Language: French
23.9.1921 (Friday)
CONSEIL FÉDÉRAL Procès-verbal de la séance du 23.9.1921
Secret minutes of the Federal Council (PVCF-S)
Octroi d’un crédit à la Roumanie de 40 millions de francs suisses. Les conditions d’utilisation et de remboursement de ce crédit.

Classement thématique série 1848–1945:
II. LES RELATIONS BILATERALES ET LA VIE DES ETATS
II.21. Roumanie
II.21.1. Relations commerciales et financières
How to cite: Copy

Printed in

Antoine Fleury, Gabriel Imboden (ed.)

Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 8, doc. 122

volume link

Bern 1988

more… |
How to cite: Copy
Cover of DDS, 8

Repository

dodis.ch/44764
CONSEIL FÉDÉRAL
Procès-verbal de la séance du 23 septembre 19211

Crédit à la Roumanie

Complétant la communication qu’il a faite à la séance du 16 septembre2, M. le Président de la Confédération expose ce qui suit:

C’est par l’intermédiaire d’un M. Kanitz, avantageusement connu du Département de l’Economie publique, qu’ont été engagées les négociations en vue de l’opération financière avec la Roumanie.3M. Titulesco, Ministre des Finances de Roumanie, arrive aujourd’hui pour conclure. Le Conseil fédéral lui offre un déjeuner.

Après des négociations laborieuses, l’arrangement à conclure se présenterait maintenant dans ses grandes lignes comme suit:

La Confédération ouvrirait à la Roumanie un crédit jusqu’à concurrence de 40 millions de francs suisses. En contrepartie, la Roumanie nous remettrait des traites du trésor à 3 mois, droit de timbre à sa charge. L’intérêt serait fixé à 1 '/2% au-dessus du taux d’escompte officiel, plus '/4% de commission. M. Dubois, directeur du Bankverein, a déclaré à M. le président Schulthess que les banques suisses escompteraient ces effets si la caisse fédérale le désirait, en laissant à celle-ci une marge d’intérêt convenable.

Pour le rachat de ses traites, la Roumanie livrerait à la Confédération 150 000 tonnes de blé, moitié de la récolte de 1921, moitié de celle de 1922, livrables de novembre à fin mars de ces deux années. Le prix serait fixé d’après le prix courant pour qualités semblables à Anvers, sous déduction du prix de transport du port roumain à Anvers et avec un rabais de 7%, dont 2% devraient toutefois être remis comme commission à Kanitz. Cette commission n’est pas prévue dans le contrat, mais M. le président exigera que M. Titulesco lui fasse une déclaration écrite à ce sujet.

Sur les 40 millions, montant de l’avance consentie, 24 millions seraient affectés par le gouvernement roumain à des achats de produits de l’industrie suisse, tandis que les autres 16 millions seraient à sa libre disposition. Les commandes faites à l’industrie suisse seraient payées directement aux industriels par la caisse fédérale, sur justification. Un versement de 3 millions serait fait immédiatement à la Roumanie. Pour le reste des 16 millions à la libre disposition du gouvernement roumain, il ne lui serait versé qu’au fur et à mesure qu’il justifierait d’avoir passé des commandes, c’est à dire que les versements lui seraient faits dans la proportion de 40% contre 60% de commandes prouvées.

Au cas où les livraisons de blé ne seraient pas effectuées dans les délais prévus, la Roumanie serait tenue de nous bonifier la différence en argent.

Au cours des négociations, le chef du Département de l’Economie publique a cherché à réduire les risques que cet arrangement comporte pour nous, en proposant de verser le montant prévu à raison de 20 millions en premier lieu, et le reste par tranches mensuelles de 4 millions, au fur et à mesure des livraisons de blé. Il n’a pu obtenir cet amendement, M. Titulesco tenant avant tout au prompt versement de la somme totale.

Il y aura lieu toutefois de négocier encore sur certains points. Il est notamment avéré que la Roumanie a institué sur certaines de nos marchandises d’exportation, telles que chocolats, soieries, broderies, chaussures, des droits d’entrée prohibitifs. D’autre part, il paraît qu’elle a accordé des réductions de droits à l’Angleterre. Bien que les droits d’entrée n’entrent pas en ligne de compte pour les marchandises à livrer ensuite de l’arrangement projeté, nous chercherons à obtenir en contrepartie des avantages que celui-ci offre à la Roumanie des concessions en matière douanière, soit des réductions de droits sur certaines catégories ou pour certains contingents de marchandises, soit le traitement de la nation la plus favori

En somme l’arrangement en question présente incontestablement des risques, mais il offre le grand avantage d’assurer des commandes à l’industrie suisse et d’obvier ainsi au chômage. L’avis des experts les plus qualifiés est que nous devons conclure.

Dans la discussion, l’opinion générale est que, malgré les risques que présente l’opération, le Conseil fédéral ne saurait prendre la responsabilité de priver l’industrie suisse des avantages qu’elle lui promet. Si la Roumanie, ensuite de la guerre, se trouve actuellement dans une situation économique et financière précaire, c’est un pays de grandes richesses naturelles, qui se relèvera et dont le crédit s’améliorera avec le temps, selon toutes prévisions. D’après les derniers renseignements reçus par M. Musy, il semble du reste que la situation économique et industrielle en Roumanie s’améliore actuellement, tandis qu’au point de vue agricole, le partage des terres entre les petits paysans a provoqué une diminution temporaire de la surface ensemencée. Comme il s’agit en somme d’un traité entre Etats, le gouvernement roumain ne pourrait faillir à ses engagements sans que son crédit et sa situation morale en soient gravement atteints. Il est donc à prévoir qu’il les remplira.

Toutefois, le chef du Département des Finances insiste pour que, dans les négociations, on cherche à obtenir une réduction de nos engagements en blanc, de façon que ceux-ci ne dépassent à aucun moment 20 millions. Cela pourrait être obtenu, sinon dans le traité, du moins dans la pratique, en réglant l’allure des livraisons des marchandises commandées en Suisse sur celles des livraisons de blé, de façon que celles-ci nous couvrent au fur et à mesure, du moins partiellement.

M. le président Schulthess déclare que bien qu’il ait déjà fait sans succès des tentatives dans ce sens, les négociateurs (MM. Schulthess et Musy) chercheront encore à obtenir des concessions dans le sens indiqué par M. Musy.

Il est décidé:

Le Conseil fédéral approuve en principe les négociations engagées et autorise M. le président Schulthess et M. Musy à les poursuivre dans le sens des délibérations de ce jour, notamment en cherchant à réduire le chiffre des engagements en blanc de la Suisse, et en s’efforçant d’obtenir des concessions en matière douanière.

L’arrangement sera soumis à la ratification du Conseil fédéral et porté dans la forme voulue à la connaissance de l’Assemblée fédérale.4

1
E 1005 2/1. Etaient absents: G. Motta, H. Hâberlin.
2
Non reproduit.
3
Sur ces négociations, cf. EVD KW 14–18/21+22, et DDS 712, nos 30, 34, 328, 350.
4
Pour le texte définitif de la convention, signée à Berne, le 24 septembre 1921, E 1004 1/280 no2801.