Classement thématique série 1848–1945:
VII. LA NAVIGATION FLUVIALE ET LES TRANSPORTS INTERNATIONAUX
Abgedruckt in
Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 7-II, Dok. 427
volume linkBern 1984
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Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
▼ ▶ Signatur | CH-BAR#E2001B#1000/1514#78* | |
Alte Signatur | CH-BAR E2001(B)1000/1514 5 | |
Dossiertitel | Rheinschiffahrt, Verhandlungen mit Frankreich (1918–1920) | |
Aktenzeichen Archiv | C.13.22.1 • Zusatzkomponente: Frankreich |
dodis.ch/44638
En possession de votre télégramme No 45 et de votre lettre du 4 courant2, j’ai fait deux nouvelles démarches en vue de savoir si la présentation au Gouvernement français de la note dont vous m’avez remis le texte3 serait un obstacle à la rentrée des délégués suisses dans la Commission centrale du Rhin.
Chez M. Berthelot, je me suis trouvé vis-à-vis d’un homme qui m’a donné très nettement à entendre que du moment où il existe un Traité de Versailles, la Suisse doit dire carrément si, oui ou non, elle en accepte la teneur en ce qui concerne tous les articles relatifs au Rhin; il ne semble pas possible à M. Berthelot que la
Suisse prenne dans ledit Traité les clauses qui lui conviennent tandis qu’elle fera des réserves au sujet de certaines stipulations qui ne seraient pas de son gré. Le
Traité prévoit le canal latéral: il est donc exclu – selon M. Berthelot – que l’on revienne sur cette question.4 Les démarches faites autrefois par notre pays auprès de l’Allemagne afin de faire partie de la Convention de Mannheim n’ont pas abouti; les Alliés ont, en 1919, tenu compte des désiderata de la Suisse et lui ont donné l’accès réclamé dans la Commission centrale du Rhin; à nous de décider ce que nous voulons faire. Comme je rendais mon interlocuteur attentif au fait que,
par deux fois, le Conseil fédéral avait, en 1903 et 1918, formulé toutes réserves auprès du Cabinet de Berlin contre des travaux éventuels qui nuiraient à la libre navigation sur le Rhin, M. Berthelot en prit note, mais parût moins frappé de cette mise au point que je ne l’eusse espéré. Sur ma demande si, à titre personnel et particulier, je pourrais lui remettre un projet de note, quitte à ne la déposer
réellement et officiellement que lorsque je connaîtrais le projet éventuel de la
réponse française, M. Berthelot me répondit qu’il ne voyait pas d’inconvénient à
cette manière de procéder.
Au Ministère des Travaux Publics, j’ai revu – et très longuement – M. Charguéraud dont vous n’ignorez pas la situation fort importante; c’est le grand manitou en matière de navigation fluviale et il connaît à fond notre point de vue qu’il
était superflu de lui exposer une fois de plus. M. Charguéraud, auquel j’ai de nouveau donné verbalement connaissance du projet de votre note, m’a répété ce qu’il
m’avait déjà dit l’autre jour: «Le dernier alinéa ne marchera pas; quant au reste il
n’y a, vu les termes extra-prudents dont on se sert, pas de motifs à ne pas se déclarer d’accord; mais cela provoquera sûrement des malentendus lorsqu’il s’agira d’interpréter; avant tout il faut rechercher l’esprit qui est entre les lignes.» Et M. Charguéraud a ajouté que la France veut le canal stipulé au Traité de Paix tandis que la Suisse met tout en œuvre pour la libre navigation sur le fleuve; et c’est cette divergence complète d’opinions qui resterait à la base de notes dont les rédactions paraîtraient donner satisfaction. On peut être amené à conclure que par le cinquième alinéa de son projet de note, où le Conseil fédéral prévoit le «cas où une voie navigable artificielle viendrait à être exécutée» la Suisse envisage déjà la possibilité de ne plus faire opposition au canal latéral; mais M. Charguéraud se demande si c’est bien là l’interprétation que la France peut donner à cette phrase. A l’alinéa suivant, il est parlé de la «liberté» qu’aura la commission de discuter les projets; c’est entendu, mais pas le projet; la commission se trouvera en présence du projet de canal latéral et elle aura à examiner, à critiquer, à corriger non pas le principe du canal lui-même, mais les diverses modalités de construction ou telle amélioration à apporter aux vannes, ou tel agrandissement à faire aux écluses, bien qu’elles soient prévues à 170 mètres. Encore là, M. Charguéraud pose un point d’interrogation: est-ce bien la même interprétation que celle du Conseil fédéral? On se trouve vis-à-vis du texte formel des articles 354 et suivants qui ne sauraient être «interprétés» de deux manières différentes; – d’après M. Charguéraud – un cas analogue à celui de l’article 65 qui prévoit la nomination et la révocation par la Commission du Rhin du Directeur des ports de Kehl et Strasbourg, étant bien entendu que ledit Directeur devra être de nationalité française. Pas plus que la délégation suisse ne pourrait proposer la nomination d’un directeur – si compétent fût-il – qui ne serait pas français, pas plus elle ne saurait s’occuper, au sein de la commission, d’un projet qui ne fût pas le canal prévu au Traité et déjà accepté par les signataires du Traité. Quant à la possibilité de remettre, d’une manière qui ne nous lie aucunement, notre projet de note, M. Charguéraud n’y voit point d’inconvénient.
Faut-il le faire? Je vous avoue que j’ai encore des hésitations, car je sens qu’on veut nous acculer à la reconnaissance tale quale du Traité de Versailles; notre note aura beau n’être qu’un projet, nous n’en aurons pas moins abattu notre jeu et nous serons liés par ce que nous y disons; ou bien entrevoyez-vous la possibilité de tenir compte de telle ou telle modification que demanderait le projet éventuel de réponse française. Dans votre lettre du 4 courant vous me recommandez instamment de ne pas «lâcher» la note avant d’être certain qu’elle ne sera point, aux yeux du Gouvernement français, un empêchement à l’entrée de nos délégués à la Commission centrale; or, j’aimerais mieux attendre encore quelque peu; il paraît que, pour le Danube, les choses ne marchent pas tout seul et qu’il y a encore plus de difficultés que pour le Rhin; la Commission du Danube poursuivra bientôt ses travaux à Vienne; ensuite viendra la période électorale pour le renouvellement d’un tiers du Sénat; M. Claveille disparaîtra dans son Département, car il est soumis à réélection; il est donc fort probable que la Commission du Rhin ne se réunira pas avant le 20 janvier; nous avons du temps devant nous et qui sait s’il ne vaut pas mieux ne pas brusquer les choses. Pardonnez-moi d’être trop prudent, mais pour rien au monde je ne voudrais aller de l’avant sur un terrain aussi peu sûr, sans votre assentiment. Ou bien estimez-vous que nous puissions risquer le dépôt, à titre personnel, du projet de votre note?
Comme j’aurai l’honneur de dîner avec vous, Monsieur le Président, dimanche soir chez M. Ador, vous estimerez peut-être opportun d’attendre jusque là pour vous entretenir avec moi de cette question.
Je tiens à ne point terminer ce rapport sans vous dire que M. Charguéraud m’a renouvelé sa précédente déclaration (qui cadre avec celle de M. Millerand à Lausanne) à savoir que, sur le canal latéral, la navigation sera aussi libre que sur le Rhin; il a ajouté: «ah! si je pouvais avoir pendant deux heures vos techniciens à mon bureau je suis certain qu’ils reconnaîtraient l’excellence de notre projet et que les objections suisses tomberaient.»5
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