Thematische Zuordung Serie 1848–1945:
III. SICHERHEITSPOLITIK
1. Internationale Lage und Kriegsgefahr
1.1. Die Lage in West- und Mitteleuropa
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 3, doc. 339
volume linkBern 1986
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#726* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 333 | |
Dossier title | Paris, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 40 (1887–1887) |
dodis.ch/42318
M. Crowe a appris de l’attaché militaire allemand à Paris, de Huene2, que le Général Boulanger était tellement inconvenant dans ses rapports avec lui qu’il évitait de le saluer lorsqu’il le rencontrait dans le monde ou dans ses promenandes à cheval au Bois de Boulogne.
Crowe ayant demandé où pouvait conduire un état de choses dans lequel un attaché militaire évitait de reconnaître le Ministre de la guerre, auprès duquel il est accrédité, et cependant continuait à rester à son poste, M. de Huene aurait répondu: «Wir treiben zum Kriege», ce qui peut signifier aussi bien nous marchons à la guerre que nous poussons à la guerre.
D’autre part, le même von Huene montrant à Crowe, avec lequel il se promenait, divers personnages à mines de policiers qui couraient des bordées dans le voisinage, aurait ajouté: «Flourens a si peur qu’il m’arrive le moindre accident qu’il m’a fait offrir une escorte. Naturellement j’ai refusé.»
Le même Crowe ayant rencontré à cheval au Bois le chargé d’affaires allemand M. de Leyden et s’étant félicité de ce que l’affaire Schnaebele fut finie: «Oh! finie, » aurait répliqué Leyden. «Oui, jusqu’à ce qu’elle recommence; cela ne durera probablement pas très longtemps; les choses vont aussi vite que mon cheval.» Il donna un énergique coup d’éperon et partit au galop. Je m’empresse d’ajouter que le Comte Leyden est un fort jeune homme qui n’a pas encore eu l’occasion de prouver sa force, il en est tout autrement de Monsieur de Huene, militaire très-distingué, dit-on.
Enfin mon interlocuteur britannique continuait à signaler les intentions pacifiques de l’Empereur Alexandre III comme se confirmant toujours d’avantage. D’après des correspondances particulières, il serait mal vu de l’armée qui lui reprocherait d’avoir peu de goût pour les choses militaires et d’affecter de s’amuser sous une tente avec ses enfants pendant les revues. Est-ce qu’à Berlin on compte sur l’apathie d’AlexandreIII et qu’on veut en profiter pour exciter la France et l’amener à déclarer la guerre à l’Allemagne? Cela est très possible, car, d’après mon interlocuteur, M. de Bismarck a été gâté par la toute puissance, il ne se gêne pas de traiter brutalement même ses amis du moment, les Anglais, et n’est pas retenu dans cette voie par son fils, au contraire. – Il est absolument capable de faire la guerre, si ses renseignements politiques et militaires lui permettent de compter sur la victoire; lui qui affirmait jadis ne pas vouloir agir comme Napoléon Ier commence peut-être à donner des signes précurseurs de la même folie, a ajouté Monsieur Crowe, pour lequel le crime de haute-trahison contre l’Allemagne commis en France par un français est d’ailleurs une notion tout à fait nouvelle.
Quant à l’insurrection de Crète, il affirme que non seulement l’Angleterre n’y est pour rien mais qu’elle a tout fait pour retenir les Grecs. Le fond de l’affaire est, selon lui, qu’à Constantinople on considère la Crète comme jadis on considérait à Londres
les colonies des Etats Unis.
Comme je faisais observer que la baie de la Sude passait pour un des plus beaux mouillages du monde, M. Crowe répondit: Nous n’avons pas besoin d’avoir la Crète
pour utiliser la baie de la Sude sans être sérieusement dérangés par personne.
L’ambassadeur de Russie, M. de Mohrenheim, avec lequel je causais aujourd’hui du dernier livre de M. Rothan: «La France et sa politique extérieure en 1867» où il est mis en scène comme peu enthousiaste pour la cause danoise, ce qui semble lui être aujourd’hui fort pénible, Mohrenheim assurait qu’à l’époque où il représentait la
Russie à Berlin, il avait acquis la conviction que M. de Bismarck «a peu de tours dans son sac». Les grands ou petits mais incessants conflits à l’aide desquels l’opinion publique a été surexcitée en Allemagne et en Europe de 1867 à 1870 semblent devoir se renouveler en 1887 à l’aide de procédés très peu différents. D’après l’ambassadeur de Russie, un homme de soixante-douze ans change difficilement sa manière de travailler.
4 mai 1887. Soir
M. Flourens, avec lequel j’ai eu ce soir vers 6 hs 1/2 un entretien, s’est exprimé en termes fort catégoriques et que je reproduis aussi textuellement que possible:
«L’Allemagne», a dit le Ministre des Affaires Etrangères, «est résolue à nous faire la guerre; seulement, nous savons qu’elle n’ose pas nous la déclarer. Elle cherche toutes les occasions de nous faire tomber dans un piège quelconque et nous tend toutes les embûches qu’elle peut imaginer. C’est le jeu du chat et de la souris, avec cette différence que, nous l’espérons, le chat aura quelque peine à croquer la souris. Nous avons l’espoir que l’opinion publique française, à chaque incident nouveau que
l’Allemagne soulève et soulèvera encore, comprend et comprendra mieux ce jeu, et ne se laissera pas entraîner au moindre acte qui pourrait nous compromettre. Toutefois, une émotion populaire, une sortie déplacée de quelques journaux, tout peut devenir l’occasion cherchée. Pendant l’affaire Schnaebele, nos Chambres n’étaient pas réunies, mais nous ne sommes pas dans la situation de la Suisse dont les sessions parlementaires n’excèdent guère trois mois par an. L’Allemagne est absolument prête pour la guerre; elle la veut; nous savons d’autre part qu’elle ne peut pas la déclarer. Nous réglons notre conduite en conséquence – espérant que le pays comprend et continuera à comprendre la marche à suivre.»
J’ai alors dit que je n’avais pas de nouvelles de mes collègues accrédités auprès des autres Etats limitrophes de la Suisse, en sorte que j’en étais réduit à mes impressions personnelles; la gravité de la situation telle qu’il venait de l’exposer, ai-je ajouté, me semble s’étendre aussi à la petite Suisse, dont le rôle sera bien difficile au milieu de ces
énormes meules de moulin qui paraissent s’apprêter à tourner.
M. Flourens a répliqué: «Oh! la Suisse n’a rien à craindre; je ne suis pas inquiet pour elle; et, d’ailleurs, nous savons que la petite Suisse, comme Vous l’appelez, est assez solidement outillée pour qu’on ne songe pas à se frotter à elle.» M. Flourens n’a pas abordé d’autre question franco-suisse, malgré l’occasion que j’avais tenu à lui en fournir et je n’ai pas insisté.
Je lui ai demandé si l’insurrection crétoise était une génération spontanée ou le commencement d’un incendie volontaire.
Le Ministre a répondu que tout était préparé en Crète pour une insurrection, et qu’à la première nouvelle, il avait envoyé un bâtiment de guerre dans la baie de la Sude, «où il n’est pas bon de laisser les Anglais ou d’autres arriver seuls ni les premiers.» D’autre part, a ajouté M. Flourens, il paraît qu’on se trouve plutôt en présence d’un incident que de l’explosion de l’insurrection projetée. Une jeune chrétienne a été enlevée par un musulman; on a échangé des coups de fusil, mais l’excitation paraît se localiser, et les télégrammes reçus aujourd’hui de l’agent français tendent à représenter les bandes comme rentrant chez elles et la population comme commençant à écouter les conseils des consuls européens qui tous cherchent à calmer l’agitation.
Il est évident que la France a un intérêt à représenter M. de Bismarck comme poussant à la guerre, surtout auprès d’un pays neutre et ami de la paix comme la Suisse. Cependant il ne faut pas se dissimuler la gravité des paroles de M. Flourens, puisqu’elles ont été prononcées non pas à titre de conversation privée dans un salon quelconque, mais au cours d’un entretien au Ministère des Affaires Etrangères à la réception hebdomadaire des chefs de mission. Mises en regard des renseignements consignés au début du présent rapport, leur portée s’accentue encore.
(Dans le cas où Vous jugeriez à propos de transmettre à d’autres Légations suisses la copie de la dernière partie du présent rapport, j’ose compter que Vous voudrez bien la faire chiffrer).
- 1
- Bericht: E 2300 Paris 40.↩
- 2
- Es handelt sich vermutlich um den Kanzleichef der deutschen Botschaft, Eugen Hoene.↩
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