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Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 7-I, Dok. 112
volume linkBern 1979
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Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
▼ ▶ Signatur | CH-BAR#E2001B#1000/1522#1* | |
Alte Signatur | CH-BAR E 2001(B)1000/1522 1 | |
Dossiertitel | Aussenpolitische und militärische Berichte von Bern an schweizerische Vertretungen im Ausland (Auszüge aus politischen Berichten) (1918–1920) | |
Aktenzeichen Archiv | D.1 |
dodis.ch/43857
La Division des Affaires étrangères du Département politique aux Légations de Suisse1
Aux Etats-Unis on a l’impression que le Président Wilson maintiendra son point de vue, à teneur duquel la Société des Nations devra être créée après la Conférence de la paix et devra exclure toute alliance secrète séparée. Personne en dehors du Colonel House n’est au courant des idées du Président, aussi la nouvelle de sa mort, que nous apportent les journaux, serait-elle grosse de conséquences, si elle se confirmait. M. Rappard avait avec le Colonel House les meilleurs relations et nous avait souvent servi d’intermédiaire pour des communications que nous désirions faire parvenir à M. Wilson. Nous espérons vivement que la nouvelle est inexacte.
Au cours des dernières semaines, il y eut au Sénat américain des débats animés à l’occasion du vague qui règne autour des intentions du Président, qui se vit violemment attaqué par les Républicains sous la direction de Knox et de Lodge. La majorité républicaine au Congrès menace de refuser son consentement à tout arrangement international qui mette en question la souveraineté des Etats-Unis et qui fasse craindre une immixtion dans les disputes du Vieux-Monde. Elle réclame une prompte conclusion de la paix et un renvoi à plus tard des négociations concernant la Société des Nations. Cette opposition provient surtout de la mauvaise humeur du Sénat qui n’a pas été consulté sur la représentation des Etats-Unis à la Conférence de la Paix. Il y a là une protestation contre le régime personnel de M. Wilson. Depuis longtemps aussi, on est mécontent aux Etats-Unis des tendances socialistes de la politique du Gouvernement. Même au sein du parti démocratique, on a désapprouvé les coquetteries de M. Wilson avec les délégations socialistes européennes et le Sénat tient à prévenir le Président qu’il ne contresignera pas purement et simplement tout ce qui lui sera prescrit. Tout cela tendrait à indiquer que la Société des Nations à créer à Paris risque de ne pas dépasser les limites d’une obligation morale; mais M. Taft fait aux Etats-Unis une importante propagande en faveur d’une Ligue pour la paix obligatoire.
On attend que M. Wilson fasse à son retour en Amérique le nécessaire pour regagner toute la confiance de l’opinion publique; il est possible qu’il y arrive mais ce n’est pas certain. C’est au 18 février que ce retour en Amérique serait fixé.
Le désir des Allemands de se voir notifier la date des préliminaires de paix ne paraît pas devoir aboutir, car l’Entente n’a nullement l’intention d’adresser aucune communication à Berlin, où elle estime qu’il n’y a pas de Gouvernement. D’ailleurs, les Alliés établiront d’abord entre eux les conditions de la paix et ils convoqueront ensuite les Représentants des Empires Centraux pour leur en donner connaissance.
On nous informe qu’il paraît toujours plus probable que les Français ne rendront pas à la paix les prisonniers allemands, mais qu’ils les conserveront en France pour les employer à la reconstruction des régions dévastées. Cette manière de faire paraît être considérée en France comme normale et naturelle. Elle pourra provoquer chez nous des difficultés à cause des internés allemands que nous possédons et que la France se refuse à nous laisser rapatrier. L’Angleterre s’y est montrée disposée, mais la France n’a pas jusqu’ici consenti à modifier son point de vue. Elle s’est bornée à nous faire savoir que si les internés allemands nous gênaient, nous n’avions qu’à les lui renvoyer en qualité de prisonniers. Il nous est évidemment impossible de le faire et nous nous trouvons ainsi empêchés de liquider l’internement qui représente, maintenant que la guerre est finie, un élément tout à fait indésirable pour notre vie suisse.
Le Conseil Fédéral a décidé aujourd’hui d’entrer en relations de fait avec M. Adolf Müller comme représentant de l’Allemagne et avec M. Szilassy comme représentant de la Hongrie. Par notre censure des télégrammes, nous avons connaissance des innombrables injures dont MmeSchwimmer et ses ennemis s’accablent à l’envi.2
La commission pour l’étude des problèmes connexes à la création d’une Société des Nations ayant terminé ses travaux, nous remettons aux Etats qui nous en avaient fait la demande (Suède, Norvège, Danemark, Espagne) le mémoire de M. Huber, en les informant que nous serons heureux d’échanger des vues avec eux sur ces questions.3
Le contrecoup des conditions financières imposées à l’Allemagne par l’armistice est l’objet d’un sérieux examen de la part des Autorités suisses.
L’intervention en Russie rencontre en Italie la même opposition qu’ailleurs, tant dans les milieux socialistes que dans les rangs de l’Armée.
De source française autorisée, nous apprenons que, tandis qu’à la Consulta on considère le traité de Londres comme un minimum, on y voit à Paris un maximum. Quand il fut conclu, les Italiens ne se souciaient nullement de prendre Fiume qu’ils voulaient laisser à la Hongrie. Maintenant, non seulement ils réclament Fiume, mais encore la plus grande partie de la Dalmatie. «Les ennemis de l’Italie, nous dit-on, doivent souhaiter que l’Italie obtienne tout ce qu’elle demande, car elle se crée un danger perpétuel à l’une de ses frontières. Si l’Italie venait à être engagée dans une guerre, elle devrait mobiliser quatre cent mille hommes pour se défendre contre les Slaves.»
Notre interlocuteur croit que le Gouvernement italien s’est laissé forcer la main par les partis nationalistes et que maintenant s’il n’obtenait pas tout ce qu’il promet à l’opinion, ce sont les révolutionnaires de toutes les nuances qui chercheraient à en profiter. Il estime que le Ministère est très ébranlé par ces divisions intestines.
En Espagne, la commission extra-parlementaire, nommée dans le but d’étudier les demandes d’autonomie présentées par la Catalogne et d’autres régions, sera bientôt en mesure de soumettre son préavis aux Chambres, qui s’ouvriront incessamment.
La question des bateaux allemands et autrichiens réfugiés dans les ports espagnols, n’a pas encore été réglée.
En Autriche, le Comte Czernin, ancien Ministre des Affaires Etrangères, se met en avant autant qu’il peut. Une propagande en sa faveur est faite par plus de 2000 officiers, qui lui ont promis de maintenir l’ordre le jour des élections. Czernin jouit d’un certain prestige dans la population viennoise mais ses pairs lui reprochent de manquer de franchise. Il n’a pas grand succès dans les conférences qu’il tient et la presse l’attaque avec acharnement. Il se déclare républicain; après avoir préconisé l’alliance allemande, il tend maintenant la main aux Tchèques et vise à une Confédération danubienne.
Nous vous avons communiqué l’impression de Berlin que l’anarchie menaçait l’Europe et que l’occupation des grands centres par l’Entente pouvait seule conjurer ce péril. Cette impression n’est pas limitée à Berlin, ni même à l’Allemagne et nous en recevons des échos d’autres côtés. Il n’y a pas de doute que les Empires Centraux et tout ce qui, chez eux, a encore des biens à défendre, redoute l’ennemi intérieur bien plus que l’ancien adversaire.
La grande majorité en Autriche est contre l’agrégation à l’Allemagne. A la campagne, le parti socialiste chrétien l’emportera, car les femmes sont toutes dans les mains du clergé; parmi les hommes, les éléments radicaux ont été exaspérés par les mauvaises expériences qu’ils ont faites avec les Autorités militaires pendant la guerre. A Vienne, il se produit dans le socialisme un déplacement des forces du côté de gauche. On y a, dans certains milieux, l’impression qu’après les élections les Socialistes provoqueront une émeute et que les bourgeois se retireront dans leurs maisons pour s’y laisser massacrer. C’est toujours l’ennemi intérieur, devant lequel disparaît l’hostilité envers l’adversaire d’hier.[...]
Par un général polonais, qui a servi sous Denikine contre les bolcheviks, nous apprenons que l’armée maximaliste compte près d’un million. Les troupes sont admirablement équipées et la munition est abondante. Elle a généralement été acquise des Allemands. Il y règne une discipline de fer et la moindre infraction est punie de mort. Aucun pillage; sur chaque bolchevik prisonnier on trouve des milliers de roubles. Il n’y a plus de conseil des soldats et le commandement est exercé par des officiers de l’ancienne armée, qui ne font pas de politique et vivent de leur solde. On cite l’exemple d’une ville où de grandes réserves d’alcool étaient concentrées: lorsque les bolcheviks la prirent, rien ne fut pillé, et quand, le lendemain, Denikine et ses troupes y pénétrèrent, le saccage et le désordre se manifestèrent de la manière la plus éhontée. Denikine n’aurait que 25000 hommes avec lui, mal équipés et mal payés.
Hier est parti de Bâle le train qui a emporté vers la Russie la plupart des Russes qui nous restaient. Nous n’avons pas forcé les Russes à s’en aller; ceux qui ont refusé de partir ont pu rester en Suisse. Quelques incidents se sont produits au cours de ce départ: cortège de «Jungburschen», manifestations de Platten, protestations de femmes. Le Gouvernement allemand a catégoriquement refusé de prendre livraison de M. et MmeGuilbeaux, que nous désirions faire partir par ce train, Guilbeaux ayant reçu la naturalisation d’honneur russe. Nous serons donc obligés de réinterner cet indésirable à Savatan. Nous avons aussi empêché, à la frontière, le départ de trois femmes russes: MmeKarakan, femme du fonctionnaire moscovite, Mme Schlowsky et MmeLoubarsky, femmes de deux membres de la Légation bolchevique à Berne. Ces trois femmes, avec M. et MmeBagotzky, représentants de la Croix-Rouge bolchevique, sont les seuls otages que nous possédions et nous comptons les garder pour tâcher d’obtenir le retour en Suisse de notre Légation à Petrograd e. Ces otages ne sont nullement privés de leur liberté de mouvement et nous nous bornons à empêcher leur sortie de Suisse. Les trois femmes sont inoffensives mais le couple Bagotzky nous inspire peu de confiance.
Au Foreign Office de Londres on annonce que M. Odier aurait été fait prisonnier, nous n’avons aucune confirmation de cette nouvelle.
Le dernier courrier arrivé de Berlin nous donne sur son voyage les renseignements suivants. Lorsqu’il traversa Munich la semaine dernière, il trouva la gare en mains de troupes des conseils d’ouvriers et de soldats, car on venait de s’y battre. Beaucoup de voleurs s’étaient mêlés au groupe d’attaque, avec des sacs vides qu’ils espéraient remplir en pillant la gare à la faveur du désordre.
A Berlin, notre courrier arriva à la gare d’Anhalt pendant qu’elle était attaquée par les spartaciens, qui occupaient les maisons d’en face et tiraient de là. Les environs de la gare étaient sous le feu, mais, en dehors des lieux de combat la circulation était normale. Des troupes revenant du front entraient en ville sous le commandement des officiers et les forteresses des spartaciens tombaient les unes après les autres. La circulation des tramways était maintenue et les conducteurs évitaient les endroits dangereux grâce à un ingénieux système d’aiguillage, qui réunissait les voies les unes avec les autres. Notre interlocuteur a été tout particulièrement frappé par le fait que, même à proximité immédiate des combats, les lieux de divertissement restaient ouverts: au son des canons et des mitrailleuses, cinématographes et salles de danse battaient leur plein!
Au retour de Munich, le 12, notre courrier constata que les élections à l’Assemblée nationale avaient lieu dans le plus grand calme, plus tranquillement même que les anciennes élections au Reichstag.
En date du 16, M. Mercier nous a fait savoir que cinq divisions étaient entrées l’avant-veille à Berlin pour libérer la ville du terrorisme, pour assurer la sécurité des personnes et des propriétés, la liberté de la presse et les opérations électorales. Ces troupes, aidées de la police, ont procédé à des visites domiciliaires et ont désarmé systématiquement la population. M. Mercier confirme la mort de Liebknecht et de RosaLuxemburg et constate une grande détente. Il signale les excès des spartaciens en Silésie et rapporte que le comité des ouvriers et soldats d’Essena déclaré la socialisation obligatoire de l’exploitation des Mines. Il se préoccupe des progrès de l’armée bolchevique à Mittau, qui tend à rejoindre la frontière allemande pour s’y unir avec les spartaciens. La marche en avant des Polonais risque de couper les Allemands de leur charbon de Silésie. A Brème, tenue par le prolétariat, des combats ont lieu dans les rues. En Bavière, Eisner veut maintenir simultanément avec l’Assemblée nationale l’influence des conseils des ouvriers et soldats comme facteur gouvernemental. Il refuse au Centre et aux libéraux une participation au Gouvernement.
On paraît désapprouver en haut lieu le meurtre de Liebknecht et de RosaLuxemburg et craindre que les élections berlinoises ne donnent une augmentation de voix aux spartaciens.
Le Gouvernement argentin a réprimé avec énergie le mouvement maximaliste qui s’est manifesté à Buenos-Aires. Les morts, les blessés et les prisonniers sont pour la plupart des étrangers, heureusement pas des Suisses. Bien que la situation dans la ville soit redevenue normale, la grève des Marins dure encore et des mouvements se produisent dans les provinces, aussi la Chambre a-t-elle autorisé le Gouvernement à proclamer l’état de siège.
Aux Pays-Bas on craint des désordres socialistes pour le 20 et le Ministère prend des mesures en conséquence.
On nous mande de bonne source qu’en Ukraine un directoire gouverne et fait la guerre à la fois contre l’armée du Don, contre une armée russe monarchiste, composée de volontaires, et contre les troupes de l’Entente. Les bolcheviks en profitent pour envahir l’Ukraine; ils se trouveraient déjà à mi-chemin entre Charkow et Kiefï.
- 1
- Rapport politique (Copie): E 2001 (D) c 1/1919.↩
- 2
- Rosa Schwimmer souhaitait devenir chef de la Mission du Gouvernement hongrois à Berne avec laquelle le Département politique entretenait des relations de facto. Dans cette affaire, le Chef de la Division des Affaires étrangères, Ch. R. Paravicini a transmis le 13 décembre 1918 les décisions du Conseil fédéral au Ministre de Suisse à Vienne, Ch. D. Bourcart: Die Herren Bundesräte sind der Ansicht, dass die gegenwärtigen schwierigen Zeitverhältnisse nicht dazu geeignet sind, um eine so durchgreifende Neuerung, wie es die Übernahme eines tatsächlichen politischen Verkehrs einer Vertretung mit der Bundesregierung durch Damen darstellt, einzuführen. Es erscheint daher als geboten, dass mit diesem Verkehr, auch wo es sich um nicht akkreditierte Vertretungen handelt, bis auf weiteres ausschliesslich Herren beauftragt werden. Für Ihre persönliche Information möchten wir Ihnen mitteilen, dass wir den Eindruck haben, Frau Rosa Schwimmer sei mit diesem Standpunkt des Bundesrates keineswegs einverstanden und werde nichts unterlassen, um schliesslich doch ihre Annahme als Gesandter durchzusetzen. Sie macht den Eindruck einer sehr intelligenten, aber ausserordentlich hartnäckigen und sich aufdrängenden Frau, die jedenfalls kein Mittel unversucht lassen wird, um ihren Willen durchzusetzen. Wir vernehmen, dass sie ihrer Regierung die Tatsachen nicht genau so darstellt, wie sie liegen und den Eindruck hervorrufen möchte, als ob im Gegenteil der Bundesrat nicht abgeneigt wäre, seinen Standpunkt zu ihren Gunsten zu ändern. Wenn Sie Gelegenheit haben, zu verstehen zu geben, dass die schweizerische Regierung einstweilen keine Damen als Gesandte zu empfangen gedenkt und diesen Standpunkt Frau Rosa Schwimmer gegenüber klar und deutlich ausgesprochen hat, so dürfte dies dazu beitragen, die ungarische Regierung über den wirklichen Sachverhalt aufzuklären. (E 2200 Wien 9/1).↩
- 3
- Cf. no 61.↩
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