Thematische Zuordung Serie 1848–1945:
III. SICHERHEITSPOLITIK
1. Internationale Lage und Kriegsgefahr
1.1. Die Lage in West- und Mitteleuropa
Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 3, doc. 273
volume linkBern 1986
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Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E2300#1000/716#723* | |
Ancienne cote | CH-BAR E 2300(-)1000/716 333 | |
Titre du dossier | Paris, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 37 (1884–1884) |
dodis.ch/42252
Le 11 de ce mois2, j’avais eu l’honneur de Vous rendre compte des impressions du Ministre d’Italie à Paris sur la situation politique générale. Depuis lors, j’ai eu l’occasion de voir quelques uns de mes collègues, en petit nombre toutefois, la plupart d’entre eux étant encore en congé; tel est, en particulier, le cas des ambassadeurs d’Angleterre, d’Allemagne, d’Espagne et de Russie, du Ministre de Belgique, etc.
Le Ministre des Pays-Bas, M. de Zuylen, venait de rentrer à Paris; il avait précisément la visite de son collègue de Londres, et ce dernier assurait que l’Angleterre, surprise par le rapprochement franco-allemand, était décidée à refuser l’invitation de prendre part à la Conférence africaine de Berlin; M. de Bismarck aurait alors fait savoir à Londres que la Conférence dite du Congo se réunirait même en dehors de l’Angleterre; on incline donc au Palais de St. Jämes pour accepter l’invitation. Quant à admettre que l’entente franco-allemande ait des visées continentales, on n’y croit pas à La Haye; on incline à penser qu’il s’agit d’un rapprochement momentané, portant exclusivement sur des affaires coloniales, mais on reconnaît ne rien savoir de précis.3
Le chargé d’affaires d’Allemagne, M. de Rothenhahn, dont j’ai eu la visite à l’occasion d’une affaire courante, et auquel j’ai eu soin de ne pas demander ce que le Comte Bismarck était venu faire à Paris, a porté lui-même la conversation sur ce terrain, en disant que «cette visite n’avait rien changé, qu’elle avait été simplement la confirmation et la constatation d’arrangements antérieurs.» Je n’ai pas insisté; je ne connais pas encore M. de Rothenhahn, qui vient d’arriver à Paris, et ne voulais pas commencer nos relations par des procédés de reporter ou m’exposer à un refus.
Le Ministre d’Angleterre en l’absence de Lord Lyons, Sir Walsham, assure ignorer complètement ce qui se passe entre Paris et Berlin, et pense que son Gouvernement et l’ambassade anglaise à Berlin n’en savent pas plus long que lui.
Aujourd’hui j’ai eu une longue visite de l’Envoyé commercial britannique auprès des Gouvernements de France, Allemagne, Autriche, Espagne, Italie, Turquie, etc., M. Crowe, avec lequel d’anciennes et intenses relations me lient. D’après M. Crowe, le Gouvernement Britannique n’a pris encore aucune résolution au sujet de sa participation à la Conférence du Congo; les intérêts français sont nuls sur la côte occidentale de l’Afrique; même dans les possessions françaises anciennes, l’importation britannique représente 90 et même 95% du total. Quant à la liberté commerciale dont M. de Courcel fait briller les perspectives dans ses dépêches à M. de Bismarck, l’Angleterre la connait; elle se traduit au Gabon par des droits différentiels de 60% en faveur des produits français, et par la prétention de la France d’accaparer tout le trafic de l’Ogowé. Un accord franco-allemand est néanmoins évident au Congo; la preuve en est que divers postes récemment occupés par les Français, Little Pope et autres, ont été abandonnés et sont aujourd’hui aux mains des Allemands. Que l’Allemagne ait des visées sérieuses, cela semble résulter de l’appareillage d’une forte escadre allemande de cinq grands bâtiments dont au moins deux cuirassés, dont les officiers ont été prévenus que leur campagne d’Afrique ne durerait pas moins de neuf mois. De ce qui précède, on est forcé de conclure en Angleterre que, si la France est si gracieuse dans l’Afrique occidentale pour le Cabinet de Berlin, celui-ci a dû offrir une contrepartie. En France, la forme prime souvent le fond; pour un Ministère français, avoir l’air d’être bien avec l’Allemagne pouvait être mortel, pouvait être pire que d’être bien en réalité. Donc, la contre-partie peut avoir été forte. Depuis trois mois, la diplomatie anglaise cherche à percer ce mystère sans y parvenir; à Berlin, il n’y a rien à faire; le prince Bismarck ne met aucun subalterne dans la confidence de ses plans; à Paris, où les secrets se gardent moins, mais où l’on a déjà su garder secrète, pendant trois mois, la mission du commandant Fournier en Chine, rien n’a transpiré. – On est préoccupé à Londres –. A première vue, on ne croit pas qu’il s’agisse d’une mainlibre donnée de part et d’autre pour agir, la France en Belgique, l’Allemagne dans les Pays-Bas, mais on étudie tous les indices qui pourraient faire prévoir une combinaison de ce genre. On n’a pas confiance dans le prince de Bismarck, dont l’esprit est, diton, plus aventureux qu’on ne le croit généralement; on se rappelle à Londres qu’à une certaine époque, M. de Bismarck a offert à la Russie une grande étendue de territoire allemand (pas polonais, allemand) en vue d’une combinaison qui n’a pas abouti; l’histoire de M. de Bismarck n’a pas encore été écrite et révélera bien des choses singulières. Tout dépend du but qu’il a en vue; suivant la hauteur du but, il proportionne l’importance des moyens à mettre enjeu et des sacrifices à faire; c’est ce but qu’il faut connaître. A priori, on croit que le pivot de la politique allemande est la consolidation de l’Empire par le maintien de la paix et par l’exclusion de toute coalition contre l’Empire; si tel reste le pivot, alors le rapprochement franco-allemand n’a d’autre but que d’écarter «l’entente naturelle» franco-anglaise; «le Cabinet de Berlin cajole M. Ferry et donne des coups de pied au gouvernement anglais dans l’espoir de flatter et d’amadouer le premier, et de mettre le second en colère. S’il n’y a que cela, nous tâcherons de ne pas nous fâcher, bien que M. Ferry ait complètement mordu à l’hameçon.» On a dit, a continué mon interlocuteur britannique, que l’Allemagne, en échange des politesses françaises au Congo, soutiendrait M. Ferry en Egypte afin d’assurer l’éloignement de M. de Freycinet des affaires; mais que demande-t-on de nous en Egypte? Nous y sommes allés parce que personne n’y allait, et parce que nous ne pouvions, à cause de nos sujets mahométans, laisser le Mahdi accroître son influence; la France avait, à cause de l’Algérie et de la Tunisie, les mêmes intérêts que nous. Nous avons offert de neutraliser et d’européiser l’Egypte; que veut-on de plus? Car nous ne pouvons admettre que les Rothschild et autres porteurs de bons égyptiens, guident la politique à Berlin; à Paris, «ils la guident certainement», mais ils n’ont aucune action sur M. de Bismarck. En résumé, a dit en terminant M. Crowe, nous ne savons rien, malgré tous nos efforts, sinon qu’on est fort désagréable envers nous à Berlin et à Paris, et qu’une entente [franco]-allemande au Congo est patente. Nous ne disons rien encore, sinon que nous ne laisserons pas prendre la Belgique contre son gré; mais nous ne nous dissimulons pas que la République est, en Belgique, «à fleur-de-terre», et que si la République belge s’annexait à la France, nous pourrions nous trouver dans une situation assez embarrassante. Heureusement, nous n’avons pu constater jusqu’ici aucun indice d’une action française ou allemande dans ce sens, et nous croyons encore que là n’est pas la compensation obtenue par M. Ferry pour les risques qu’il courrait en affrontant, devant l’opinion française, le danger d’un rapprochement avec l’Allemagne.
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