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Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 7-I, Dok. 103
volume linkBern 1979
Mehr… |▼▶Aufbewahrungsort
Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
▼ ▶ Signatur | CH-BAR#E2001B#1000/1522#1* | |
Alte Signatur | CH-BAR E 2001(B)1000/1522 1 | |
Dossiertitel | Aussenpolitische und militärische Berichte von Bern an schweizerische Vertretungen im Ausland (Auszüge aus politischen Berichten) (1918–1920) | |
Aktenzeichen Archiv | D.1 |
dodis.ch/43848La Division des Affaires étrangères du Département politique aux Légations de Suisse1
En ce qui concerne les idées de la France sur les tarifs douaniers et les futurs régimes conventionnels, nous avons reçu sur la situation au 1er janvier les renseignements suivants:
1. Tout d’abord les pourparlers économiques entre Alliés, pour régler leurs relations commerciales à la fin de la guerre, sont encore fort loin d’avoir abouti; il y a beaucoup de vague et ce sera justement une des plus grosses questions à l’ordre du jour des conférences préliminaires de paix que d’arriver à une entente à cet égard. Une grosse difficulté surgira dans le fait que, pour reprendre une vie économique normale, la France ne désire pas être handicapée, car c’est elle qui a le plus souffert de la guerre, et il y a des matières premières qui y coûtent beaucoup plus cher que dans d’autres pays. La moyenne du renchérissement des matières premières en France serait 423% alors qu’elle n’est en Angleterre que de 220%. Il faut donc avant tout ramener un peu d’équilibre, avoir ce qu’on appelle un fair start en termes de courses de chevaux, afin que les participants à la course aient d’égales chances. Dans la pensée du Gouvernement français, on voudrait arriver à créer un prix sensiblement le même dans tous les pays pour les 12 ou 15 matières premières les plus essentielles, par exemple le blé, le sucre, le fer, le charbon etc.; on désire également que le frêt du pays producteur au pays destinataire soit établi sur une même base, c’est-à-dire par exemple que du maïs argentin ne revienne pas plus cher à transporter de Buenos-Aires à Bordeaux que de Buenos-Aires à Hambourg. Et l’on étudie la question de savoir si l’on imitera ce qui s’est fait ces derniers mois pour les achats de plomb en Espagne. On instituerait un «pool» d’achat pour les matières premières, «pool» auquel participeraient tous les états, même les ennemis des Alliés; ce que l’on veut avant tout, c’est que l’ennemi n’ait pas de plus grandes chances à repartir du pied droit que la France, qui a été terriblement meurtrie. Tout cela ne sont encore que des projets, mais des projets que l’on est en train de mûrir fort sérieusement.
2. En ce qui concerne la France, elle n’est point encore prête à mettre ses projets sur le papier d’une manière précise; toutefois, le Gouvernement semble avoir l’intention de proposer au Parlement l’adoption d’un tarif maximum et d’un tarif minimum; entre ces deux tarifs, le Gouvernement aurait pleine latitude de se mouvoir pour des négociations avec les Etats étrangers. Il n’y aurait plus de clause générale de la nation la plus favorisée, mais pour les 12 ou 15 articles qui concernent plus particulièrement la Suisse, rien n’empêcherait de leur donner le taux le plus favorisé.
Les premiers jours de janvier, M. Clémentel a fait à une mission d’ingénieurs américains des déclarations qui confirment ce qui précède:
«Alors», dit-il, «que le chiffre-indice pour 45 produits alimentaires et matières premières essentielles à la vie économique a subi aux Etats-Unis une hausse qui représente environ 210% de l’indice d’avant-guerre, alors qu’en Angleterre la hausse atteint 260%, en France elle se chiffrait à la fin du premier semestre 1918, par 384%, et si l’on envisage les matières premières de l’industrie seulement, par 434%.
La France est handicapée dans la lutte économique de demain, et ce serait», s’écrie le Ministre, «faire civière de la solidarité dont l’Amériquea montré, au cours de la guerre, une si haute compréhension que de forcer notre pays à subir, dans la paix, les conditions inégales qu’elle a consenties avec une incontestable magnanimité au cours de la guerre en vue de la victoire commune.
Elle a donc besoin, pendant la période qui va suivre, que les Gouvernements alliés mettent en commun, à des conditions sensiblement égales, les matières premières déficitaires dans l’univers.»
En Angleterre, des mutineries de soldats se sont produites sur une grande échelle à Folkestone, Douvres et ensuite d’autres camps militaires de Grande-Bretagne. Elles ont été provoquées par le désir des soldats qui devaient retourner au front d’être démobilisés le plus tôt possible. Des incidents de ce genre n’ont pas dans ce Pays l’importance qu’ils auraient dans d’autres. Les autorités parlementent avec les hommes et on arrive à s’entendre à l’amiable. Cependant et malgré la menace bolcheviste devenant toujours plus pressante à la frontière russo-allemande, il ne saurait plus être question d’envoyer de nouvelles troupes britanniques en Russie. C’est ce que vient de faire connaître officiellement le Ministre de la Guerre. Les volontaires que l’on engage pour la Russie en leur offrant une excellente solde, un bon équipement et en leur promettant des chances d’avancement sont uniquement destinés à maintenir l’effectif des vingt mille hommes qui se trouvent déjà en Russie.
A Londres même, 4000 soldats ont manifesté le 8 janvier à Whitehall, après avoir abandonné leur cantonnement en exigeant leur libération immédiate et en annonçant qu’à aucun prix ils n’iraient en Russie. On agit à leur égard avec la plus extrême douceur, en évitant de provoquer d’autre conflits.
Nous avons de Londres une nouvelle confirmation du soin qu’on a pris d’isoler M. Wilson: le Président avait désiré recevoir tous les chefs de Mission au cercle, mais on l’en empêche positivement.
C’est Sir EyreCrowe qui représentera particulièrement l’Angleterre pour les questions touchant l’Europe occidentale à la conférence de Paris. On entend déjà des échos du mécontentement des petits Alliés qui craignent de n’avoir au Chapitre qu’une voix insignifiante.
M. Dutasta nous dit que les Neutres seront certainement invités à discuter les questions qui les intéressent, mais que le mode de procéder n’est pas encore établi. La navigation fluviale provoquerait probablement l’admission de tous les intéressés en séance plénière. On admet que la Conférence actuelle resterait exclusivement interalliée et durerait environ deux mois. La Société des Nations ferait l’objet d’une seconde conférence au printemps.
Nous ne vous donnons pas de détails sur les événements de Berlin que la presse reçoit aussi vite que nous. Nous renonçons à vous transmettre télégraphiquement les renseignements de M. Mercier, car nous avons constaté qu’ils concordent avec ceux des journaux et vous arrivent comme moutarde après dîner.
Mais il vous intéressera de connaître sur la propagande bolchevique des Allemands les renseignements suivants, qui proviennent pour la plupart précisément de source bolchevique allemande.
Il existe à Berlin un comité qui s’est donné pour tâche de révolutionner les pays neutres: A sa tête se trouve Liebknecht. Chaque semaine il se réunit deux ou trois fois dans une maison de la Friedrichstrasse pour discuter les questions pendantes. Un rapporteur est désigné pour chaque pays neutre: Pour la Suisse, c’est l’écrivain berlinois Julian Borchardt. Ce rapporteur concentre entre ses mains tous les fils de la propagande révolutionnaire dans le pays dont il est chargé. Le comité reçoit ses instructions d’une organisation pour la Révolution de l’Europe qui existe en Russie et qui lui envoie beaucoup d’argent. Une dépendance de cette organisation est établie à Stockholm, d’où partent à la destination de l’Italie des agents généralement nihilistes, qui ont le plus souvent joui naguère de l’hospitalité suisse. Un des fauteurs de cette organisation révolutionnaire allemande s’est exprimé vis-à-vis d’une personne éminemment et officiellement antibolchevique comme suit:
«Nous voulons empêcher que le calme renaisse en Allemagne, afin de pousser l’Entente à occuper Berlin, ce qui nous rapprochera de notre but. Car, de même que les troupes allemandes ont été inoculées en Russie de l’esprit révolutionnaire, de même les troupes de l’Entente seront en Allemagne gagnées à nos idées. Les soldats des Alliés, rentrés dans leur pays, y provoqueront la même révolution qui s’est produite chez nous. En ce qui concerne la Suisse, nous considérons comme indispensable de mettre la main justement sur ce modèle de République bourgeoise. La Suisse est l’organe de liaison économique et intellectuel le plus important dans la direction de la France et de l’Italie. Tant que notre tâche ne sera pas accomplie en Suisse nous ne pourrons pas songer à la conquête de la France. Il y a quelque temps, il semblait qu’en Suisse les choses mûrissaient et que l’on approchait d’une prompte décision. Malheureusement un recul semble s’être produit, mais nous continuons à travailler sans nous laisser distraire».
L’organisation centrale des bolcheviks est à Zurich et les informateurs de Borchardt lui disent que le mouvement révolutionnaire se développe davantage en Suisse allemande et italienne qu’en Suisse romande. A Zurich, à Bâle, à Berne, à St. Gall, à Lugano et ailleurs, des conseils d’ouvriers et de soldats travailleraient en secret.
Nos courriers nous donnent sur la situation en Allemagne des renseignements inquiétants. Dans la gare de Berlin, on essuie des coups de feu sans savoir d’où ils viennent; pas moyen de reconnaître les troupes gouvernementales des spartaciens. Personne ne veut travailler: quand la municipalité a demandé 1000 ouvriers pour balayer les rues, il s’en est présenté 70 alors que des centaines de mille hommes se promenaient par les rues. On nous parle de vitres brisées, de magasins pillés.
Au point de vue politique, Spartacus paraît avoir déjà fait beaucoup pour saboter l’Assemblée Nationale, en détruisant les listes déjà dressées et en interrompant tout le travail de préparation.
Au Portugal la situation du Gouvernement reste difficile; notre consul nous télégraphie qu’on cherche à renverser les Autorités au pouvoir et que l’atmosphère est chargée.
M. Calonder a passé la semaine dernière à Territet où a eu lieu une séance plénière de la Commission pour la Société des Nations. Cette session de la Commission devait aboutir à des conclusions définitives. M. Calonder rentrera demain à Berne.
La question de la succession de M. de Romberg n’est pas encore résolue. Le candidat proposé par le Gouvernement allemand est M. Adolf Müller, socialiste majoritaire, rédacteur de la Münchener Post, membre du Parlement Bavarois. M. Müller, qui réside depuis longtemps en Suisse ne semble pas avoir été en mauvais termes avec la Légation d’Allemagne, bien qu’il ait écrit sur celle-ci un article sous ce titre suggestif: Les écuries d’Augias.
- 1
- Rapport politique (Copie): E 2001 (D) c 1/1919.↩