Thematische Zuordung Serie 1848–1945:
I. KIRCHENPOLITIK
1. Der Kulturkampf
1.3. Der internationale Kontext
1.3.3. Der Kulturkampf im Ausland
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 3, doc. 38
volume linkBern 1986
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#713* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 331 | |
Dossier title | Paris, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 27 (1874–1874) |
dodis.ch/42017
Avant-hier soir j’avais l’honneur de Vous rendre compte des propos tenus par M. Nigra dans la salle d’attente du Ministre des Affaires Etrangères, & d’exposer que le Cabinet Italien avait demandé au Gouvernement français de se prononcer catégoriquement, à l’occasion de l’interpellation DuTemple, contre toute politique ultramontaine, contre toute pensée de restauration pontificale & de donner nettement à entendre au parti clérical français qu’il doit renoncer à l’appui du Cabinet de Versailles.2
J’espérais rencontrer hier soir, dans un dîner, le Comte Arnim & obtenir de lui des renseignements officiels au sujet des intentions de l’Allemagne. Avant-hier soir, l’Ambassadeur a perdu sa fille aînée & je ne l’ai donc pas vu. – Cependant comme M. d’Arnim est venu vendredi à 2 heures chez le Duc Decazes, & qu’il est resté en conférence avec lui pendant près d’une heure, ce n’est pas trop s’avancer que de dire que l’objet de cet entretien devait être très-important. Sinon l’Ambassadeur n’eût pas quitté sa fille deux ou trois heures avant le dernier soupir de celleci.
Voici en quelques mots ce que j’ai appris hier par le Cte Wesdehlen, Conseiller de l’Ambassade d’Allemagne.
M. d’Arnim n’avait, comme Vous le savez, pas encore reçu d’instructions au sujet de l’attitude à prendre dans l’affaire des mandements épiscopaux, mandements dont la teneur était si injurieuse pour les gouvernements d’Allemagne, d’Italie & de Suisse. Vous Vous rappelez également que M. d’Arnim avait demandé à ne recevoir pour instructions que ce qu’on serait décidé à obtenir. – Mercredi soir, il n’avait encore reçu aucune réponse à sa demande d’instructions.
Dans l’intervalle, M. Decazes avait rapporté à M. d’Arnim une conversation entre M. de Gontaut-Biron & M. de Bülow dans laquelle le Ministre prussien des Affaires Etrangères aurait déclaré que la circulaire envoyée aux évêques par M. de Fourtou le satisfaisait pleinement. M. Decazes aurait ajouté: «Je me félicite vivement de ces déclarations de M. de Bülow, qui mettent fin à une question si délicate». – Quelques jours après, dans une nouvelle conversation entre Arnim & Decazes, ce dernier raconte que M. de Gontaut-Biron avait eu, avec le prince de Bismark un entretien sur cette même circulaire, & que le prince Bismarck avait, en termes très vifs, déclaré que les expressions employées par M. de Fourtou étaient beaucoup trop faibles; que l’Allemagne, en pleine lutte contre l’ultramontanisme, était obligé de surveiller partout les menées du parti clérical, & qu’en particulier l’Allemagne ne pouvait tolérer l’attitude des ultramontains français.
Jeudi soir est arrivé de Berlin un courrier à l’Ambassade d’Allemagne à Paris, & c’est à la suite de l’arrivée de ce courrier que M. d’Arnim s’est rendu Vendredi, malgré l’état presque désespéré de sa fille, à l’audience du duc Decazes.
M. Wesdehlen dit ignorer ce qui a pu être dit à cette occasion, & n’avoir pas voulu encore parler à son chef de la situation politique.
Le correspondant du Times, qui s’était rapproché de nous pendant cette conversation, demanda à mon interlocuteur s’il avait connaissance d’un article de la Nord Deutsche Allgemeine Zeitung publié le soir même par les journaux de Paris, & dont je Vous remets sous ce pli la traduction française.3 – Le correspondant du Times fit observer que, dans sa pensée, on s’irritait trop en Allemagne du langage de la presse et des évêques français; il ne pense pas que les articles de journaux & les mandements du haut clergé aient l’influence qu’on leur attribue. – «Je me demande où Vous voulez en venir», a-t-il continué. «Le Gouvernement français, depuis huit jours, s’est raccomodé avec la droite. Il ne lui est pas possible de se séparer d’elle si brusquement & après un si court délai. – D’autre part, n’oubliez pas que Vous pourriez, en poussant au renversement du Cabinet Broglie, en avoir un autre encore pire, parce que la France est au fond très catholique. – Voulez vous amener le Cabinet de Versailles dans un cul-de-sac?»
Le diplomate allemand a répondu: «Si j’étais un homme qui tombe de la lune, je Vous donnerais raison. Mais à Berlin, on est engagé dans une «lutte à outrance» contre les ultramontains, & cette lutte nous oblige à considérer comme des ennemis tous ceux qui les soutiennent, qu’ils soient en France ou ailleurs». – Il semble résulter de cette réponse que M. Wesdehlen est plus au courant qu’il ne veut le dire, de la teneur des instructions arrivées Jeudi.
A l’occasion de la conférence monétaire, j’ai eu avec M. Ressmann un assez long entretien sur la même question. Il m’a confirmé les détails donnés par M. Nigra au Ministre des Pays-Bas, et a ajouté: «L’Italie veut sincèrement la paix. Mais elle veut aussi la reconnaisance définitive de l’ordre de choses actuel. Si on lui refusait une réponse nette, elle verrait ce qui lui reste à faire».
Il a ajouté, & M. Wesdehlen a aussi abordé ce point, que l’Allemagne serait assez disposée à demander la poursuite de certains évêques en exécution de l’art. 12 de la loi française du 17 Mai 1819, ainsi conçu: «L’offense, par l’un des mêmes moyens, envers la personne des souverains ou envers celle des chefs des gouvernements étrangers, sera punie d’un emprisonnement d’un mois à trois ans, et d’une amende de 100 fr à 500 francs». Sur ce point, M. Wesdehlen m’a paru plus affirmatif que M. Ressmann.
Enfin j’ai rencontré hier soir un député du centre droit, lié depuis plus de 20 ans avec M. de Broglie, & auquel j’ai demandé ce qu’il savait de la situation. Ce député a dit que, depuis plusieurs jours, le Gouvernement français était sérieusement inquiet. M. de Bismark serait très irrité de la prétendue faiblesse du gouvernement français envers les évêques, & l’Italie, qui n’ose parler haut qu’à cause de son alliance avec l’Allemagne, surenchérit encore sur les réclamations prussiennes. Que peut faire le cabinet contre des prélats «à moitié fous» comme l’évêque de Nîmes? Il n’a aucune action sérieuse sur eux. Tout ce qu’il ferait ne contribuerait qu’à surexciter les cléricaux. Le gouvernement n’a aucune sympathie pour Mgr Plantier, qui ne lui épargne pas à lui-même les injures. Mais il a besoin de la droite pour sa lutte intérieure contre le radicalisme. Il ne peut se séparer d’elle. L’Allemagne semble décidément vouloir nous faire une mauvaise querelle. Elle sait que nous ne pouvons nous dégager de la droite; elle sait que notre réorganisation marche trop vite; elle veut semble-t-il nous infliger un affront sérieux, & peut-être une série d’affronts, pour nous obliger à prendre les armes. – A l’intérieur la position n’est pas meilleure. Aujourd’hui le cabinet a presque subi un nouvel échec à la Chambre. M. Ferry (centre gauche) avait demandé que le gouvernement, dans les localités comptant moins de 3000 âmes, dût choisir les maires au sein des Conseils municipaux. «La majorité contre cette proposition, n’a été que de 5 voix. Allonsnous avoir une nouvelle crise intérieure venant s’ajouter à ces graves complications extérieures?» Ce député, en sa qualité de membre de la droite, ajoutait naturellement que tous les députés avaient le devoir patriotique de se serrer autour du cabinet du 24 Mai.
A Y officiel de ce matin, la majorité obtenue hier par le Gouvernement est de 4 voix seulement, et presque tous les Ministres ont pris part au vote. Je dis «presque tous», parce que, chose curieuse, on trouve au nombre des abstentions, le nom de M. le Duc Decazes.
Est-ce un simple accident? Ou y a-t-il là un fait voulu? C’est ce que nous ne tarderons pas à savoir. M. Decazes peut avoir, après ses entretiens avec MM. Nigra & Arnim, le sentiment qu’il est indispensable de faire des concessions à l’Allemagne & à l’Italie, que le Cabinet actuel ne peut faire ces concessions, & qu’il doit s’ouvrir une porte pour se mettre à la tête d’un nouveau cabinet.
En résumé, la situation est réellement grave. Mais je dois dire que je ne puis croire à la guerre. La France devra céder. Il est impossible qu’elle ne le fasse pas. Il y aura plutôt un changement de gouvernementen France qu’une guerre. Le sentiment que le Cabinet actuel peut, moins que tout autre, donner satisfaction à l’Allemagne et à l’Italie, contribuera à hâter sa chute. Ce qui paraît donc le plus probable, c’est, non pas la guerre comme le font croire les pessimistes, mais un changement de Ministère, si M. de Broglie n’entre pas résolument dans une voie énergique contre les ultramontains.
En Vous priant de conserver un caractère absolument confidentiel aux détails communiquées plus haut, [...]4.
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