Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
13. France
13.1. Commerce
13.1.1. Traité de commerce et guerre douanière
Abgedruckt in
Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 4, Dok. 75
volume linkBern 1994
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Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
▼ ▶ Signatur | CH-BAR#E13#1000/38#151* | |
Alte Signatur | CH-BAR E 13(-)1000/38 32 | |
Dossiertitel | Korrespondenz des Departements des Auswärtigen mit der Schweizer Gesandtschaft in Paris, T. 1 (1891–1891) |
dodis.ch/42425
Ainsi que le faisait prévoir la fin de mon rapport du 17 de ce mois2, M. Ribot en est arrivé ce soir dans une longue conversation, dont je sors, à indiquer comment il se représentait qu’allait se dérouler la situation commerciale francosuisse.
Le Ministre des Affaires étrangères estime qu’il est allé lundi aussi loin que l’état des esprits dans la Chambre des députés peut le supporter et qu’il aurait fallu bien peu de chose pour que cela finît mal; quoiqu’il en soit non seulement le principe et le droit du Gouvernement de faire des traités ont été sauvegardés, mais la perspective de certaines réductions du tarif minimum a été indiquée comme possible dans un avenir prochain, bien entendu avec la ratification du Parlement. Dans la situation actuelle, M. Ribot ne se fait pas d’illusions, ce serait selon lui folie pure que de prétendre soumettre aux Chambres françaises, avant le 1er février, des traités avec tarif au-dessous du minimum; non seulement le Gouvernement se briserait mais le rejet du traité par le Parlement serait beaucoup plus grave que si l’on n’avait pas négocié du tout.
J’ai alors objecté que s’il était entièrement impossible à la France de nous offrir la perspective très prochaine d’une descente au-dessous du tarif minimum sur certains articles et notamment sur nos quatre grandes industries spécialement nationales, la possibilité d’éviter une guerre de tarifs franco-suisse disparaissait presque complètement; il ne serait pas possible de faire accepter à nos Chambres que le tarif minimum est l’équivalent des tarifs conventionnels de la Suisse, surtout étant donné que le tarif minimum est incessamment variable et ne peut être lié par le Gouvernement qu’à la condition de revenir devant le Parlement même pour une durée de 24 heures; il ne serait pas raisonnable de nous demander de considérer des tarifs ayant une durée de 12 ans comme ayant la même valeur que le tarif minimum n’ayant aucune durée et dont les taux sont excessifs. S’il est impossible à la France de nous offrir une fixité quelconque et si son Gouvernement considère comme dangereux de négocier au-dessous du minimum, nous serons obligés en Suisse de nous retourner d’un autre côté et je pense que notre premier soin devrait être de rouvrir des négociations avec nos trois autres voisins, pour leur annoncer la guerre de tarifs entre la France et nous et leur offrir de descendre au-dessous des taux stipulés à Vienne à l’entrée en Suisse sur un certain nombre d’articles; du moment où l’on veut faire la guerre de tarifs, il faut la faire carrément et augmenter l’importance des droits différentiels; en même temps cela améliorera notre situation à l’entrée en Allemagne et en Autriche. En terminant, j’ai donné à entendre que M. Ferry paraissait moins craintif et, dans une visite qu’il m’avait faite samedi soir3, paraissait admettre la possibilité d’une entente franco-suisse au-dessous du minimum pour l’horlogerie, les broderies et les tissus de soie; il faudrait y ajouter les fromages pour obtenir dans nos Chambres la voix des représentants de l’agriculture et peut-être pourrions-nous alors assurer en échange à la France le traitement de la nation la plus favorisée; je dis peut-être, car j’ignore la force des partisans de la guerre de tarifs et il peut se faire qu’il soit déjà trop tard.
M. Ribot, après un échange de vue sur nos quatre industries dites nationales, a paru de l’avis qu’il ne serait pas trop difficile d’obtenir des réductions sérieuses du Parlement français, sauf pour les fromages, pour lesquels il n’y a rien à faire, rien à obtenir en France, selon lui, tant que le droit allemand sera supérieur au droit français (depuis des mois je vous ai écrit que le droit à l’entrée en France sur les fromages se discutait à Vienne). Il veut absolument éviter une guerre de tarifs franco-suisse. Il propose donc de procéder comme suit:
1° Il m’écrirait tout de suite, si je le désire ou dans 8 ou 10 jours4 que la France ayant dénoncé les traités il y a un an5 est disposée à accorder par décret à la Suisse le tarif minimum, si la Suisse n’applique pas aux marchandises françaises des droits plus élevés qu’aux produits similaires des autres Etats.
2° M. Ribot aurait voulu une réponse de nous accordant le traitement de la nation la plus favorisée ou les tarifs les plus réduits, mais je l’ai amené à se contenter d’un simple accusé de réception de notre part, dans lequel il lui serait donné acte de sa communication et rien de plus.
Nous n’aurons donc pas à dire ni directement ni indirectement ce que nous comptons faire.
3° M. Ribot aurait voulu reprendre sous forme de convention diverses dispositions du Traité de commerce6, naturellement en supprimant l’art. 6 relatif aux drawbacks et primes de sortie, mais en maintenant l’art. 11 relatif au poinçon des matières d’or et d’argent de l’art. 22 relatif à la suppression de patente des voyageurs de commerce. J’ai répondu que a priori je ne pensais pas que nous signerions quoi que ce soit et que, même si nous devions le signer, il y aurait bien des chances pour que cela ne fût pas ratifié par nos Chambres, afin de manifester sous cette forme leur impression au sujet du tarif minimum. M. Ribot n’a pas insisté, pas plus que sur la «propriété littéraire».
4° A l’occasion de la lettre7 par laquelle nous répondrions à la première communication de M. Ribot ou dans une lettre séparée, nous écririons au ministre que le tarif minimum atteignant directement la plupart des industries suisses d’exportation et notamment quelques industries exclusivement ou presque exclusivement suisses, le gouvernement fédéral attend du gouvernement français la prompte ouverture de négociations devant assurer notamment aux industries spécialement suisses le bénéfice de droits inférieurs au tarif minimum.
M. Ribot répondrait en admettant le principe de descendre au-dessous du minimum, spécialement sur les industries des broderies, de l’horlogerie et des tissus de soie pure, mais en faisant observer que le temps matériel manque pour négocier avant le 1er février; il proposerait de commencer en février.
Tout cela est très précis en apparence, mais tout cela ne nous donne aucune certitude que le gouvernement français au dernier moment ne viendra pas nous dire qu’il n’ose pas signer, ou que la ratification sera refusée. Tout cela est un moyen d’éviter la guerre des tarifs en jetant de la poudre aux yeux, si nous estimons que la guerre de tarifs est dangereuse pour la Suisse, mais il ne faut pas croire que lorsque nous tiendrons une lettre de M. Ribot, nous promettant de négocier à brève échéance au-dessous du minimum, nous ayons autre chose qu’un bon billet. Il est vrai que nous pourrons en tout temps faire la guerre de tarifs si les négociations promises sont reconnues inutiles ou si elles échouent.
Quoiqu’il en soit nous sommes en présence de propositions précises et j’aurai l’honneur de conférer avec Vous de ces propositions lundi prochain. Je compte passer la journée du dimanche 27 chez ma mère à Neuchâtel et arriver à Berne le lundi vers 9 h. du matin. Je n’ai que le temps d’envoyer porter à M. Henri Morel à la gare de Lyon cette lettre commencée à 6 h. du soir en sortant de chez M. Ribot.
- 1
- Lettre: E 13 (B)/180.↩
- 2
- Non reproduit.↩
- 3
- Voir la lettre de Lardy du 19 décembre 1891; la question des relations commerciales francosuisses a déjà fait l’objet d’un entretien entre J. Ferry et Ch. Lardy le 13 février 1891 (E 13 (B)/ 180).↩
- 4
- Voir à ce propos la note du 8 janvier 1892 de l’Ambassadeur de France à Berne, E. Arago, au Président de la Confédération, N. Droz (E 13 B/179). Cette note est reproduite dans le Message du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale concernant nos rapports commerciaux avec la France (du 23 janvier 1892), (FF, 1892, I, p. 423).↩
- 5
- Le 17 janvier 1891.↩
- 6
- Cf. RO 1883, vol. 6, pp. 295-360.↩
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