Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 5, doc. 284
volume linkBern 1983
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#890* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 393 | |
Dossier title | Rom, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 14 (1908–1912) |
dodis.ch/43139 Der schweizerische Gesandte in Rom, J. B. Pioda, an den Bundespräsidenten und Vorsteher des Politischen Departementes, M. Ruchet1
J’ai l’honneur de vous transmettre sous bande le No 3 du 15 et du Journal l’Italia all’Estero contenant le fameux article à sensation sur les alliances de la Suisse avec l’Autriche-Hongrie contre l’Italie et avec l’Allemagne contre la France qui vous a procuré la visite du correspondant du Corriere délia sera, Mr. Barzini.
Ce journal n’a pas d’importance et n’a pas d’abonnés. Il a suspendu l’année dernière ses publications. Le directeur actuel, Foà, secouru par pitié par Tittoni, a fait ensuite du chantage contre lui. L’article est fait pour se faire de la réclame.
Mais si le motif de cette publication à sensation nous est indifférent, il est de quelque intérêt de savoir que la matière a été fournie par des bruits que j’ai eu l’honneur de vous signaler dans mon rapport du 28 Décembre dernier2 au sujet de la convention du Gothard et dans le rapport politique du 3 Février écoulé3 (avant-dernière page).
J’ai lieu de croire que l’état-major italien a relevé, peut-être en l’exagérant, l’importance des quelques œuvres de fortification que nous avons erigées, pour compléter celles du Gothard au Canton du Tessin. Leur proximité presque immédiate de la frontière italienne peut avoir fait croire qu’elles ont un caractère agressif. Cette circonstance aura fait entrevoir une relation avec d’autres innovations dans l’armée (cavalerie, différentes réformes dépendant de la réorganisation militaire générale) ainsi qu’avec quelque conférence sur des suppositions théoriques ayant une apparence entreprenante, même agressive, tenue, pour l’amour de l’art, par quelque officier instructeur et, de fil en aiguille, la vive phantaisie et l’impressionnabilité presque maladive de Mr. Luzzatti aidant, ce dernier a fini par entrevoir des alliances de la Suisse contre l’Italie. Et les ombres ont pris corps dans cette tête pleine d’imagination et l’ont poussée à s’ouvrir à moi et à me faire part de ses préoccupations. Comme je vous l’ai écrit, je les ai traitées d’absurdité. Mais Mr. Luzzatti n’en dormait pas et arriva jusqu’à me prier de me rendre à Berne pour vous en parler. C’était fin Décembre.
Une dizaine de jours après, le Marquis de San Giuliano me demanda si j’avais été absent. Je n’avais pas bougé de Rome. Il fit ironiquement allusion aux discours de Luzzatti et nous en avons ri ensemble. Le Roi doit s’en être amusé aussi, mais probablement pour me montrer qu’il n’y croyait en rien, à un bal de cour, sans nullement toucher au sujet, il s’entretint avec moi de choses banales pendant un temps relativement long et qui fut remarqué. Un sénateur; intime au Roi, me fit, ces jours-là, une insinuation moqueuse à l’égard du Président du Conseil. Ce dernier, m’ayant rencontré dans une soirée, me demanda si j’avais été à Berne et si je n’avais rien à lui dire. Et sur ma réponse toute négative, il revint avec plus d’insistance que jamais à son idée fixe que je me rende à Berne. Sans le contrarier, je fis part de cette conversation à Mr. de San Giuliano qui me pria de ne rien écrire et de ne pas bouger, mais que si j’avais une occasion de passer par Berne plus tard je lui ferais plaisir de me renseigner au sujet du caractère des fortifications en question afin de pouvoir donner des assurances de nature à dispenser l’état-major italien de penser à ériger lui aussi des fortifications sur notre frontière. Je lui ai dit que notre politique de neutralité nous imposait certains devoirs de prévoyance pour toute éventualité et que notre Assemblée fédérale avait demandé à ce que le plan de défense fût complété en ce qui concerne les fortifications, mais qu’elle était animée d’un esprit d’économie et non agressif puisqu’elle avait réduit le budget des dépenses pour les fortifications d’un million. Je fis remarquer du reste que l’Italie aussi avait fait des fortifications au Simplon, et bien plus formidables que les nôtres et que nous ne disions rien, chacun ayant le droit de se défendre comme il croit. Une circonstance s’offrit à moi qui me donna la possibilité de rassurer entièrement Mr. Luzzatti et l’état-major italien. Des raisons de santé me firent faire une absence de Rome et j’en profitai pour aller rendre visite au regretté Conseiller fédéral Brenner à Menton. A cette occasion je lui fis part des préoccupations en question. Il me renseigna amplement sur tous les détails (avec une limpidité d’esprit qui me donnait toute confiance en ses conditions de santé) et confirma substantiellement ce que j’avais déjà dit à mes interlocuteurs à Rome. En effet, rentré ici, j’ai pu assurer ces Messieurs que j’étais parfaitement bien renseigné et l’incident a été clos. J’ai l’impression qu’on aurait bien aimé ici qu’on n’en eût jamais rien su à Berne. Mais en l’état des choses et après la disparition de Mr. Brenner, qui se proposait de vous en entretenir verbalement, j’ai cru qu’il était opportun de vous mettre au courant de ce qui précède.
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