Language: French
10.6.1921 (Friday)
Le Département fédéral de Justice et Police aux Légations et Consulats de Suisse à l’étranger
Circular (Circ)
Instructions relatives à l’action de secours de la Confédération en faveur des Suisses à l’étranger tombés dans le besoin sans leur faute. Procédure de l’assistance et du rapatriement.

Classement thématique série 1848–1945:
XV. L'AIDE AUX SUISSES DE L'ÉTRANGER
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Printed in

Antoine Fleury, Gabriel Imboden (ed.)

Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 8, doc. 95

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Bern 1988

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dodis.ch/44737 Le Département fédéral de Justice et Police aux Légations et Consulats de Suisse à l’étranger1

ACTION DE SECOURS DE LA CONFÉDÉRATION EN FAVEUR DES SUISSES À L’ÉTRANGER TOMBÉS DANS LE BESOIN SANS LEUR FAUTE2

Complément de l’Instruction No 12 du service consulaire

Comme vous le savez, il n’y avait pas, avant la guerre, d’autres fonds fédéraux à disposition pour assister nos compatriotes nécessiteux à l’étranger que les subventions accordées aux sociétés de bienfaisance et asiles suisses. L’action de secours était entièrement confiée à ces sociétés ainsi qu’aux Légations et Consulats qui, ces derniers, prélevaient spontanément sur les émoluments de chancellerie qui leur revenaient de fortes sommes en vue de l’assistance. Le nouveau règlement consulaire ne permet l’application ultérieure de ce mode de procéder que dans une mesure restreinte, vu qu’il prévoit le versement de la plus grande partie des émoluments à la Confédération. Les moyens extraordinaires mis à disposition pendant la guerre pour assister les Suisses nécessiteux à l’étranger sont à peu près épuisés. Mais ces compatriotes y souffrent encore aujourd’hui de la crise mondiale, de sorte qu’il est impérieusement commandé par les circonstances de continuer l’action de secours et de recourir dans ce but à un nouveau système. A l’effet d’organiser cette action, dont s’occupaient jusqu’ici la Division des affaires étrangères, celle des affaires intérieures du Département politique, la Division de police du Département fédéral de justice et police et l’Office fédéral du travail, ainsi que de la mettre en pratique en se plaçant à des points de vue uniformes, il paraissait absolument indispensable de la centraliser en mains d’une seule et même autorité fédérale. Par des motifs d’ordre technique et par opportunité, la Division de police précitée parut indiquée comme autorité se prêtant le mieux à l’accomplissement de cette tâche. En conséquence, les départements et les divisions intéressés jusqu’ici à la question ayant préalablement donné leur consentement à la solution projetée, le Conseil fédéral a pris le 6 mai 1921 la décision suivante:

1. La Division de police du Département fédéral de justice et police est chargée d’administrer l’action de secours de la Confédération en faveur des Suisses nécessiteux à l’étranger. L’activité de la division consiste: a) à secourir les Suisses nécessonnes rapatriées, jusqu’à ce qu’elles aient trouvé un logis et soient annoncées à la police. L’assistance ultérieure rentre dans les attributions de l’Office du travail en ce qui concerne les personnes aptes au travail et de la Division des affaires intérieures pour celles qui sont incapables de gagner leur vie.

Est réservé le rapatriement des Suisses habitant la Russie bolcheviste, qui, comme par le passé, rentre dans les attributions du Département politique.

2. Le crédit de fr. 25000, alloué, pour 1921, à la Division des affaires étrangères conformément aux articles 78 et suivants du règlement consulaire, pour venir en aide aux Suisses à l’étranger et le crédit ouvert à l’Office du travail par l’arrêté du Conseil fédéral du 30 décembre 1919, pour s’occuper des Suisses qui rentrent au pays et des Suisses à l’étranger, sont, pour le solde de leur montant au 1er mai 1921, reportés à la Division de police (rubrique du budget C. IV. 3, police et transports). Ces montants seront confondus avec celui du crédit qui a été accordé à la Division de police par l’arrêté du Conseil fédéral du 11 avril 1921, de fr. 50 000, pour le rapatriement de Suisses nécessiteux et seront affectés par cette division à l’action de secours conformément au chiffre 1 ci-dessus. Le tout sous réserve d’autres demandes éventuelles de crédit.

3. Les attributions de compétence antérieures de la Division des affaires étrangères, de la Division des affaires intérieures et de l’Office du travail pour l’assistance des Suisses nécessiteux à l’étranger et leur rapatriement sont abrogées en tant que contraires au présent arrêté.

4. La Division de police prendra les mesures nécessaires pour assurer l’exécution de cet arrêté, et cela en application des principes consacrés par son exposé du 23 avril 1921 et les résultats de la conférence du 28 avril 1921.

En exécution de cet arrêté, nous veillerons à ce que les principes suivants soient observés:

I. Généralités

a) L’action de secours et de rapatriement est dirigée par la Division de police et mise à exécution de concert avec les légations et consulats de Suisse à l’étranger et, pour autant que cela est nécessaire, avec les sociétés suisses de bienfaisance. Les légations et consulats, correspondent directement avec la Division de police. Il en est de même des sociétés de bienfaisance, à moins qu’elles n’aient leur siège dans l’arrondissement d’un représentant de la Confédération. Dans ce cas, elles sont tenues de recourir à l’intermédiaire du représentant compétent.

b) Peuvent bénéficier de l’action de secours les personnes tombées sans leur faute dans le dénuement et qui sont à même d’établir sans conteste leur qualité de Suisses par des papiers de légitimation ou de toute autre façon.

L’action de secours ne peut s’exercer en faveur d’étrangers que moyennant l’assentiment de la Division de police et que s’il s’agit de femmes suisses par leur naissance et vivant seules avec leurs enfants.

c) Peuvent être exclus de l’action de secours ceux dont le dénuement est dû à leur propre faute, ceux qui sont poursuivis judiciairement, ceux qui font sciemment de fausses indications et qui abusent de l’assistance, ainsi que ceux qui refusent d’accepter un travail approprié ou ne se soucient pas d’en trouver.

d) Il n’est pas accordé de secours en vue de Immigration.

II. Assistance à Vétranger

1. Principes

a) Dans la mesure où les traités d’établissement ou des conventions spéciales imposent des devoirs aux autorités étrangères en ce qui concerne l’assistance des indigents suisses ayant besoin de soins (maladies corporelles, aliénés et enfants abandonnés), il faut absolument veiller à l’accomplissement de ces devoirs. Comme par le passé, les légations et consulats continueront à sauvegarder énergiquement vis-à-vis des autorités étrangères les droits conférés aux Suisses par ces traités.

b) L’activité des sociétés de bienfaisance et asiles à l’étranger n’est entravée en aucune façon par l’action de secours de la Confédération. Les subventions accordées à ces sociétés et la comptabilité à laquelle elles donnent lieu sont réglées selon les principes mis en pratique jusqu’à ce jour par le Département politique.

c) L’action de secours de la Division de police en faveur des Suisses nécessiteux à l’étranger se borne, en principe, aux arrondissements et aux localités où il n’y a pas de sociétés de bienfaisance et asiles suisses. Là où il y en a, la Division de police pourra accorder des secours dans les cas où elle aura décidé elle-même que le Suisse nécessiteux devait y résider plutôt que d’être rapatrié.

d) Dans le domaine des sociétés de bienfaisance, la Division de police peut se charger, en outre et à titre exceptionnel, de secours lorsque, par suite de circonstances spéciales, les moyens des sociétés de bienfaisance sont reconnus ne pas suffire à l’exercice efficace de l’action de secours.

2. Mode de procéder en cas d’assistance

a) Tous les cas d’assistance mis à la charge de la Division de police par le chiffre II, l.c) ou d) doivent être immédiatement portés à sa connaissance sur formulaire prescrit, sans s’occuper de savoir si le rapatriement de l’indigent s’impose ou non. La Division de police donnera expressément son assentiment ou prendra d’autres mesures. D’une manière générale, les secours, dans les cas où il est à prévoir qu’ils devront être accordés pendant un certain temps, ne seront pas délivrés avant d’avoir obtenu l’assentiment de la Division de police.

b) Dans les cas urgents et notamment dans les pays éloignés, les secours peuvent commencer à être accordés déjà avant l’assentiment de la Division de police.

c) Les secours accordés une fois pour toutes dans des limites modestes peuvent être délivrés sans l’assentiment préalable de la Division de police, néanmoins il y a lieu de lui signaler également ces cas sur le formulaire prescrit.

d) Le montant des secours, pour autant que ces derniers sont à la charge de la Division de police, est calculé en tenant compte des conditions d’existence au pays de résidence, mais ne doit cependant dépasser en aucun cas la mesure absolument nécessaire. Lorsqu’il s’agit de secours accordés à une famille, l’indemnité sera augmentée suivant les exigences.

e) La durée de l’assistance est subordonnée aux circonstances du cas spécial. Si, grâce à l’assistance, il est à prévoir que l’indigent pourra être tiré du besoin dans un délai relativement court, on renoncera au rapatriement. Mais la Division de police peut aussi faire abstraction du rapatriement, même si le besoin de secours est de longue durée, et décider l’assistance au lieu de la résidence à l’étranger, lorsque l’intérêt de l’indigent ou du fisc réclame cette mesure.

Dans ce cas, la Division de police peut se charger des frais d’assistance, même si l’indigent a été secouru jusqu’alors par une société de bienfaisance.

f) Les personnes auxquelles l’assistance est refusée pour les motifs indiqués au chiffre I. c) ci-dessus doivent être signalées tant à la Division de police qu’aux arrondissements consulaires et sociétés de secours qui se trouvent sur sa route (voir le règlement consulaire, article 80). La Division de police ne manquera pas de mettre également au courant l’Office fédéral du travail et la Division des affaires intérieures.

III. Rapatriement

1. Principes

a) Le rapatriement des Suisses nécessiteux à l’étranger a toujours lieu par ordre et à la charge de la Division de police, sans prendre en considération la question de savoir si la personne rapatriée se trouve dans la circonscription d’une société de bienfaisance et a été secouru auparavant ou non par une société de ce genre.

b) Demeurent réservés les rapatriements pour cause d’indigence des Suisses incombant conformément au chiffre II. 1. a) ci-dessus aux autorités étrangères. Le transport de ces personnes tombe, en vertu des usages internationaux, à la charge de l’Etat de résidence jusqu’à la frontière suisse.

2. Mode de procéder au rapatriement

a) Lorsqu’il s’agit de rapatrier un indigent, l’autorité compétente (légation, consulat ou société de bienfaisance) adresse à la Division de police, au moyen du formulaire établi à cet usage, une demande en conséquence.

b) La Division de police prend ensuite, d’entente avec les autorités cantonales, les mesures nécessaires pour assurer la réception de la personne rapatriée en Suisse. Une fois la réception assurée, la Division de police accorde, éventuellement par télégramme, le rapatriement en indiquant le lieu de réception. En attendant, l’indigent peut être secouru aux conditions indiquées sous chiffre II. 1 et 2 ci-dessus.

c) Dès que le rapatriement est autorisé, il y a lieu de procurer à la personne qui sera transportée le billet pour se rendre au lieu de réception, de lui remettre le viatique strictement nécessaire et si possible, de contrôler son départ. Le moment du départ et de l’arrivée présumée au lieu de réception devra être communiqué à la Division de police en temps utile.

d) Une procédure de rapatriement sommaire est admise lorqu’il s’agit de rapatriements provenant de pays éloignés. Toutefois seulement si les conditions requises par le chiffre I. b), 1er alinéa, sont remplies. Dans les cas de ce genre, l’autorité requérante doit nous adresser un télégramme rédigé selon le schéma suivant:

«Département fédéral police Berne. Conditions rapatriement pour Pierre Robert, originaire Môtiers, remplies. Se rend à Neuchâtel.» En même temps que ce télégramme, le formulaire prescrit doit être envoyé à la Division de police après avoir été dûment rempli. Celle-ci procédera conformément à la lettre b ci-dessus et donnera des instructions télégraphiques. Le rapatriement une fois accordé, le moment présumé de l’arrivée du rapatrié sera indiqué à la Division de police. Observations:

1. Jusqu’à présent les rapatriements avaient lieu sans que, préalablement, aucune mesure quelconque pour assurer la réception des personnes rapatriées au pays d’origine ait été prise. Il est dès lors malheureusement arrivé très souvent que, par suite de la pénurie des logements et du chômage, ces personnes n’ont été accueillies nulle part, souvent pas même dans leur canton d’origine. Comme l’assistance par l’Office fédéral du travail ne peut avoir lieu qu’après l’inscription auprès de la police du lieu de séjour, les personnes rapatriées sont souvent restées, malgré leur dénuement complet, sans aucun secours quelconque pendant longtemps. A l’effet de remédier à ces inconvénients on s’est arrêté au système de rapatriement exposé ci-dessus, qui n’admet le rapatriement qu’une fois la réception au pays d’origine assurée.

2. Comme il est inadmissible de conduire toutes les personnes rapatriées, indistinctement à la commune d’origine, parce que, la plupart ressentent ce procédé comme une humiliation et que beaucoup d’entre eux n’ont d’emblée aucune chance d’y trouver un gagne-pain, nous chercherons dans chaque cas, à tenir compte des voeux du rapatrié tendant à être reçu ailleurs que dans sa commune d’origine. Nous prions dès lors de remplir avec le plus grand soin les rubriques du formulaire concernant les causes de l’indigence, les circonstances particulières dans lesquelles l’intéressé se trouve, son aptitude au travail, sa volonté de travailler, sa moralité, sa langue et sa profession, car le placement du rapatrié dépendra de la réponse à ces questions.

3. D’une manière générale, nous vous prions de fournir dans le formulaire des indications aussi complètes que possible, attendu que ces indications sont de la plus grande importance non seulement pour la Division de police, mais aussi pour l’Office du travail et la Division des affaires intérieures avec lesquels la Division de police est appelée à travailler en étroite collaboration en ce qui concerne l’assistance ultérieure éventuelle au pays d’origine.

IV. Comptabilité

Il y a lieu de présenter à la Division de police le compte des frais d’assistance et de rapatriement dans chaque cas spécial.

Les légations et consulats sont autorisés, pour autant que cela est nécessaire, à prélever sur leur caisse des émoluments perçus les sommes qu’ils ont à payer. Après avoir vérifié et révisé les comptes transmis, la Division de police en ordonnancera le payement au service consulaire, pour le compte de la représentation intéressée (légation ou consulat). La Division de police fera parvenir directement aux légations et consulats les sommes dont il ne leur est pas possible de se couvrir en en prélevant le montant sur la caisse des émoluments.

Les sommes dépensées qui seraient trouvées n’être pas justifiées devront être remboursées par la représentation.

L’envoi d’avances aux légations et consulats est inadmissible en principe. Des avances de fonds peuvent cependant être faites aux représentants éloignés, avec lesquels les relations sont lentes à raison de la distance, si le besoin en est démontré et s’il n’y a sur place ou dans la région aucune société de bienfaisance capable d’intervenir efficacement.

En ce qui concerne le remboursement de secours accordés par un représentant ou par une société de bienfaisance antérieurement à la présente instruction, la Division de police ne prend aucun engagement quelconque.

V. Observations finales

1. Quant au chiffre 1, 2me alinéa, de l’arrêté du Conseil fédéral reproduit cidessus, du 6 mai 1921, il y a lieu de faire observer que l’assistance et le rapatriement des Suisses des Etats issus de l’ancienne Russie (Finlande, Esthonie, Lettonie, Lithuanie, Pologne) rentrent dans les attributions de la Division de police. Il n’y a que les personnes provenant de la Russie bolcheviste qui soient attribuées au Département politique en vue de ces opérations, quel que soit le lieu où la question du rapatriement se pose. Par conséquent, les légations et consulats doivent se mettre en relations avec le Département politique pour ce qui a trait aux personnes de cette catégorie qui s’annonceraient par exemple à Berlin, Vienne, Bucarest ou à un autre endroit quelconque en vue d’être assistées et rapatriées.

2. En ce qui concerne le traitement des personnes rapatriées à partir de leur rentrée en Suisse, la Division de police, en tant qu’elle est appelée à y coopérer aux termes de l’arrêté précité du Conseil fédéral du 6 mai 1921, se mettra en relations avec les autorités cantonales, l’Office fédéral du travail et la Division des affaires intérieures.

1
Circulaire: E 2200 Paris 1/1758.
2
Sur l’aide de la Confédération aux Suisses de l’étranger, cf. Message du Conseil fédéral du 23 août 1921, FF, 1921, vol. III, pp. 869–877; l’arrêté fédéral du 21 juin 1923, RO, 1923, Tome 39, pp. 354–355 etsurtoutYordonnance sur les secours aux Suisses tombés à l’étranger dans le besoin sans leur faute du 3 décembre 1923. RO, 1923, Tome 39, pp. 442–448.