Thematische Zuordung Serie 1848–1945:
II. BILATERALE BEZIEHUNGEN
8. Frankreich
8.2. Handelsvertragsverhandlungen
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 5, doc. 131
volume linkBern 1983
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E13#1000/38#175* | |
Old classification | CH-BAR E 13(-)1000/38 38 | |
Dossier title | Korrespondenz des Handelsdepartements mit der Schweizer Gesandtschaft in Paris (1906–1906) |
dodis.ch/42986 Der schweizerische Gesandte in Paris, Ch. Lardy, an den Vorsteher des Handels-, Industrie- und Landwirtschaftsdepartementes, A. Deucher1
Ce matin, dans la tribune du Président de la République, à la revue de l’armée de Paris, le Ministre du Commerce Doumergue est venu se placer à côté de moi pendant que nous attendions l’arrivée de M. Fallières, qui faisait en voiture sa promenade au milieu des troupes. Il a abordé nos négociations le premier, sur un ton plutôt raide et irrité, puis la conversation est devenue peu à peu plus aimable. M. Doumergue s’est longuement plaint de notre raideur à propos des vins, affirmant que beaucoup de vins français du midi étaient en réalité des vins espagnols coupés en France, que si certains groupes du midi avaient accepté notre droit de 8 fr et s’il avait fini par le subir, c’était sous l’influence de commerçants et non pas de véritables producteurs; qu’il était vraiment regrettable que la Suisse n’eût pas fait une concession sur le vin, car Bordeaux rechignait encore ou au fond, personne n’était satisfait. - M. Doumergue a ajouté qu’il était en butte aux violentes attaques des soyeux pour avoir consenti au droit de 4 fr et n’était pas assez soutenu par les viticulteurs; que, d’après des renseignements de Suisses authentiques (et pas seulement de Suisses immigrés à Lyon), il nous serait possible de pénétrer encore en France au taux de 4 fr sur vos soieries; la situation n’est plus la même qu’en 1892; la «charge» sur les tissus noirs est loin d’être aussi forte qu’il y a 15 ans et on en fabrique même qui ne sont presque pas chargés du tout. «Ce sera une bataille terrible pour moi que de faire accepter à nos gens ce droit de 4 fr, mais je risque cela; je connais personnellement ces questions par des amis et même des parents qui sont dans la soie. J’ai des correspondants chez vous qui me grarantissent la possibilité pour vous d’accepter ce taux. Ne soyez pas intransigeants et aidez-moi. J’ai d’ailleurs la certitude que Zurich arrête ses envois à Paris pour fausser les statistiques et faire croire que le droit de 4 fr est trop élevé.»
J’ai compris que M. Revoil avait dû être autorisé à vous offrir 4 fr et par tactique vous avait indiqué des taux plus élevés afin de pouvoir descendre. M. Doumergue est donc allé plus loin que l’Ambassadeur de France; pour qu’il n’y eût pas d’erreur, j’ai demandé s’il n’était pas disposé à accepter tout au moins 2 fr 50 sur les noirs, comme nous l’avions offert, parce que, d’après tout ce que je savais, il y avait beaucoup plus de charge sur cette catégorie de tissus. - Doumergue a répondu: «Non, ce serait 4 fr pour tous les tissus, sans distinction de couleur. Dites bien à Berne qu’il m’est impossible de descendre au-dessous; je suis convaincu que si l’on était bien renseigné à Berne sur nos intentions, on comprendrait qu’il faut céder.» Malgré cette pierre jetée dans le jardin de la diplomatie, j’ai continué en demandant ce qu’il comptait faire du droit sur la soie, que j’avais entendu parler de son projet de la supprimer afin d’écarter l’argument de la répétition de ce droit de la soie sur le droit du tissu (je n’ai pas dit que Revoil avait parlé à Berne d’une suggestion personnelle à ce sujet, ne sachant pas si Revoil, faisait ou non de son chef cette prétendue ouverture personnelle et ne voulant pas risquer de le mettre dans une situation fausse). Doumergue a répliqué «La loi sur les primes à la sériculture arrive à son terme l’année prochaine; les primes sont combattues; il est possible qu’on les modifie et qu’on modifie aussi le droit sur les soies étrangères à l’entrée en France; cela pourrait avoir sa répercussion sur le droit des tissus. Mais je ne sais pas si je serai Ministre l’année prochaine et personne ne peut prendre d’engagements sur ce point, ni moi ni le Gouvernement. 11 serait même dangereux d’en parler; au moment où il faudra livrer une grosse bataille sur les tissus, on doit éviter de mettre contre soi les sériciculteurs.» J’ai naturellement fait observer que la France produisant bien plus de soie qu’elle n’en consomme et nous en vendant de grandes quantités, ne courrait guère de risques en supprimant la protection douanière, et répété que, d’ailleurs, il y avait là plutôt une question de doctrine, attendu que le droit ne fonctionne pas et que, pour le fabricant français acheteur de soie, il est inexistant. - M. Doumergue a répondu: «C’est exagéré; le droit opère, puisque vous venez acheter en France.» J’ai répliqué: «Alors il opère à rebours en favorisant la surproduction et la baisse; c’est de la protection qui aboutit à protéger les Suisses acheteurs de soies françaises.» Quoiqu’il en soit, il semble que M. Doumergue ne peut prendre d’engagements dans ce domaine, et qu’il prévoit seulement la possibilité de modifier la situation de la soie et des primes dans le courant de 1907, sans que des engagements internationaux quelconques puissent être pris.
M. Doumergue m’a conseillé d’aller à Berne insister verbalement auprès de vous pour vous exposer son point de vue, duquel il ne peut se départir, bien qu’il soit absolument désireux de conclure et bien qu’à son avis les relèvements du tarif suisse acceptés par la France ne soient en aucun rapport avec les sacrifices consentis par lui sur le tarif français, etc.
En quittant le champ de la revue, M. Bourgeois m’a dit: «Vous avez parlé avec Doumergue; je vous en prie, allez à Berne leur répéter ce qu’il vous a dit. Vous voyez que nous faisons tout pour aboutir. Tâchez de nous aider».
Je suis prêt à prendre le train et serais même fort heureux d’aller passer quelques heures dans le canton de Neuchâtel où Mme Lardy est obligée de garder le lit depuis plusieurs jours et me demande instamment d’aller la voir. - Il me paraît qu’au fond du cœur de Doumergue, qui est, je crois, le plus mal ou le moins bien disposé des membres du Gouvernement, il y a une vieille rancune contre nous parce qu’il n’a pas obtenu la satisfaction & amour-propre de nous voir lui faire une concession sur le vin. - Je crois que si je pouvais lui faire entrevoir que, dans l’impossibilité où nous sommes de descendre nos prétentions sur la soierie, nous sauverions peut-être la situation si j’étais autorisé à lui dire: «Puisque nous ne pouvons pas céder sur les soieries, nous accorderez-vous 3 fr (2 fr 50 sur les noirs) si nous abaissons d’un franc sur le vin? Ce n’est pas officiel; c’est une suggestion personnelle. Baissons chacun d’un franc notre zéro de l’échelle des non possumus respectifs». Je ne garantis pas qu’on aboutirait, mais la tentation serait grande pour Doumergue de céder et l’insistance qu’il a mise à me parler du vin ce matin est un indice sérieux.
Notre situation est maintenant devenue très critique. Zurich ne veut pas et ne peut pas accepter 4 fr, mais Zurich risque de se trouver le seul obstacle à un accord, et les Français se sont rapprochés habilement de la limite du possible sans la franchir. C’était ce que je redoutais depuis l’origine des négociations. - Il s’est produit ici, incontestablement, un courant dans l’opinion publique et dans le Parlement en faveur d’un accord et le Gouvernement subit cette pression; il y cède dans une certaine mesure; hier dans les couloirs du Sénat, plusieurs Sénateurs, anciens Ministres, appartenant aux régions de l’Est et plutôt protectionnistes, me confirmaient sans réticences cette impression, mais en nous demandant de faire de notre côté les derniers efforts. Tel que je connais Doumergue, son amour-propre, sa qualité de représentant d’une région viticole, lui feraient apprécier peut-être au-delà de sa valeur une concession sur le vin. Celle que nous avons offerte sur les bœufs a été très utile et M. Sarrien, président du Conseil, y est très sensible. Je ne vois rien d’autre pour tenter de rompre l’obstacle. Voyez-vous autre chose? Un pareil sacrifice est-il possible devant l’état de notre opinion parlementaire suisse? Oui, diraient les brodeurs, les machines, les soyeux, les horlogers et les fromagers; les agraires non fromagers sont-ils absolument irréductibles? je le crains mais je ne crois pas manquer à mon devoir en vous signalant la seule issue que j’entrevois.
- 1
- Schreiben (Kopie): E 13 (B) /187.↩