

M. le Conseiller fédéral Motta présente un projet écrit d’instructions2 aux délégués suisses à la conférence de Gênes, au point de vue politique.

Ce projet est discuté et approuvé avec quelques modifications de détail, dans la teneur ci-après (voir annexes, en allemand et français).3

M. le Conseiller fédéral Schulthess demande que le texte des instructions soit interprété en ce sens que la délégation suisse conserve une certaine liberté d’action et qu’il lui soit réservé le droit d’adapter son attitude aux circonstances, sauf à requérir selon les cas l’approbation du Conseil fédéral.

M. le Conseiller fédéral Hâberlin signale, comme points sur lesquels la décision du Conseil fédéral doit être réservée, ceux traités au chiffre 6 des instructions (reconnaissance du gouvernement des Soviets et relations commerciales avec la Russie).

Le Conseil fédéral approuve ces observations, dont note est prise au procèsverbal.

Le Chef du Département de l’Economie publique n’a pu, en raison de l’énorme charge de travail qui lui est incombée en ces derniers jours, coucher par écrit son projet d’instructions au point de vue économique. Il présente donc un exposé verbal de la façon dont il envisage ces instructions, en se réservant de déposer dès que cela lui sera possible, les instructions écrites, pour le procès-verbal (Elles seront annexées après coup au présent procès-verbal).

Ces instructions, découlant des délibérations précédentes du Conseil fédéral et de celles de la conférence des délégués neutres4, s’inspireront des idées suivantes:

1. Question des relations avec la Russie. La délégation se comportera selon l’attitude que prendra la délégation des Soviets, selon la tournure que prendra la conférence et les circonstances.

2. Questions financières et économiques.

En ce qui concerne la question de l’étalon monétaire et celle des crédits, les instructions pourront s’inspirer de l’exposé que M. Dubois a fait aujourd’hui à la conférence des délégués5, et notamment des postulats suivants:

a) Si la question du retour à l’étalon d’or est mise sur le tapis, il y aura lieu de réclamer une meilleure couverture de la circulation fiduciaire et de montrer que la coopération des Etats-Unis est nécessaire à cet effet.

b) Des crédits de relèvement, sous une forme quelconque, ne pourront être consentis par la Suisse que si la solvabilité des débiteurs est assurée et si des possibilités de relèvement leur sont laissées. Au surplus, la question du cours du mark et de sa stabilisation est la clef de voûte du problème financier.

L’orateur estime que sur ces points, la délégation suisse doit tout d’abord, dans des conversations particulières, tâter le terrain et ne s’y aventurer que prudemment. Si cette tactique ne donne pas de résultat, elle pourra exprimer son avis à la conférence et décliner toute responsabilité au cas d’un insuccès. Il n’y a pas lieu de lui donner sur ces points des instructions fixes et spécifiées, mais de lui laisser la faculté d’agir et de se prononcer selon les circonstances, le cas échéant de concert avec d’autres délégations.

c) En ce qui concerne la création d’un consortium financier au capital de 200 millions de livres sterling en vue de faciliter l’œuvre de relèvement économique, la participation de la Suisse a soulevé de graves objections dans la commission suisse d’experts. Il en a été de même à la conférence internationale d’experts. Il y aura lieu de se tenir à ce sujet sur une grande réserve.

d) Un dernier postulat de M. Dubois, qu’il y aura lieu de soutenir le cas échéant, tend à l’établissement de relations serrées entre les banques des différents pays.

3. Politique commerciale.

L’orateur se réfère sur ce point à ce qu’il a exposé à la séance d’hier, concernant les postulats de M. Cassel.6

En résumé, M. le Conseiller fédéral Schulthess estime que sur tous ces points, la délégation doit observer une attitude prudente et expectante, mais qu’elle doit, le moment venu, oser dire ouvertement sa façon de penser sur les causes de la situation actuelle et les moyens d’y remédier. La délégation tiendra le Conseil fédéral au courant par des rapports réguliers.

Dans la discussion qui suit, les opinions exprimées par le Chef du Département de l’Economie publique sont généralement approuvées.

Touchant la question des réparations, le Conseil fédéral confirme ses décisions antérieures, en ce sens qu’il est désirable qu’elle soit traitée à Gênes, mais que la délégation suisse ne devra prendre l’initiative de la soulever officiellement que si les circonstances paraissent favorables et si les moyens officieux de la faire mettre sur le tapis demeurent sans résultat.

En ce qui concerne la durée du séjour de la délégation à Gênes, le Conseil laisse aux délégués la faculté de la prolonger ou de la raccourcir selon les circonstances.

1
E 1005 2/2.
2
Reproduites en annexe.
3
Le texte allemand se trouve en annexe au procès-verbal du 24 mars 1922, non reproduit.
4
Un résumé de cette conférence des experts, tenue le 7 avril 1922 à Berne et où participaient les délégués du Danemark, de l’Espagne, de la Norvège, des Pays-Bas, de la Suède et de la Suisse se trouve dans E 2001 (B) 3/67.
5
Pour le procès-verbal de la séance du 8 avril 1922 cf. E 7800 4/4.
6
Les propositions du professeur Cassel (Suède), soumises à la conférence des experts du 7 avril, stipulaient: Remarques concernant les propositions pour le rétablissement de la liberté de commerce 1. Si les pays devant recevoir une indemnité de guerre de l’Allemagne, créent des difficultés à l’importation de marchandises allemandes, ils obligent de ce fait l’exportation allemande nécessaire au paiement des indemnités de guerre, à être dirigée vers d’autres pays; il en résulte que toute l’organisation économique de ces autres pays, et spécialement celle des petits Etats voisins de l’Allemagne, se trouve être fortement lésée. 2. Par suite des engagements de l’Allemagne et du manque de confiance général quant à la faculté de paiement de ce pays, le «Marc» est actuellement déprécié d’une façon disproportionnée sur le marché mondial. Cette dépréciation du marc favorise la concurrence allemande d’une façon si anormale, en ce moment, qu’il est difficile de renoncer à prendre des mesures spéciales à son égard. Les Etats voisins doivent se réserver le choix des mesures qu’ils comptent prendre à cet égard. 3. Il est reconnu en général que toute difficulté unilatérale opposée par les Etats créanciers à l’importation de marchandises provenant des Etats débiteurs, aggrave d’une façon extraordinaire le paiement des dettes internationales et réduit de ce fait la valeur internationale des devises des pays débiteurs au-dessous de la parité du pouvoir d’achat. Il s’en suit une situation qui rend impossible le rétablissement des relations commerciales normales. 4. Le rétablissement de la liberté de commerce doit comprendre aussi la politique «de la porte ouverte» et la renonciation à la monopolisation des ressurces naturelles dans des zones d’influence, sans cela la liberté de commerce désirée peut facilement se transformer en un sacrifice de la part des pays qui ne jouissent pas d’un pareil monopole (E 7800 4/4)