Classement thématique série 1848–1945:
I. SITUATION INTERNATIONALE
1. Alliances et relations entre puissances
1.3. Convention franco-russe
Pubblicato in
Documenti Diplomatici Svizzeri, vol. 4, doc. 65
volume linkBern 1994
Dettagli… |▼▶Collocazione
Archivio | Archivio federale svizzero, Berna | |
▼ ▶ Segnatura | CH-BAR#E2300#1000/716#730* | |
Vecchia segnatura | CH-BAR E 2300(-)1000/716 335 | |
Titolo dossier | Paris, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 44 (1891–1891) |
dodis.ch/42475
Voici les premières impressions recueillies depuis mon retour à Paris, en faisant une tournée de visites chez les ambassadeurs accrédités ici; il me paraît utile de faire avant tout le rôle de reporter et d’attendre quelque temps avant d’émettre les appréciations personnelles.
1° Le Général Menabrea, qui est rentré de Monza avant-hier et M. Ressmann, le nouvel Ambassadeur d’Italie h Constantinople, qui a fait cet été à Paris l’intérim du Général Menabrea, me déclarent l’un et l’autre, avec une persistance et un accord qui ressemblent à une consigne, leur conviction que nous sommes à la paix et que rien ne menace l’horizon. Sur ma question: «est-ce jusqu’au mois de mars?» ils répondent que je suis bien pessimiste; je leur demande si c’est jusqu’au 1er avril; ils répondent que nous avons devant nous une longue paix, une paix de plusieurs années; d’après eux, personne ne veut la guerre; la Triple Alliance est résolue à garder la paix; M. de Giers a apporté la semaine dernière à Monza les assurances les plus énergiquement pacifiques de l’Empereur de Russie; quant à la France, M. Ressmann déclare que je ne tarderai pas, après quinze jours, à me convaincre qu’à Paris on est fort sage et absolument résolu aussi à ne pas s’emballer et à empêcher les Parisiens de s’emballer. Le Comte Menabrea et M. Ressmann affirment être «certains» qu’il n’y a pas d’alliance politique, ni défensive ni encore moins offensive, entre la France et la Russie; il y a de «petits arrangements» sur d’autres points, «secondaires», mais il n’y a pas d’alliance franco-russe. On peut être soucieux parce que les incidents fâcheux seront, si l’opinion publique reste surexcitée dans les masses populaires à Pétersbourg où à Paris, plus difficiles à atténuer; mais la volonté de maintenir la paix est tellement précise chez tous les gouvernements, à quelque groupement qu’ils se rattachent, qu’il faudrait des circonstances absolument imprévues pour amener une rupture. En France notamment, les gens sérieux n’ont guère «donné» dans l’emprunt russe; il a été surtout souscrit par les concierges et les naïfs qui avaient jadis porté leurs économies au Panama.
A Y ambassade dAngleterre, le personnage dont je Vous avais rapporté le 22 septembre les impressions pessimistes alors qu’il arrivait d’Allemagne2, me dit qu’on ne parle à Paris et ailleurs que de la paix; qu’il se défie, mais qu’il constate le fait.
A Y ambassade dAllemagne, le Comte Münster me dit qu’on a été «horriblement inquiet» dans son pays, où l’on se montrait convaincu de la quasi-imminence de la guerre, et où l’on croyait à l’extrême difficulté d’éviter des incidents pouvant provoquer l’incendie si le chauvinisme s’en mêlait un peu partout, comme les émotions franco-russes pouvaient le faire supposer. Depuis lors, on est revenu au calme; on a appris qu’à l’occasion de sa visite à Monza, M. de Giers avait apporté au Roi Humbert les assurances les plus résolument pacifiques. A Vienne aussi, on s’est tranquillisé, et on a donné le pas à l’équilibre budgétaire sur les armements nouveaux en se disant qu’il n’y avait pas d’urgence. A Pétersbourg, l’Allemagne a aussi reçu des déclarations pacifiques, et pour les constater publiquement, l’Empereur Alexandre III vient de faire savoir qu’il ferait une visite à Berlin le 24 de ce mois. On a acquis en Allemagne la «certitude» qu’il n’y a aucun traité d’alliance même défensive entre la France et la Russie; on le regrette à Berlin, car lorsqu’on a signé des actes de ce genre, entre deux Etats aussi différents dans tout leur organisme que l’Empire des Tsars et la République démocratique, il y a de sérieuses chances de brouille. Les Russes ne signeront rien actuellement avec les Français, car ils viennent de constater une fois de plus qu’ils auront la France avec eux quand ils voudront; «la France est une maîtresse qu’on n’épouse pas, et si on fait la bêtise de l’épouser, le ménage marche mal». D’autre part, le Ministre de la guerre de Russie vient depuis plusieurs années à Vichy, mais il fait autre chose ici que de boire de l’eau, et il est extrêmement probable que différentes combinaisons militaires ont déjà été et continueront à être étudiées entre les Etats-majors des deux pays en vue d’une action militaire commune, sans alliance politique.
Quant à l’état d’esprit en France, le Comte Münster estime qu’il est pacifique pour une série de motifs; d’abord le gouvernement est beaucoup plus fort qu’il y a trois ou quatre ans; on n’est plus du tout à la merci d’émeutiers ou de pseudopatriotes parisiens; M. Constans a tenu à le leur montrer en les traitant durement lors de la première représentation de Lohengrin au Grand Opéra; le Gouvernement est plus fort parce que les conservateurs viennent à lui et par conséquent ont enlevé leur principal soutien aux émeutiers; les conservateurs viennent à M. Carnot parce qu’ils ont vu la Russie, jusqu’ici le principal soutien de la légitimité, «lâcher» le Comte de Paris. M. Carnot a dit la semaine dernière au Comte Münster qu’il voyait avec plaisir ce rapprochement et avait reçu sans hésiter, dans ses derniers voyages, plusieurs représentants de la plus vieille noblesse, précisément parce qu’il y avait là un gage de paix intérieure et extérieure. M. Carnot a même ajouté, chose singulière et bonne à noter: «D’ailleurs les Russes ne sont pas prêts et ne le seront pas avant trois ans». L’Ambassadeur d’Allemagne estime que les membres du gouvernement sont très sincèrement animés des mêmes dispositions pacifiques (à trois ans d’échéance) que le Président de la République, et il pense que, d’ici à trois ans, il y aura suffisamment d’occasions de voir bien des choses se modifier. Il ajoute que la suppression des passeports à l’entrée en Alsace-Lorraine a été accueillie ici de la manière la plus correcte, qu’on n’y a nullement vu un acte de faiblesse de la part de l’Allemagne, mais une preuve du désir du cabinet de Berlin de réparer une des «pires fautes» de M. de Bismarck. M. de Münster se félicite d’avoir sans cesse demandé le retrait de cette mesure, car, si l’on ne peut entrevoir une alliance franco-allemande, le bon sens exige qu’à Berlin on cherche à faire oublier aux Français l’Alsace-Lorraine au lieu de s’ingénier à leur rappeler chaque jour, par des mesures vexatrices, les tristes événements d’il y a vingt ans. Comme Vous le voyez, chez les représentants de la Triple Alliance, il y a un concert d’intentions ou de paroles pacifiques. Est-ce sincère? Est-ce une tactique pour chloroformer l’Europe? Quoiqu’il en soit, et si j’ose employer un titre de comédie en ces graves matières, chez ces Messieurs, «la consigne est de ronfler».
Tags
Alleanze e relazioni di altri Stati (1893–1903)