Pubblicato in
Documenti Diplomatici Svizzeri, vol. 5, doc. 79
volume linkBern 1983
Dettagli… |▼▶Collocazione
Archivio | Archivio federale svizzero, Berna |
▼ ▶ Segnatura | CH-BAR#E2200.41-02#1000/1671#4552* |
Vecchia segnatura | CH-BAR E 2200.41-02(-)1000/1671 560 |
Titolo dossier | Correspondances politiques et diplomatiques, Teil 1 (10905–1905) |
Riferimento archivio | 1 |
dodis.ch/42934
Pour le spectateur, il y avait un contraste plutôt pénible entre la pompe extérieure des fêtes données à Paris en l’honneur du jeune roi d’Espagne et l’insuccès lentement porté, à mots couverts et par bribes, à la connaissance du public, de la mission Saint-René Taillandier au Maroc. On sentait que ces fêtes avaient été commandées en vue de célébrer et de consolider une politique qui faisait long feu ou qui, pour le moment tout au moins, tournait plutôt au profit d’un tiers.
D’autre part, M. Delcassé avait toujours préconisé la politique de lente pénétration pacifique au Maroc. Il était donc invraisemblable que les choses pussent marcher très vite; il était évident qu’il y aurait des accrocs, des difficultés, des temps d’arrêt, des reculs. Comme l’Ambassadeur Radolin me l’avait dit le 23 Mai, la conversation franco-allemande ne pouvait guère reprendre utilement avant que l’on connût les premiers résultats de la mission Tattenbach à Fez.
Il a donc été peu généreux de la part de la quasi-unanimité de la presse parisienne de s’acharner sur M. Delcassé à la première fondrière dans laquelle le char diplomatique français s’est embourbé au Maroc. Mes deux dernières lettres Vous ont indiqué la situation parlementaire difficile de M. Delcassé et cette situation parlementaire mauvaise est devenue en quelques heures intenable. On peut dire qu’aucun des grands organes de la presse ne l’a soutenu et ce «Vae victo» produit une impression pénible sur ceux que n’avaient pas éblouis les éloges presque unanimes que la même presse décernait jadis à l’ancien Ministre des Affaires Etrangères.
Dans mon rapport du 23 Mai2, je Vous signalais une fois de plus la volonté de l’opinion française de ne pas avoir de conflits graves avec l’Allemagne à propos du Maroc, de ne pas laisser l’amitié franco-anglaise devenir un instrument d’hostilité sérieuse contre l’Allemagne, et j’ajoutais que M. Rouvier avait eu personnellement à se plaindre de quelques coups de canif donnés à son insu aux Allemands par la diplomatie française non seulement au Maroc, mais en Turquie, etc...; que M. Rouvier avait sérieusement insisté auprès de M. Delcassé pour mettre un terme à ces coups de canif attendu que la France peut parfaitement conserver des relations amicales avec l’Angleterre sans se brouiller avec les Allemands, et j’émettais l’opinion qu’il n’y avait pas de motifs pour que M. Delcassé n’eût pas compris cet avertissement.
Est-il survenu, en dehors de l’échec de la mission Saint-René Taillandier au Maroc, quelque incident franco-allemand nouveau? Dans le monde de la bourse on était très noir il y a trois ou quatre jours et on prétendait que les relations franco-allemandes étaient réellement tendues. L’Ambassadeur d’Italie, comte Tornielli, qui est pessimiste par nature et grand ami de M. Delcassé, prétend savoir qu’à Berlin on était fort irrité contre M. Delcassé et contre la France, qu’on l’est encore, et qu’il faut être inquiet. Je n’ai pu voir le Prince Radolin qui assiste à Berlin au mariage du Prince Impérial, mais son gendre le Comte Moy, Chargé d’Affaires de Bavière, tout en reconnaissant que son beau-père lui a montré une liste d’une trentaine d’exemples de mauvais vouloir reprochés par l’Allemagne à M. Delcassé, affirme que c’est de la folie pure que de croire un seul instant à la possibilité d’une rupture et encore moins d’une guerre entre l’Allemagne et la France; tout cela sont des griefs d’ordre secondaire ou tertiaire, des affaires qui peuvent et doivent certainement s’arranger le jour où, à Paris, on voudra bien se montrer coulant ou même simplement non hostile; l’Allemagne ne demande qu’à vivre en bons rapports avec la France et à acquérir la conviction qu’il n’existe pas entre Paris et Londres une sorte de coalition antiallemande; du même coup cela détendra les relations entre Londres et Berlin; dans tout cela il s’agit avant tout de nuances, d’affaires relativement secondaires; personne au monde ne songe à Berlin à faire la guerre à la France, et puisque M. Delcassé a cessé de plaire au Parlement français et à ses collègues, la détente se fera probablement toute seule, étant bien entendu que la tension n’a jamais eu la portée qu’on lui a attribuée dans le monde de la finance parisienne.
Ce matin, j’ai fait une petite visite à M. Delcassé à son domicile particulier pour le remercier de son bon vouloir envers la Suisse pendant son long passage au Ministère des Affaires Etrangères, et cet après-midi M. Rouvier m’ayant télégraphié qu’il recevrait entre deux et cinq heures et qu’il avait déjà pris possession du Palais d’Orsay, j’ai aussi passé chez lui. Nous nous connaissons depuis les négociations commerciales de 1881, avons été pendant de nombreux étés voisins de campagne à Neuilly, avons traité ensemble des centaines d’affaires au cours de ses divers Ministères, en sorte que nous nous connaissons à fond. Il me sait grand admirateur de son merveilleux talent; nous avons les mêmes opinions économiques et avons toujours fait excellent ménage ensemble. M. Rouvier m’a dit qu’il n’avait pas encore pris de décision sur le point de savoir s’il resterait définitivement aux Affaires Etrangères; aux Finances il connaît et a nommé tout le haut personnel; il sait ce qu’il peut laisser faire et ce qu’il doit se réserver; il sait le degré de confiance que mérite chacun des chefs de service; en deux heures il peut déblayer la besogne et consacrer le reste de son temps à la politique générale ou au Parlement. S’il doit prendre les Affaires Etrangères et quoiqu’il sache fort bien ce qu’il veut sans faire d’apprentissage sur la politique qu’il compte suivre, il lui faudra beaucoup plus de temps pour apprendre à connaître le personnel et le détail des affaires jusqu’au moment où il aurait dans sa main des hommes de confiance et où il saurait quelles affaires il peut leur laisser. Je me suis permis d’exprimer très vivement l’espoir qu’il garderait le portefeuille des relations extérieures.
Passant aux affaires franco-suisses, M. Rouvier m’a dit avec pleine raison qu’il n’en connaissait que trois: les tissus de soie pure, les zones et les lignes d’accès du Simplon. Quant aux tissus de soie pure, il m’a demandé ce qu’on avait fait ce matin à la Chambre et sur ma réponse qu’on y avait discuté devant des bancs vides et ajourné la suite du débat à huitaine, il s’en est félicité; je sais que personnellement M. Rouvier est hostile à la proposition Morel. Quant aux zones, M. Rouvier regrette que la Commission des Douanes ait ce matin ou hier matin adopté le rapport Debussy, qu’il espérait empêcher de voir le jour; la Commission s’est dépêchée de profiter de la petite crise des dernières vingt-quatre heures; M. Rouvier ne paraît d’ailleurs pas avoir de préoccupations quant à l’issue finale et m’a catégoriquement déclaré, sans aucune demande de ma part, qu’il était résolu à maintenir le statu quo franco-suisse à l’égard des zones franches. Enfin, quant aux lignes d’accès du Simplon, il m’a demandé ce que nous voulions; j’ai répondu en trois mots que, dans notre conviction, la grande ligne française resterait toujours celle de Paris à Lyon et à la Méditerranée (M. Rouvier est de Marseille) et que la France ne ferait jamais de grands sacrifices pour subventionner le Simplon qui aboutit en Italie; que nous demandions donc la solution la moins coûteuse, onze millions à l’Etat français, qui ajoutés aux 10 millions offerts par la Compagnie P.L.M. assureront le trafic pendant de longues années. Nous ne demandons rien de plus. M. Rouvier a répondu: «c’est donc Frasne-Vallorbe que Vous voulez». J’ai répliqué: «oui». M. Rouvier a dupliqué: «Vous connaissez les projets de Gauthier?» J’ai répondu: «il m’en a parlé officieusement il y a quelques semaines. Cela coûterait au bas mot deux cents millions pour aboutir à une mauvaise doublure du Mont-Cenis et à un tunnel à 1050 mètres d’altitude, alors que tout l’avantage du Simplon est d’être à 600 mètres plus bas que le Gothard.» M. Rouvier: «Mais Gauthier prétend que Vous donnerez 60 millions, car il est bien évident que nous ne dépenserons pas de grosses sommes si Vous n’en prenez pas Votre très large part». Lardy: «Je n’ai pas besoin d’instructions pour affirmer que la Confédération ne saurait subventionner une ligne contournant le territoire suisse et n’aboutissant pas même au Simplon.» Rouvier: «J’ai dit à Gauthier de négocier avec Vous et de tirer au clair définitivement cette subvention suisse de 60 millions. Ah! quel malheur d’avoir un gendre!» Je me demande s’il n’y a pas quelque confusion, dans l’esprit de M. Rouvier entre le projet de M. Gauthier et celui de son gendre. Comme j’aurai l’occasion de revoir M. Rouvier et M. Gauthier et comme je ne voulais pas prolonger un entretien qui, grâce à l’amabilité du Président du Conseil, avait déjà dépassé la limite des visites d’entrée en fonctions, j’ai pris congé. Et je termine en exprimant, vis-à-vis de Vous comme je l’ai fait vis-à-vis de M. Rouvier, le vif espoir qu’il pourra se décider à demeurer au Ministère des Affaires Etrangères. C’est une vraie jouissance que de rencontrer devant soi une intelligence, une lucidité d’esprit, une force effective comme celles dont M. Rouvier dispose, unies à une aussi sincère bienveillance pour notre pays.
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