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Der schweizerische Gesandte in Paris, J. K. Kern, an den Vorsteher des Handels- und Landwirtschaftsdepartements, L. Ruchonnet1

Vous avez appris ce matin, par le rapport d’hier2 sur la conversation officieuse avec M. Rouvier, que le nouveau Ministre du Commerce paraît craindre des résistances parlementaires très sérieuses pour les augmentations du tarif à l’entrée en Suisse, qu’il déclare n’avoir pas encore pu se former une opinion personnelle définitive, & qu’il demande un nouvel entretien officieux avant la prochaine séance officielle. – Vous avez appris en même temps que les bureaux compétents, au Ministère des Affaires Etrangères, comme à celui du Commerce & comme à la Douane, sont entièrement hostiles à tout relèvement des droits, & partagent les opinions de M. Tirard.

La situation est donc telle que l’entrevue de la semaine prochaine sera sans doute décisive. – De plus, il y a urgence, car, du côté français, la Chambre des Députés se séparera dans peu de jours à cause du renouvellement partiel du Sénat, et ne se réunira que le 2ème mardi de Janvier d’après la constitution. – Du côté suisse, les Chambres vont se réunir & des interpellations seront sans doute adressées au Conseil fédéral, et il importe que les choses aient pu prendre une tournure dans une direction favorable.

Pour cet entretien si important avec M. Rouvier3, qui sera inévitablement suivi d’un autre avec M. Gambetta4, nous estimons que Votre présence serait d’une importance très considérable; elle Vous permettrait de Vous rendre compte immédiatement de la nature des objections formulées, de la possibilité de les surmonter, de l’attitude à prendre par la Suisse, & de rendre compte, par suite d’impressions personnelles, de la situation à l’Assemblée fédérale.

Les correspondances si nombreuses échangées dans les derniers temps, Vos entretiens avec les autres Membres du Conseil fédéral, Votre tact relativement à l’attitude à prendre vis-à-vis de nos Chambres, la gravité et l’importance de la question, justifiaient pleinement, nous semble-t-il, une proposition dans ce sens auprès du Conseil fédéral.5

Comme, dans notre conviction, il sera nécessaire d’abandonner, si on veut réussir à obtenir un traité, un bon nombre des positions du tarif de 18786, il a été préparé par la Légation un tableau7 des points sur lesquels il serait le moins difficile de céder, et des conséquences financières de ces concessions. Comme il y a urgence, grande urgence, et comme il serait extrêmement désirable, indispensable même qu’à la prochaine réunion officieuse avec M. Rouvier, nous pussions lui faire part de l’opinion du Conseil fédéral à ce sujet, M. Lardy se décide à partir ce soir pour aller en conférer avec Vous, ainsi qu’avec MM. Droz & Hammer. – Après l’entretien avec MM. Rouvier & Gambetta, il serait peut être trop tard, et en outre, nous tomberions, pour l’examen de ces concessions éventuelles, pendant la session de nos Chambres, ce qui rendrait cet examen plus difficile.

Nous espérons très vivement que Vous consentirez à faire le sacrifice de ce voyage à Paris. Je regrette beaucoup d’être obligé de Vous demander ces quelques jours à la veille de la session, au moment où Votre temps est mis, plus que jamais, à contribution. Mais je connais trop Vos sentimens de patriotisme pour n’être pas convaincu que, dans une circonstance aussi grave, Vous ne refuserez pas un concours qui peut être d’une aussi grande utilité à notre Pays.8