Classement thématique série 1848–1945:
III. AFFAIRE DE NEUCHÂTEL
Également: Arrêté fédéral annulant la procédure contre les insurgés neuchâtelois. Annexe de 16.1.1857
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 1, doc. 269
volume linkBern 1990
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2#1000/44#446* | |
Old classification | CH-BAR E 2(-)1000/44 75 | |
Dossier title | Neuenburgerhandel (1857–1857) | |
File reference archive | B.254 |
dodis.ch/41268
L’Envoyé extraordinaire accrédité auprès du Gouvernement français pour représenter la Confédération suisse dans les négociations qui vont s’ouvrir dans le but de procurer la renonciation du Roi de Prusse aux droits qu’il fait découler des traités sur Neuchâtel et la reconnaissance de l’indépendance entière du canton de Neuchâtel, reçoit les instructions suivantes:
1. En réponse à la note du Gouvernement français du 5 janvier2, l’Envoyé extraordinaire lui communiquera l’arrêté de l’Assemblée fédérale du 15/16 janvier.3 Il lui exprimera au nom du Conseil fédéral des remerciements pour les assurances qui ont été données. Il représentera toute la signification de l’acte accompli par la Suisse en vertu de sa souveraineté. S’étant montrée animée du désir de contribuer à amener une solution pacifique du différend et ayant accompli le premier pas dans la voie de la conciliation, elle attend avec confiance du Gouvernement de l’Empereur qu’il fera ainsi qu’il en a pris l’engagement, tous ses efforts pour amener un arrangement qui satisfasse aux vœux de la Suisse, en assurant l’entière indépendance de Neuchâtel.
2. L’Envoyé extraordinaire insistera auprès du Gouvernement de l’Empereur pour que la solution réclamée par la Suisse intervienne le plus promptement possible et il demandera qu’il soit agi dans ce sens, soit auprès de S.M. le Roi de Prusse, soit auprès des gouvernements des autres puissances s’il y a lieu.
3. Quant au mode des négociations l’Envoyé extraordinaire devra chercher à se mettre si possible en rapport avec le représentant de la Prusse, soit directement, soit s’il y a lieu par l’entremise du ministère français, de façon à arrêter les bases d’une déclaration de renonciation qui n’aurait plus qu’à être consacrée dans un protocole des puissances, lequel infirmerait les dispositions de celui du 24 mai 18524 et les articles correspondants de l’Acte du Congrès de Vienne.
4. Il partira, dans toutes les tractations, du principe général que l’indépendance de Neuchâtel doit être entière, et qu’en conséquence la renonciation du Roi de Prusse doit être complète, sans réserve qui implique le maintien d’une dépendance quelconque de Neuchâtel sous une influence étrangère et sans aucune restriction de la constitution, de la législation et de l’administration à l’intérieur du canton.
5. En ce qui concerne quelques points particuliers, il reçoit les instructions ciaprès:
a. La renonciation du Roi devant être complète, il est impossible à la Suisse de lui concéder le titre de Prince de Neuchâtel et Valangin. Si S.M. le Roi de Prusse veut, néanmoins, continuer à porter ce titre, la Suisse ne peut songer à l’en empêcher, mais elle ne peut en consacrer la reconnaissance dans un acte officiel. Elle ne saurait, d’ailleurs, jamais admettre qu’il puisse en découler aucun droit du Roi, vis-à-vis de la Suisse ou du canton.
b. La propriété privée étant garantie par la constitution et les lois du canton, sans aucune exception, pour les étrangers comme pour les nationaux, il est incontestable que toute la fortune privée que S.M. le Roi de Prusse pourrait posséder dans le canton serait respectée et protégée à l’égal de toute autre propriété privée. Il n’est donc besoin d’introduire aucune garantie à ce sujet dans l’acte. S’il était cependant insisté, de la part de S.M. le Roi de Prusse, pour qu’il fût inséré la réserve qu’il conserve ses propriétés privées dans le canton de Neuchâtel, cela ne pourrait se faire qu’aux conditions suivantes:
– Cette réserve devrait être énoncée dans une forme qui ne pût jamais exclure l’indépendance entière de la législation, non plus que la juridiction cantonale ou fédérale, en cas de contestation, ni motiver une immixtion étrangère dans les affaires intérieures du canton.
– Pour prévenir tout malentendu, la fortune privée appartenant au Roi devrait être spécialement désignée.
– Les domaines, redevances et revenus que le Roi possédait en qualité de souverain du pays, ne pourraient à aucun titre et sous quelque forme et dénomination que ce soit, être envisagés comme propriété privée. Toute réclamation à ce sujet doit être écartée.
c. Les fondations charitables et religieuses qui existent dans le canton, comme les fondations Pourtalès, de Meuron, de Pury, etc., sont au bénéfice de la protection de la constitution et des lois du pays. Il n’est donc besoin de formuler à leur sujet aucune garantie spéciale dans l’acte. S’il était cependant réclamé l’insertion de quelque clause concernant ces établissements, cela ne pourrait être consenti que sous la forme d’assurance tranquillisante qui serait donnée par la Confédération et qui porterait que ces établissements seront respectés à l’avenir et qu’ils seront maintenus conformément à la destination qui leur a été fixée par les donateurs.
Cette assurance ne devrait toutefois pas être donnée dans la forme d’une garantie constituant une restriction à l’indépendance de la législation cantonale ou pouvant motiver une immixtion étrangère dans les affaires intérieures du canton, ni revêtir la forme d’un article de traité.
d. Aucune réserve ou garantie, sous quelque forme ou dénomination que ce soit, ne doit être admise en ce qui concerne les 4 bourgeoisies, toute restriction qui serait faite à cet égard étant contraire à l’entière indépendance du canton de Neuchâtel.
6. Si une indemnité pécuniaire est réclamée par le Roi de Prusse, soit qu’elle passe au roi, soit qu’elle soit remise par lui à des tierces personnes, l’Envoyé extraordinaire s’y refusera eu égard aux assurances données à la Suisse. Dans la discussion, il opposera à cette réclamation les dépenses extraordinaires qui incombent à la Suisse et au canton pour les frais du procès, pour ceux de l’occupation militaire, pour ceux de l’armement qui a eu lieu à la suite des événements de septembre et il fera aussi valoir la dette publique restée à la charge du canton et les autres frais qui lui ont été occasionnés par l’insurrection du 2/3 septembre.
7. Si l’annulation des actes de la procédure est réclamée, l’Envoyé extraordinaire repoussera cette demande.
8. Il repoussera également toute clause par laquelle on voudrait infirmer le droit de la Confédération ou du canton de poursuivre, conformément aux lois, les déserteurs et réfractaires qui se sont soustraits par la fuite à l’accomplissement de leurs devoirs militaires. En maintenant tous les droits de la Suisse et ceux du canton, il est toutefois autorisé à mettre en perspective l’octroi d’une amnistie, après que la question principale serait définitivement résolue suivant les instructions qui précèdent.
9. S’il est mentionné d’autres conditions non prévues dans les articles qui précèdent, il demandera des instructions au Conseil fédéral.
10. Si une conférence des grandes puissances est convoquée, il fera en temps opportun les démarches nécessaires pour que la Suisse y soit admise. Il est chargé de l’y représenter. Il fera, cas échéant, toutes réserves au sujet de la compétence et il maintiendra l’intégrité des droits de la Suisse. Il déclarera de prime abord qu’il ne peut reconnaître à la conférence un autre caractère que celui d’une médiation et nullement celui d’une cour de justice ou d’un Conseil avec le droit de décider souverainement la question. Il s’opposera, s’il y a lieu, d’une manière énergique à ce que la conférence entre dans l’examen de toute autre question relative à la Suisse que celle de la reconnaissance de l’indépendance entière de Neuchâtel et il protestera, s’il est besoin, en attendant des instructions ultérieures.
11. L’Envoyé extraordinaire déploiera dans les négociations la résolution et l’activité propres à amener le plus tôt possible au but indiqué dans les articles qui précèdent.
12. Il n’admettra point de déviation des présentes instructions sans avoir obtenu le consentement du Conseil fédéral.
Instructions confidentielles
1. L’Envoyé extraordinaire se mettra immédiatement en relations directes et personnelles avec l’Empereur des Français. Il s’efforcera d’obtenir de lui une action prompte et efficace dans le sens de la note du 5 janvier et des assurances confidentielles qu’il en a obtenues.
2. En ce qui concerne l’Angleterre, il s’informera soit auprès de l’Empereur soit auprès de Lord Cowley du mode de tractation qu’il conviendrait le mieux d’observer vis-à-vis de cette puissance sans qu’il entre toutefois en négociation formelle avec ce diplomate. L’Envoyé verra s’il y aurait avantage à ce qu’il fût luimême aussi accrédité auprès du Gouvernement anglais, ou si les communications avec l’Angleterre peuvent avantageusement se faire comme à l’ordinaire par l’intermédiaire de sa Légation en Suisse.
3. En ce qui concerne le lieu des conférences, il n’énoncera pas de préférence. Toutefois, si l’Angleterre devait mettre grand prix à ce qu’elles fussent tenues à Londres, il tâchera s’il y a lieu, d’obtenir de l’Empereur qu’il n’insiste pas pour qu’elles aient lieu à Paris.
4. Il demandera immédiatement à l’Empereur d’intervenir auprès du Cabinet de Berlin pour que le précédent ministre de cette puissance en Suisse5 ne soit pas de nouveau accrédité en cette qualité auprès de l’Autorité fédérale.