Language: French
11.12.1919 (Thursday)
Le Chef du Département de l’Economie publique, E. Schulthess, au Chargé d’A ff air es de Suisse à Bruxelles, F. Barbey
Letter (L)
Précisions au sujet de l’accord charbonnier avec la Belgique. Arguments en faveur de la suppression de la clause favorisant le port d’Anvers.

Classement thématique série 1848–1945:
VI. LE RAVITAILLEMENT DE LA SUISSE
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Printed in

Jacques Freymond, Oscar Gauye (ed.)

Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 7-II, doc. 193

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Bern 1984

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Cover of DDS, 7-II

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dodis.ch/44404
Le Chef du Département de l’Economie publique, E. Schulthess, au Chargé d’A ff air es de Suisse à Bruxelles, F. Barbey1

Votre lettre du 8 décembre2 vient de nous arriver. Nous avons l’honneur d’y répondre comme suit:

Le texte de l’accord conclu entre la Suisse et la Belgique relativement aux charbons n’a pas été publié, mais la presse n’a reçu que des renseignements oraux sur son contenu. A l’occasion de cette conférence, on constata qu’un journaliste de la Suisse romande avait déjà connaissance de la clause concernant l’utilisation du port d’Anvers.3 Ce journaliste aura très probablement puisé cette information à une source belge. Il va sans dire que nous n’aurions pas rendu publique cette stipulation; nous regrettons autant que vous-même qu’elle soit parvenue à la connaissance d’un tiers.

Nous comprenons parfaitement qu’il soit difficile d’obtenir, lors du renouvellement de l’accord, l’abrogation de l’article 2 et que le Gouvernement belge soit très sensible sur ce point.

Vos observations touchant le concours de la Belgique dans les questions se rapportant à la navigation sur le Rhin répondent absolument à notre manière de voir. D’autre part, on ne saurait méconnaître que les mêmes considérations s’appliquent à nos rapports avec la Hollande.

Ce pays, tout comme la Belgique et nous-mêmes, est intéressé à la solution de la question de la navigation sur le Rhin. Pendant toute la durée de la guerre, les relations économiques entre la Suisse et la Hollande ont toujours été très agréables. Le Gouvernement hollandais prétend, et non pas à tort, que la Suisse ne saurait traiter la Hollande moins favorablement que la Belgique et que le renouvellement de la clause touchant le port d’Anvers ne serait pas compris en Hollande. Nous nous trouvons donc dans une situation quelque peu délicate et nous devons agir avec beaucoup de prudence pour éviter du mécontentement de part et d’autre. Or, cela ne sera pas possible, pour autant qu’il s’agit de la Hollande, si nous maintenons l’article 2 de l’accord avec la Belgique. Nous nous sommes aussi entretenus de cette question avec M. Lucien Cramer du Département politique qui, comme vous le savez, s’occupe spécialement du problème de la navigation rhénane. M. Cramer est du même avis que nous.

Nous ne doutons pas qu’il vous soit possible d’amener le Gouvernement belge à renoncer au maintien de l’article 2, en lui exposant que, par principe, nous ne pouvons nous lier à aucun port déterminé, mais que nous cherchons à revenir aux conditions normales, c’est-à-dire à nous régler uniquement sur les conditions de transport, telles qu’elles résultent de la libre concurrence. Faites observer qu’évidemment nous continuerons volontiers à utiliser le port d’Anvers, dès que les conditions de transport nous le permettront et que, dès lors, le Gouvernement belge n’a aucun intérêt pratique au maintien de la clause.

L’importance que les transports suisses offrent actuellement n’est du reste pas appelée à durer, car elle dérive, pour une bonne part, des circonstances extraordinaires créées par la guerre. Cela s’applique spécialement à nos transports de charbon. Ces derniers n’entreront plus en ligne de compte, lorsque nous ne serons plus obligés d’importer du charbon d’Amérique, mais que nous pourrons du nouveau nous adresser à nos fournisseurs normaux: l’Allemagne, la France et la Belgique, et renoncer au monopole des charbons. Nous espérons que cela sera le cas dans un délai relativement court. De même, après l’abolition du monopole des céréales et du sucre, le transport de ces denrées ne se fera plus, comme maintenant sur des bateaux exclusivement affrétés et chargés pour la Suisse, mais elles pourront arriver dans les ports européens, en de nombreux envois partiels, avec des marchandises destinées à d’autres pays. Une fois ces marchandises en Europe, il arrivera fréquemment qu’on ne saura pas du tout si elles sont destinées au ravitaillement de la Suisse ou d’autres pays. Pour parler au sens figuré, le fleuve actuel des marchandises d’importation suisses se décomposera en un nombre illimité de petits ruisseaux, de sorte qu’on ne pourra bientôt plus parler d’un trafic suisse dans sa forme actuelle. Il sera utile d’attirer, aujourd’hui déjà, l’attention du Gouvernement belge sur cette évolution, qui ne constituera que le retour à des conditions normales.

Pour ce qui est du crédit, nous réservons encore notre décision définitive. Il n’est pas impossible que nous fassions sur ce point des concessions à la Belgique, si cela est absolument nécessaire.

P.S. Nous avons discuté de l’affaire avec M. le Conseiller fédéral Calonder, qui partage notre manière de voir.

1
Lettre (Copie): EVD Zentrale 1914-1918/21-22P.94/GB. Accord relatif aux charbons. Paraphe: KW.
2
Cf. no 187.
3
Sur cette question, cf. nos 84, 151, 177.