Également: Commentaire des articles 1 à 6 de la Résolution de la Conférence de Cannes. Annexe de 3.1922 (CH-BAR#E2001B#1000/1508#148*).
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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 8, doc. 163
volume linkBern 1988
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dodis.ch/44805
La Division des Affaires étrangères du Département politique aux Légations de Suisse1
Nous avons l’honneur d’attirer votre attention sur l’orientation nouvelle que suit la politique européenne. L’initiative part de Londres, sous la direction de M. Lloyd George. Le but à atteindre, c’est le rétablissement de la paix en Europe en faisant appel à la collaboration de tous les Etats sur le terrain économique et financier. Nous avons tenté de tracer les principaux points de cette action diplomatique dont la Conférence de Gênes et l’invitation adressée à la Russie des Soviets marquent les premières étapes.On a donc décidé de construire une nouvelle Europe, non pas au sens géographique, mais tout simplement une nouvelle Europe. Pour y arriver, le moyen est facile et connu: réunir des conférences internationales. Bien que le public européen commence à les observer d’un oeil méfiant, c’est peut-être bien le moyen le plus pratique de négocier.
La nouvelle impulsion imprimée à la politique européenne part de Londres. Depuis quelques jours déjà, les grandes lignes de cette action diplomatique apparaissent sur le tableau: tentative d’un arrangement franco-anglais accompagné d’un «pacte de sécurité» offert par la Grande-Bretagne à la France; essai de restauration financière et économique de l’Europe: formation d’un consortium international d’industriels et de financiers, avec un capital de 20 millions de livres sterling et siège social à Londres, facilités de payement consenties à l’Allemagne pour les échéances de janvier et février, convocation d’une conférence intereuropéenne, à laquelle la Russie des Soviets, le Japon et les Etats-Unis d’Amérique sont également conviés.
Cette orientation ne peut guère se concevoir autrement qu’avec M. Lloyd George comme centre et promoteur. Depuis la conférence de la Paix, le Premier Ministre britannique n’a pas cessé d’être la figure dominante du concert européen. Aujourd’hui, il est mieux en selle que jamais. En Angleterre, sa position est, sinon inattaquable, du moins infiniment plus forte que celle de tout autre Premier-Ministre en Europe. Non seulement le prestige britannique n’a rien perdu vis-àvis des autres Etats; mais il a plutôt gagné pendant les trois dernières années. Ainsi placé sur un terrain exceptionnellement sûr, M. Lloyd George peut, avec un minimum de risques, emmancher des entreprises internationales qui, en cas de réussite, lui assurent une augmentation considérable de prestige personnel et national et, en cas d’échec, ne peuvent guère devenir un danger pour leur instigateur.
Jusqu’ici, le Conseil Suprême a tenté de rétablir l’ordre dans une Europe divisée en vainqueurs, vaincus et ennemis non-liquidés. Cet effort n’a donné aucun résultat satisfaisant. Il a failli souvent brouiller les principaux associés. Entre temps, les conditions économiques sont allées de mal en pis. Or, à la fin de l’année 1921, les milieux influents de Grande-Bretagne, et M. Lloyd George lui-même, ont déclaré que le plus mauvais moment était passé et que nous allions tout doucement vers des temps meilleurs. A ce moment-là, la question d’Irlande était en train de s’arranger; la conférence de Washington se réunissait. Bien que l’on n’attendit ni de Dublin ni de Washington l’amélioration des conditions économiques de l’Europe, ces deux facteurs sont entrés pour beaucoup dans le calcul. La question d’Irlande une fois résolue débarrassait M. Lloyd George d’une entrave gênante; les débats de Washington, notamment dans la question des sousmarins qui tourna si mal pour la France, firent apparaître tous les dangers d’un désaccord anglo-français et la nécessité d’arriver à un arrangement.
C’est à ce moment-là que M. Lloyd George se décida à intervenir. Obéissait-il aux directives qui auraient été arrêtées lors de la réunion de la Conférence impériale de Londres, en juillet dernier, en vue de restaurer le marché européen, ou l’idée lui est-elle venue, pour ainsi dire, en regardant par les fenêtres de son confortable wagon-salon entre Boulogne et la Côte d’Azur, ce qui, vu la surprise des autres membres du Cabinet, est possible? – Nous ne savons au juste. Toujours est-il qu’après l’échec de ses tentatives réitérées d’amener le Gouvernement américain à participer à la reconstruction économique de l’Europe, et qu’après la venue à Londres de M.M. Loucheur et Briand, M. Lloyd George se rendit à Cannes, décidé à lancer au plus tôt le grand projet de créer une nouvelle Europe.
La presse anglaise, à l’exception de quelques journaux hostiles au Premier-Ministre, trompétait alors que la Conférence de Cannes serait le plus grand événement depuis le traité de Versailles, tandis que les réflecteurs de réclames politiques illuminaient le nouveau problème de la restauration de l’Europe. A Cannes, M. Lloyd George se sent dans son élément. Il ne cache pas sa satisfaction. Le «Premier» anglais mène le jeu avec M. Briand à sa droite, comme «bon second». Les autres n’ont guère qu’à écouter et acquiescer aux suggestions britanniques. Tour à tour on aborde la question de la Conférence intereuropéenne de Gênes, en arrêtant les conditions de l’admission et de la reconnaissance éventuelle de la Russie des Soviets, un projet de pacte de sécurité franco-anglais moyennant un arrangement préalable pour les points en litige entre la France et la Grande-Bretagne, ainsi qu’un projet – encore inédit – de pacte anglo-belge. Enfin, le Gouvernement allemand est invité par le Conseil Suprême à venir exposer sa situation financière.
La Conférence de Cannes paraissait marcher à souhait pour M. Lloyd George, lorsque M. Briand est rappelé d’urgence à Paris. Le Président du Conseil se rend compte qu’il a perdu contact avec le Parlement; l’intervention de M. Millerand lui laisse peu d’illusion sur la durée de son ministère. Dans ces conditions, M. Briand juge plus prudent de se laisser couler, en laissant en plan la Conférence de Cannes et ses invités qui, en l’absence de la France, écoutent l’exposé fort remarquable de M. Rathenau. La Commission des réparations accorde à l’Allemagne des facilités de payement pour les échéances de janvier et février, en l’invitant à présenter dans les quinze jours un projet d’assainissement du budget allemand, ainsi que les principales mesures fiscales envisagées.
L’avènement au pouvoir de M. Poincaré pourra retarder peut-être, mais non pas modifier beaucoup le nouveau cours de la politique européenne. A l’intérieur, M. Poincaré ne compte pas que des amis; on lui a reproché d’attaquer avec violence les maîtres de l’heure dans ses articles et de se confiner dans une prudente abstention au Sénat. Le concours des gauches qu’il sollicitait lui a été nettement refusé. Il va, du reste, se trouver aux prises avec les mêmes difficultés que M. Briand. Au point de vue extérieur, le fait que, sur dix-neuf ministres et soussecrétaires d’Etat, le Président du Conseil en a conservé douze de l’ancien Cabinet paraît prouver que M. Poincaré ne s’écartera pas autant que certains le souhaiteraient des voies suivies par son prédécesseur. C’est possible. Mais au joli mot de M. Poincaré au Premier Ministre britannique: «Il y a des différences entre nous; il n’y aura pas de différends.» M. Lloyd George a répondu par son fameux discours sur les hommes qui ne veulent pas affronter les conférences internationales. Le retour de M. Poincaré au pouvoir vous ramène à l’année 1919. Les temps avancent en accentuant l’écart entre la politique française et la nouvelle orientation imprimée par le Cabinet de Londres. «La machine est bientôt lancée, disait M. Ribot à M. Briand, qui vous passera sur le corps».
La Conférence de Gênes
Nous venons de recevoir l’invitation à la Conférence de Gênes2, ainsi que le programme. Il est identique au texte publié récemment par un journal français «L’Eclair». En voici la teneur:
1) Examen de la mise en pratique des principes contenus dans la résolution de Cannes du 6 janvier 1922 (conditions fondamentales indispensables à la réalisation de l’effort international).3
2) Etablissement de la paix européenne sur des bases solides.
3) Conditions nécessaires à la restauration de la confiance, sans porter atteinte aux traités existants.
4) Questions financières:
a) facilités et garanties pour le commerce d’exportation et d’importation; b) garanties légales et juridiques pour les opérations commerciales; c) protection de la propriété industrielle, littéraire et artistique; d) statut consulaire; e) accès et établissement des étrangers en tant que cela concerne leurs opérations économiques.
5) Aide technique pour l’œuvre de reconstruction industrielle.
6) Transports.
Quel est le but poursuivi par les promoteurs de la Conférence? M. Lloyd George l’a défini dans son exposé du 6 janvier: tous les pays souffrent du chômage et de la crise économique mondiale. La santé du monde est chancelante, il faut s’attacher à la rétablir. Pour restaurer l’Europe, il n’y a qu’un remède: c’est la paix. Les moyens proposés? la collaboration de tous les Etats sur le terrain économique et financier. Quelle que soit l’issue de la Conférence, on ne peut s’empêcher de relever le fait que pour la première fois depuis la guerre tous les Etats européens, sans en excepter l’Allemagne et la Russie des Soviets, sont admis à discuter sur un pied de parfaite égalité les problèmes économiques et financiers intéressant l’Europe. A l’instigation de la Grande-Bretagne, les Etats du continent se décident à sortir de leur enclos national pour s’aventurer sur le terrain de la collaboration internationale.
Toutefois, il ne faut pas se faire trop d’illusions. Les obstacles à surmonter sont nombreux. Nous essayerons de résumer sommairement les principales critiques adressées à la Conférence de Gênes: a) l’opposition de M. Poincaré à la procédure même des conférences internationales; b) le caractère vague et humanitaire du programme qui paraît rentrer plutôt dans les attributions de la Société des Nations. Mais sur ce point il faut relever, outre le refus de M. Lloyd George d’accepter les bons offices de la Société des Nations, un passage caractéristique de la résolution du Conseil Suprême du 6 janvier: «Les puissances alliées, réunies en conférence, ont la ferme opinion que les premiers ministres de chaque nation devraient, si possible, assister eux-même à cette conférence, afin que les recommandations de celle-ci puissent être suivies d’action le plus vite possible.» Si ce point est observé, l’avantage de Gênes sur la Conférence des changes à Bruxelles peut être considérable.
c) D’autre part, et ceci est plus grave, on met en doute le caractère purement économique et financier de la Conférence. Sans doute le point 3 du programme dit bien: «Conditions nécessaires à la restauration sans porter atteinte aux traités existants.» Mais cette dernière réserve est bien frêle. La Conférence de Gênes démontrera précisément s’il est possible d’arriver à un relèvement économique de l’Europe sans porter atteinte aux dispositions des traités de paix. La remarque de Trotzky paraît fort juste: «Le traité de Versailles a déjà été révisé par les faits. L’invitation à Gênes est, en elle-même, une révision.» Cela laisse prévoir de vives résistances de la part de certains Etats. Il n’est pas sans intérêt de relever à ce propos les modifications que, d’après «Pertinax» (voir «Echo de Paris» du 7.1.1922), M. Briand aurait fait apporter aux propositions anglaises: la conférence de Gênes y était qualifiée simplement de «économique». M. Briand a fait ajouter «et financière» pour bien marquer que la discussion ne doit pas avoir de caractère politique. Un peu plus loin, le texte portait: «l’effort commun des puissances devrait être à même de supprimer tous les obstacles d’ordre politique qui font échec au commerce». M. Briand a obtenu que l’adjectif «politique» fût rayé. Ce n’est qu’un indice, mais il est fort suggestif.
Enfin, le coup le plus dur porté à la Conférence serait l’absence des Etats-Unis. Que la France se borne à y déléguer un «observateur» comme il en a été question, cela est possible; cette abstention n’aurait peut-être pas une importance capitale. Par contre si, comme M.M. Tittoni et Imperiali s’y attendent, les Etats-Unis s’abstenaient, à cause de la participation de la Russie des Soviets, le succès de la Conférence pourrait en être gravement compromis.
La Russie des Soviets
Un Etat nouveau, issu de la révolution. Les efforts des anciens généraux tzaristes, le blocus des Alliés n’ont pu écraser le mouvement révolutionnaire. Le régime actuel s’est imposé au pays. Seul il dispose de la force nécessaire. Sa chute plongerait la Russie dans l’anarchie. L’état nouveau vit; c’est un fait. Il va reparaître dans la communauté internationale et s’apprête à y faire figure de Grande Puissance.
Au pouvoir, les Commissaires du Peuple: quelques intellectuels, d’anciens agitateurs, beaucoup de Juifs. Au-dessous d’eux, l’administration centrale aux mains de partisans éprouvés, les communistes, 4500000 environ, qui se répartissent entre les offices du Gouvernement et les services de l’armée. Le régime s’appuie sur une armée de quelque 1 500 000 hommes, objet des prévenances spéciales du pouvoir. Les villes, d’où l’ancienne bourgeoisie a disparu presque entièrement, faute de pouvoir exercer ce qui la faisait vivre: le commerce, la banque et les professions libérales, comptent environ 21 millions d’habitants, dont 5 millions d’ouvriers; dans les campagnes, la population est d’à peu près 110 millions.
Comme tout pouvoir révolutionnaire, le Gouvernement a débuté par la phase destructive. Il y aurait quelque témérité à le juger sur une période aussi courte. Les Soviets ne manquent pas, du reste, d’alléguer pour leur défense le fait que, durant cinq ans, ils n’ont cessé d’être en butte aux entreprises militaires des anciens tzaristes ainsi qu’au blocus. Ils ont réussi à créer une armée, réalisé des progrès notables dans le domaine de l’instruction publique et conservé les théâtres de l’ancien régime.
Mais, à ne considérer que les résultats, pour autant du moins que nous pouvons nous en rendre compte aujourd’hui, les Soviets n’ont guère fait autre chose que de vivre sur l’ancienne économie tzariste qu’ils ont épuisée. Sans doute le Gouvernement de Moscou, tout imbu de théories communistes, a soumis le pays à des expériences économiques intéressantes et hardies. Mais il n’a pas créé de nouvelles ressources. Il a gaspillé les biens amassés par d’autres. L’Etat a prétendu monopoliser la production industrielle et régler tout le mouvement commercial. Un réseau administratif, – des conseils d’ouvriers et de communistes, – s’est étendu sur le pays. Mais, à peu d’exceptions près, les usines, l’une après l’autre, se sont fermées. Malgré les efforts tentés pour gagner les paysans, Moscou ne semble pas avoir été beaucoup plus heureux dans le domaine agricole. Bien que les paysans se soient emparés d’une partie des terres qui, le plus souvent, sont restées propriété commune, la production a diminué. Le système des réquisitions imposées par le Gouvernement pour assurer le ravitaillement des villes a amené les paysans à réduire encore leur activité. La famine est venue. Elle s’étend aujourd’hui sur un territoire comprenant près de 30 millions d’habitants.
Or, l’année qui vient de s’écouler a marqué un lent revirement dans la ligne de conduite des Soviets. Sans doute la structure de l’Etat demeure communiste, donc hostile aux Etats capitalistes de l’Ouest. Mais communiste, ce n’est peut-être qu’un mot. Il y a les réalités de la situation à vaincre. La rigueur de l’étatisme russe s’est peu à peu relâchée. Tout en se réservant la propriété des entreprises industrielles, l’Etat en a confié l’exploitation à des particuliers. Le Gouvernement conserve le contrôle des transactions commerciales avec l’étranger; mais, dès la fin du mois d’août, il a autorisé l’exercice des arts et métiers, ainsi que le commerce libre, à l’intérieur de la Russie, exception faite pour les diamants, les changes et les devises étrangères. Les magasins se rouvrent, à Moscou notamment, qui est moins éprouvée que Pétrograde. Les communications restent dans un état déplorable. Les voies ferrées ont été divisées en trois classes: les grandes lignes, qu’il s’agit de conserver coûte que coûte; les voies secondaires, qui doivent se subvenir par ellesmêmes; la troisième catégorie qui est supprimée au profit de la première. Le pays se réveille de la léthargie où la révolution, les rigueurs du régime étatiste et les privations l’avaient plongé. Mais, de l’aveu de Krassine lui-même, la restauration économique de la Russie ne peut se faire qu’avec le secours de l’étranger.
C’est à ce moment que survient l’invitation à la Conférence de Gênes. Il est intéressant de passer brièvement en revue les dernières données que nous avons reçues sur les résultats des relations commerciales engagées entre la Russie des Soviets et divers Etats du Continent. L’on ne peut s’empêcher d’être fort surpris de la diversité des résultats et des appréciations au sujet de ces relations.
La Suède a été le premier pays à entrer en rapports officieux avec le Gouvernement des Soviets. Deux missions russes s’y sont succédé: la mission Lomonosoff, chargée exclusivement d’acquérir du matériel pour la reconstruction des voies de communication et pourvue de grands moyens financiers, a conclu des contrats commerciaux très importants qui sont en cours d’exécution et donnent satisfaction aux fournisseurs. Quant à la mission Kerjentzeff, elle s’est occupée uniquement de politique et paraît être le centre du service russe d’espionnage. Le Gouvernement soviétique n’a pas tenu les promesses faites lors de l’admission de la mission Kerjentzeff; il n’a notamment toujours pas rendu les archives commerciales suédoises restées en Russie, ce à quoi il s’était engagé. Tout cela n’a pas empêché le Gouvernement suédois de reprendre les négociations avec Moscou.
En Allemagne, l’industrie a reçu d’importantes commandes de la part de la mission Lomonosoff; la maison Krupp s’est engagée à fournir 700 locomotives. Les livraisons allemandes régulièrement échelonnées sont bien payées. Les Allemands ont repris leur activité commerciale dans l’Extrême-Orient russe; des machines agricoles, des couleurs, des médicaments et de la quincaillerie ont déjà été importés à Vladivostock. Les Allemands exportent surtout du bois. Ils sont bien accueillis par la population.
En Grande-Bretagne, la mission russe aurait, d’après la «Russian Information Review» (organe officiel de la délégation soviétique), acheté des marchandises qui, pour l’année 1921, auraient atteint une somme de 4777 918 livres sterling; soit: des machines agricoles et autres, vivres, médicaments, charbons. La plupart de ces produits étaient de provenance anglaise.
L’Italie vient de signer, après de longues tergiversations, un accord commercial avec la Russie. Mais, de l’avis de M. délia Torretta, la Russie serait dans l’impossibilité absolue de produire, d’acheter, de vendre et de payer. Elle peut accorder des concessions de mines, de forêts, de travaux publics; mais elle ne peut mettre les concessionnaires en mesure d’exploiter ces concessions ni d’exécuter ces travaux. L’Italie a souscrit à l’invitation adressée à la Russie, bien qu’elle comprenne parfaitement ce qu’il y a de contradictoire et même d’humiliant dans cette invitation lancée à un Gouvernement auquel on vient de déclarer récemment ne pas vouloir le reconnaître.
En Extrême-Orient, la population russe de la région de Nicolaevsk sur l’Amour souffre singulièrement du joug que les Japonais font peser sur elle. Aucune entreprise privée russe n’est possible; les maisons japonaisses n’emploient que des ouvriers japonais ou coréens et demandent, des prix fabuleux pour les vivres que seules elles détiennent. La question à l’ordre du jour est toujours celle de la conférence de Dairen qui traîne sa lamentable existence. La pierre d’achoppement est la question de l’évacuation du territoire sibérien par les troupes japonaises. Il n’est toutefois pas impossible qu’un accord soit signé d’un jour à l’autre.
Enfin, les Etats-Unis. Le consulat américain de Vladivostock, qui compte déjà un consul et trois vice-consuls, va voir son personnel augmenté d’un agent commercial, bien que la colonie américaine ne soit pas très considérable. Les Etats-Unis ont envoyé à Tchita M. Caldwell, consul à Kobe, pour y étudier la situation de près. Cette mission succède à celle de l’attaché commercial Abbott et de l’attaché militaire Davis.
La seule conclusion que l’on puisse tirer de ces quelques données, c’est que, jusqu’à présent la Russie a payé ses commandes à l’étranger. Il ne s’en suit pas nécessairement qu’elle puisse le faire régulièrement à l’avenir. Dans l’état d’épuisement où elle se trouve, la Russie a un besoin urgent du secours de l’étranger. Maître de la situation à l’intérieur, le Gouvernement peut se désintéresser, pour le moment, de la propagande révolutionnaire, dont il laissera le soin à la IIIe Internationale communiste et se préoccupe avant tout de trouver un «modus vivendi» avec les Etats d’Europe.
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